
Les lieux de mémoire
La France possède un important patrimoine historique. Les grands sites de mémoire, tels que les tranchées de la Première Guerre mondiale, les plages du Débarquement, les camps d'internement, ainsi que les nombreux musées d'histoire, mémoriaux et nécropoles nationales témoignent d'un siècle de conflits. D'autres lieux font référence à des évènements plus anciens, liés à la mémoire de l'esclavage notamment.
Que sont les lieux de mémoire ?
Par l'expression "lieux de mémoire" (apparue dans les années 80, à la suite de la publication de l'ouvrage éponyme de l'historien Pierre Nora), à laquelle ne correspond aucune définition juridique, on peut désigner, notamment, des lieux liés à certains événements exceptionnels du passé, souvent intervenus dans un contexte traumatique (comme une guerre), dont la collectivité a choisi d'entretenir le souvenir.
Ils représentent un ensemble assez hétérogène (sites historiques, mémoriaux, musées d'histoire, nécropoles nationales, etc.) dans lequel on trouvera aussi bien des lieux où se sont effectivement déroulés des événements importants (par exemple un champ de bataille - à proximité duquel seront généralement enterrés les corps des soldats tombés lors de l'affrontement) que des monuments symbolisant des événements ne s'étant pas forcément déroulés sur place (tel est souvent le cas d'un mémorial).
En France, certains de ces sites, notamment les 273 cimetières militaires situés sur le territoire national et les quelque 1000 lieux de sépultures situés dans des pays étranger, en particulier en Afrique du Nord, Belgique, Italie, et dans les pays du front d'Orient (Turquie, Grèce, Macédoine,etc.), ainsi que plusieurs lieux emblématiques des conflits contemporains, relèvent directement de l'État (direction des patrimoines, de la mémoire et des archives du ministère des armées). D'autres sont gérés par des collectivités territoriales, des fondations ou des associations.
Découvrir les lieux de mémoire grâce à l'École
Dans le prolongement des cours dispensés en classe, et en lien avec les programmes scolaires, les équipes éducatives ont la possibilité de faire découvrir aux élèves des lieux de mémoire.
Parce qu'un lieu de mémoire n'est pas un endroit comme un autre, sa visite par le public scolaire ne doit pas se faire sans prendre un certain nombre de précautions préalables. Les équipes éducatives veillent notamment à ce qu'elle soit adaptée à l'âge des élèves, qu'elle concerne un nombre raisonnable d'élèves et qu'elle s'inscrive dans le cadre d'un projet pédagogique cohérent.
Cette démarche nécessite donc une importante préparation en amont qui peut être facilitée par une prise de contact avec le service éducatif du site mémoriel, lorsqu'il existe (par exemple au Mémorial de la Shoah, au Musée de l'Ordre de la Libération, au Musée de la Grande Guerre, au Musée de l'Armée, au Mémorial ACTe, etc.), ou avec l'aide un des partenaires de l'éducation nationale (ONACVG, Souvenir français, Fondation de la Résistance, Fondation pour la mémoire de la déportation, Fondation de la France libre, Fondation Charles de Gaulle, Fondation pour la mémoire de la Shoah, Fondation pour la mémoire de l'esclavage, Fédération André Maginot, etc.).
Elle peut initier une démarche intergénérationnelle, notamment lorsque sont sollicités, au cours du projet mis en place, des témoins des événements du passé.
Il est également indispensable d'engager un travail de restitution, avec les élèves, après la visite. Ce travail, qui se déroule généralement en classe, peut donner parfois lieu à la réalisation d'une exposition, d'un site internet, d'un article dans le journal de l'établissement, etc.
À noter que le ministère chargé de la défense peut apporter un soutien financier à ces projets pédagogiques, dans le cadre de la commission interministérielle de coopération pédagogique.
On pourra également trouver des informations pour la mise en œuvre de ces projets auprès du référent "mémoire et citoyenneté" de l'académie.
Les lieux liés à la mémoire de l'esclavage
Pour ce qui concerne la traite négrière, le Comité pour la Mémoire et l'Histoire de l'esclavage a dressé une liste indicative des lieux de mémoire.
Une partie des lieux liés à la mémoire de ces évènements sont situés dans les Outre-mer, tel :
- Le Mémorial ACTe (Pointe-à-Pitre, Guadeloupe), à la fois mémorial, musée, centre d'arts vivants et centre de congrès, il a été inauguré en 2015.
- Le Cimetière des âmes perdues (Saint Louis, La Réunion), où furent inhumés de nombreux esclaves travaillant dans les champs de canne à sucre au XVIIe et XVIIIE siècle.
- Le Mémorial de l'Anse Caffard (Le Diamant, La Martinique), édifié en 1998 à l'occasion du 150ème anniversaire de l'abolition de l'esclavage, à proximité du lieu du naufrage d'un navire négrier en 1830.
En métropole, on remarquera tout particulièrement :
- Le Jardin du Luxembourg, à Paris, qui abrite un monument réalisé par l'artiste Fabrice Hyber intitulé « Le cri, l'écrit », destiné à commémorer l'abolition de l'esclavage (inauguré le 10 mai 2007) et une stèle en hommage aux esclaves et à leur combat pour les droits de l'homme et la liberté (inaugurée le 10 mai 2011). Traditionnellement, à cet endroit, se tient chaque année une cérémonie nationale à l'occasion de la Journée officielle de commémoration de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions, le 10 mai.
- Le Mémorial de l'abolition de l'esclavage, à Nantes, l'un des principaux ports négriers de France (inauguré en mars 2012).
- La Maison de la Négritude et des droits de l'Homme, à Champagney (inaugurée en 1971, avec le soutien de Léopold Sédar Senghor) et les autres sites de la "Route des abolitions".
- Le Panthéon, monument ayant vocation, depuis la Révolution française, à honorer de grands personnages ayant marqué l'Histoire de France, qui abrite notamment, dans sa crypte, la tombe de Victor Schœlcher, l'un des principaux auteurs de l'abolition définitive de l'esclavage en France, en 1848.
Les lieux liés à la mémoire des deux conflits mondiaux
Le ministère de la défense répertorie l'ensemble des sites mémoriels français liés à notre histoire depuis 1870 (hauts lieux de mémoire, nécropoles, mémoriaux, etc.) sur son site "Chemins de Mémoire".
La Mission du centenaire de la Première guerre mondiale a proposé en outre, sur son portail, une cartographie permettant de localiser les sites mémoriels de la Première guerre mondiale par région.
Le site "Enseigner l'Histoire de la Shoah" propose également une liste de lieux de mémoire liés à la persécution des Juifs, en France et à l'Étranger, pendant la 2de guerre mondiale, accompagnée d'informations pratiques pour les visiter.
Parmi les principaux sites existant, on peut notamment citer :
Pour la 1re guerre mondiale
- Le Mémorial des batailles de la Marne, à Dormans (Marne), monument dédié à l'ensemble des combats de la Marne (batailles de septembre 1914 et de mai à août 1918), la Grande Tombe de Villeroy à Chauconin-Neufmontiers (Seine-et-Marne), érigée lors de la première bataille de la Marne et abritant notamment le corps du Lieutenant Charles Péguy, ainsi que le Fort de la Pompelle, à Reims (Marne), clé de voûte de la défense française dans la région, qui ne put jamais être pris par les troupes allemandes.
- La Nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette, à Ablain-Saint-Nazaire (Pas-de-Calais) a été érigée sur la colline de Lorette, position stratégique surplombant le bassin minier, que se sont disputés avec acharnement les armées françaises et allemandes entre octobre 1914 et septembre 1915. Il s'agit du plus grand cimetière militaire français (plus de 40 000 soldats). A noter que le 11 novembre 2014, à l'occasion des commémorations du centenaire de la Grande Guerre, sera inauguré sur ce site un mémorial sur lequel seront gravés les noms de 600 000 soldats de toutes les nationalités morts en Flandre française et en Artois entre 1914 et 1918
- Le site de Douaumont (Meuse) avec l'Ossuaire de Douaumont qui abrite les restes de soldats non identifiés (près de 130 000) tombés pendant la terrible bataille de Verdun entre février et décembre 1916, la nécropole de Douaumont, où reposent, en tombes individuelles plus de 16 000 soldats, la tranchée des baïonnettes et le Mémorial de Verdun.
- Le champ de bataille du Hartmannwillerkopf ("HWK") à Hartmannswiller (Haut-Rhin), montagne que se sont violemment disputées les troupes françaises et allemandes entre janvier et décembre 1915.
- Le Chemin des Dames, situé entre Laon et Soissons (Aisne), lieu très symbolique où se déroulèrent à plusieurs reprises des combats acharnés, notamment lors de l'offensive du général Nivelle entre avril et juin 1917.
- La Clairière de l'Armistice à Compiègne (Oise) où a été signée l'armistice du 11 novembre 1918 ainsi que celle du 22 juin 1940.
- La Tombe du Soldat inconnu, représentant l'ensemble des soldats morts pendant la Grande guerre, inhumé sous l'Arc de Triomphe, à Paris.
- La crypte du panthéon militaire de l'Hotel des Invalides (église Saint Louis des Invalides), à Paris, où sont enterrés plusieurs chefs militaires français de la Grande guerre : le maréchal Foch, le général Nivelle, le général Mangin, le général Franchet d'Espèrey, le général de Maud'huy...
- On peut également ajouter à cette liste les quelques 36 000 monuments aux morts (généralement des cénotaphes - monuments n'abritant aucun corps) érigés dans la plupart des villes et villages français à partir de la fin de la guerre et comportant les noms des tués originaire de la commune, ainsi que les plaques commémoratives présentes dans certains lycées par exemple.
- On pourra également s'intéresser à la démarche originale du sculpteur français Gaston Deblaize qui a conçu les bornes de la Terre sacrée, renfermant de la terre des principaux champs de bataille du front occidental de la Grande guerre. Ces bornes, en plus de celle installée au cimetière national d'Arlington (près de Washington, USA), sont respectivement situées en l'église Saint-Louis des Invalides (Paris), au Récif de Guernic (sur l'île de Théviec, dans le Morbihan), au Village de Cinq-Mars-la-Pile (Indre-et-Loire), au Village de Meures (Haute-Marne), sur la Plage de la Terre sacrée, à Vignola (Ajaccio, Corse-du-Sud) et sur le champ de bataille de Bois-le-Prêtre (Pont-à-Mousson, Meurthe-et-Moselle).
- Au-delà des monuments, on n'oubliera pas les nombreux musées évoquant l'histoire de ce conflit, tel l'Historial de la Grande Guerre à Péronne (Somme) ou le Musée de la Grande guerre du Pays de Meaux (Seine-et-Marne), le Musée de l'Armée (Paris).
Pour la 2de guerre mondiale
- Le Mont-Valérien, abritant notamment le Mémorial de la France combattante et la "Clairière des fusillés", à Suresnes (Hauts-de-Seine), le Monument aux 35 martyrs de la Résistance, à proximité de la grande cascade du bois de Boulogne, à Paris, le Mémorial de l'ancienne prison de Montluc, à Lyon, (Rhône), où furent internés de très nombreux prisonniers sous l'Occupation (dont Jean Moulin) et les ruines du village d'Ouradour-sur-Glane (Haute-Vienne).
- Le Mémorial des martyrs de la déportation de l'Ile de la Cité, à Paris, le Mémorial du Camp des Milles, à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), et le site de l'ancien camp de concentration de Natzweiler au Struthof (Bas-Rhin), que jouxte le Centre européen du résistant déporté.
- Le Mémorial de la Shoah, à Paris, et son nouveau site, inauguré le 23 septembre 2012, installé sur l'ancien camp d'internement de Drancy (Seine-Saint-Denis), où furent rassemblés, avant d'être envoyés vers les camps d'extermination du Reich, la majeure partie des 76.000 juifs déportés de France, et la Maison des enfants d'Yzieu (Ain).
- Le Monument dédié aux Forces Françaises Libres érigé sur l'Ile de Sein (Finistère). A noter que plusieurs autres monuments en l'honneur des FFL ont été érigés à l'Etranger (Grande-Bretagne, Libye, etc.)
- Le Mémorial de Caen (Calvados), non loin des Plages du Débarquement de Normandie, et le Mémorial du Débarquement de Provence du Mont-Faron à Toulon (Var).
- Le Musée de la reddition, à Reims (Marne) et les nombreux autres lieux de collecte, de conservation et d'exposition du patrimoine de cette période : le Musée de l'Ordre de la Libération, à Paris, le Musée de la Libération de Paris, du Général Leclerc et de Jean Moulin, à Paris, le Musée de la Résistance nationale à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), le Centre d'histoire de la Résistance et de Déportation de Lyon (Rhône), le Musée de la Résistance en ligne, le Musée de l'Armée à Paris etc.
- Le Mémorial Charles de Gaulle à Colombey-les-Deux-Eglises (Haute-Marne), qui retrace la vie du chef de la France libre et futur Président de la République (inhumé dans la même commune).
- La crypte du Panthéon, à Paris, qui abritent les dépouilles de grrands résistants et Français libres tels Jean Moulin, René Cassin, Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion ou Jean Zay
- La crypte du panthéon militaire de l'Hotel des Invalides (église Saint Louis des Invalides), à Paris, où sont enterrés plusieurs chefs militaires français de la Seconde guerre mondiale : le maréchal Leclerc, le marchal Juin, le général Giraud...
- On pourra également s'intéresser aux nombreuses plaques commémoratives posées, dans de nombreuses villes, sur certains bâtiments (écoles et établissements scolaires notamment) pour rendre hommage à des victimes du nazisme, à des faits de résistance, etc.
- Rappelons que de nombreux lieux de mémoire liés à la seconde guerre mondiale sont situés dans des pays étrangers (Allemagne, Royaume-Uni, Pologne, Italie, etc.). C'est notamment le cas des camps de concentration et d'extermination nazis dont la majeure partie est située sur les territoires actuels de l'Allemagne et de la Pologne.
Concours scolaires
Une action éducative organisée par des partenaires de l'éducation nationale s'appuie étroitement sur les lieux de mémoire, il s'agit de "La meilleure photographie d'un lieu de mémoire", concours de la Fondation de la Résistance et de la Fondation pour la mémoire de la Déportation, qui donne aux élèves la possibilité d'exprimer leur sensibilité aux aspects artistiques et architecturaux des lieux de mémoire via la photographie.
D'autres concours, tels que le Concours des petits artistes de la mémoire (mémoire de la 1ère Guerre mondiale), le Concours national de la Résistance et de la Déportation (mémoire de la 2nde Guerre mondiale), le concours "Bulles de mémoire" (mémoire des conflits contemporains) ou le concours "la Flamme de l'égalité" (mémoire de l'esclavage) peuvent également s'appuyer sur un travail de recherche mené autour de lieux de mémoire.
Outils et pistes pédagogiques
On pourra notamment se référer aux outils pédagogiques conçus par les inspecteurs d'histoire-géographie de l'académie de Paris à l'occasion d'un espace en ligne réalisé pour la commémoration du centenaire de la Première guerre mondiale et du Soixante-dixième anniversaire des combats de la Résistance, de la libération du territoire et de la victoire sur la barbarie nazie, notamment :
- Étudier un monument aux morts en classe de 1ère
- Redécouvrir les monuments du souvenir de la Grande Guerre avec nos élèves
- La Grande Guerre au Musée de l'Armée
- Découvrir un lieu de mémoire (1ère guerre mondiale) : la gare de l'Est
- Le camp de concentration de Natzweiler du Struthof
Par ailleurs on notera que le site "Enseigner l'histoire de la Shoah" réalisé par le Mémorial de la Shoah présente une rubrique dédiée à la visite de sites mémoriels avec des scolaires et que le Cercle d'étude de la déportation et de la Shoah a publié sur son site une page intitulée "Préparer les élèves à une visite dans un Mémorial et/ou un camp".
On pourra également consulter un article du "Café pédagogique" dédié à la préparation d'une visite de lieu de mémoire par les enseignants : "Organiser le Voyage de nos élèves à Auschwitz : Pourquoi ? Comment ?"