Maurice Genevoix entre au Panthéon

11 novembre 2020
Mis à jour : mai 2023

Contexte

Le Président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé qu'il souhaitait honorer collectivement « ceux (et celles) de 14 » en faisant entrer les cendres de l'écrivain Maurice Genevoix au Panthéon. Cet hommage solennel est prévu le 11 novembre 2020. Cet évènement offre la possibilité de travailler de façon interdisciplinaire (histoire, lettres, enseignement moral et civique, histoire des arts, etc.) avec les élèves sur l'œuvre littéraire de Maurice Genevoix, l'histoire de la Grande Guerre et le témoignage des hommes et des femmes qui l'ont vécue.

Maurice Genevoix, le porte-étendard des « poilus »

La Jeunesse

Né en 1890 à Decize, dans la Nièvre, Maurice Genevoix suit sa famille qui s'installe dans le Loiret l'année suivante. Son enfance, son adolescence et une grande partie de sa vie d'adulte passées dans le Val de Loire marqueront son œuvre littéraire.

Élève brillant, pensionnaire au lycée Lakanal de Sceaux, il entre par la suite à l'École normale supérieure de Paris et se destine à une carrière universitaire littéraire lors que la guerre éclate à l'été 1914. Mobilisé, il est envoyé au front comme sous-lieutenant dans l'infanterie.

L'épreuve de la guerre

Jeune officier, Maurice Genevoix découvre la guerre dès le déclenchement des hostilités. Dans son uniforme bleu et rouge, il fait partie des premiers combattants de la Grande Guerre, « ceux de 14 » pour reprendre le titre de ce qui sera bientôt une de ses œuvres les plus célèbres.

Au sein de la IIIe armée française, la compagnie de Maurice Genevoix se bat dans les Ardennes puis retraite sur Verdun avant de participer à la 1re Bataille de la Marne qui marque l'échec du plan « Schlieffen-Moltke » prévoyant une invasion rapide de la France.

Dans les mois qui suivent, le lieutenant Genevoix et ses compagnons d'armes de la IIIe Armée, commandée par le général Sarrail, participent aux combats dans la Meuse. Depuis février 1915, Français et Allemands s'affrontent très violemment pour prendre le contrôle d'une position stratégique (crête des Éparges) qui offre un observatoire naturel sur la plaine de Woëvre, à l'est de Verdun. Les lieux sont pris et repris par les deux adversaires, au prix de lourdes pertes causées notamment par l'artillerie et les mitrailleuses.

Lors de ces terribles combats, Maurice Genevoix perd des amis. Il est lui-même grièvement blessé à quelques kilomètres de là, à Rupt-en-Woëvre, le 25 avril 1915. Atteint de trois balles, il est évacué et passe de longs mois dans des hôpitaux militaires. Il en ressort en 1916, invalide à 70%, n'ayant notamment plus l'usage de sa main gauche.

Le récit des combats

De retour à Paris, il renonce à sa carrière universitaire pour se consacrer à l'écriture. Il décide de témoigner sur son expérience de la guerre, utilisant les nombreuses notes prises lorsqu'il était au front, écrit, jusqu'en 1923, cinq volumes (qui seront rassemblés bien plus tard, en 1949, sous le titre de Ceux de 14) offrant un récit très précieux sur la vie des soldats de la Grande Guerre.

Tandis que certains grands écrivains disparaissent dans le tourbillon de la Grande Guerre, tels Charles Péguy et Alain-Fournier (tués à l'ennemi en 1914) ou Guillaume Apollinaire (mort pour la France en 1918), Maurice Genevoix fait partie des « survivants », tels Henri Barbusse (Le Feu, 1916), Georges Duhamel (Civilisation, 1918), Roland Dorgelès (Les Croix de Bois, 1919) qui emploieront leurs qualités littéraires pour s'attacher à relater le quotidien des soldats.

En 1929, dans un essai intitulé Témoins, l'écrivain Jean Norton Cru étudie de façon très critique les différents témoignages publiés sur la Grande Guerre. Il rend alors hommage au réalisme des écrits de Maurice Genevoix, disant de ce dernier qu'il est « le plus grand peintre de la guerre ».

L'écrivain et l'académicien

Inscrivant son œuvre dans le mouvement réaliste (Balzac, Maupassant...), Maurice Genevoix écrit, par la suite, de nombreux ouvrages ayant souvent pour cadre la nature du Val-de-Loire qu'il décrit avec un très grand souci du détail (mais aussi des paysages de l'Amérique et de l'Afrique, découverts lors de plusieurs voyages). On citera notamment Raboliot, qui lui vaut le prix Goncourt en 1925.

Il est reçu en 1947 au sein de l'Académie française et en devient même le Secrétaire perpétuel de 1958 à 1973. Il décède en 1980.

Proposition de lecture pour les élèves

lecture d'un texte de Maurice Genevoix

"Je ne pouvais plus douter. J'étais rejoint et traversé par les ondes d'un bombardement monstrueux. La distance n'y faisait rien. Cela dépassait toute mémoire. J'étais là bas, sous ce bombardement « lointain » où mes sens, bien avant moi, reconnaissaient l'aboi des obusiers, les salves galopantes des canons de campagne, la scansion lourde des pièces sur voie ferrée, l'enfoncement aux entrailles du sol et aussitôt la croulante éruption des énormes obus de rupture. Mes camarades, mes camarades. Il faut avoir senti, à la poussée d'un parapet contre l'épaule, la brutalité effrayante d'un percutant qui éclate ; avoir entendu pendant des heures, du fond de l'ombre, en reconnaissant toutes leurs voix, monter les gémissements des blessés ; avoir tenu contre soi un garçon de vingt ans la minute d'avant sain et fort, qu'une balle à la pointe du cœur n'a pas tué tout à fait sur le coup, et qui meurt, conscient, sans une plainte, les yeux ouverts et le visage paisible, mais de lentes larmes roulant sur ses joues.
Vous étiez là, mes camarades. C'est pour vous, pour vous tous que je parle.
Vous êtes la comme au premier jour.
Et vous voyez : votre pays se souvient avec vous. Il sait qu'il faut vous respecter, vous entourer, vous remercier-et vous croire. L'Histoire de France a besoin de vous".

(Extrait du discours prononcé par Maurice Genevoix le 28 juillet 1968 à la Butte Chalmont lors de la commération du 50ème anniversaire de la seconde bataille de la Marne).

Entretenir la mémoire de « ceux de 14 » en étudiant l'histoire de la Première guerre mondiale

La panthéonisation de Maurice Genevoix et l'hommage ainsi rendu à « Ceux de 14 » offre l'occasion d'approfondir l'étude des faits historiques qui marquèrent le grand conflit mondial (programmes de CM2, de troisième et de première).

Pour ce faire, on pourra se reporter aux objectifs pédagogiques majeurs qui marquèrent la commémoration du Centenaire de la Grande Guerre et demeurent pertinents aujourd'hui :

Insister sur la force de l'événement

Il convient de faire comprendre aux élèves comment le déclenchement de la guerre a constitué un événement qui a dépassé tout ce que les contemporains avaient pu imaginer et qui a entraîné la France, l'Europe et le monde dans un conflit caractérisé par une violence de masse à une échelle sans précédent.

Mettre en exergue l'épreuve nationale

Il s'agit de rendre sensible la dimension d'épreuve nationale de ce conflit dans toutes ses composantes (expérience combattante, mobilisation de l'ensemble de la société civile) avec ses très lourdes conséquences ultérieures (démographiques, politiques, économiques, culturelles, etc.) et d'évoquer également les effets du conflit sur la société française.

Avoir une approche interdisciplinaire et ouverte sur les mémoires portées par d'autres pays

Il est important de mettre en évidence la traduction de ce conflit dans la littérature, les arts, le patrimoine et le paysage même de la France. Il convient également de confronter les élèves avec les mémoires contemporaines d'autres pays qui ont été engagés dans le conflit.

Faire le lien avec la Seconde Guerre mondiale et le développement de l'idée européenne

Il convient enfin de dégager le caractère destructeur et le terrible coût humain du premier conflit mondial tout particulièrement en Europe, cette dimension de catastrophe européenne n'ayant trouvé véritablement son issue qu'en 1944-1945. En effet, c'est à la fin de la Seconde Guerre mondiale, laquelle a poussé à son paroxysme la violence de guerre, les destructions et les massacres de population, que s'affirme une prise de conscience que l'Europe est un bien commun et un idéal de paix pour les différentes nations qui la composent.

Le Panthéon, symbole monumental de la mémoire nationale

L'ancienne église Sainte Geneviève

En 1744, le roi Louis XV, venu dans l'Est de la France diriger ses armées lors de la guerre de succession d'Autriche, tombe subitement gravement malade à Metz. Croyant, comme le reste du royaume, que sa dernière heure est arrivée, le souverain fait le vœu de dédier une grande église à Sainte Geneviève, patronne de la ville de Paris. Contre toute attente, le roi de France guérit. Tenant parole, il ordonne l'édification de l'église au sommet de la montagne Sainte-Geneviève, dans le Quartier latin. L'architecte Jacques-Germain Soufflot, qui conduit la construction de l'ouvrage de façon assez audacieuse, a l'ambition de rivaliser avec Saint-Pierre de Rome et Saint-Paul à Londres. Le chantier ne fut véritablement achevé qu'à la veille de la Révolution.

Le Temple des « Grands hommes »

Le 2 avril 1791, la mort du tribun Mirabeau, alors considéré comme un héros de la Révolution provoque une forte émotion populaire. L'Assemblée constituante décrète deux jours plus tard que le corps de Mirabeau sera inhumé dans l'église Sainte-Geneviève, transformée en « Panthéon des gloires nationales ». L'architecte Antoine Quatremère de Quincy se voit confier la mission de modifier le bâtiment religieux et s'inspire, pour ce faire, du Panthéon (temple dédié à tous les dieux) de Rome, lui donnant son apparence actuelle.

Après Mirabeau (dont le corps sera finalement retiré de l'édifice après que le scandale de « l'armoire de fer » a mis en lumière son double-jeu), on décide de transférer au Panthéon le corps de deux grandes « figures » des Lumières : Voltaire et Rousseau et deux hommes politiques assassinés pendant la Révolution, dont Marat (qui en seront retirés plus tard).

Après avoir accueilli sous l'Empire les dépouilles de nombreuses personnalités civiles militaires, l'édifice est rendu au culte catholique à la Restauration.

Il faut attendre la IIIe République pour qu'une loi de 1881 fasse renouer le monument avec son passé révolutionnaire. Désormais dédié aux grands hommes de la République, il accueille en grandes pompes la dépouille de Victor Hugo. Une trentaine de personnalités seront successivement accueillies en son sein jusqu'à nos jours, de Lazare Carnot à Simone Veil, en passant par Emile Zola, Léon Gambetta, Jean Jaurès, Victor Schoelcher, Jean Moulin, Felix Eboué, René Cassin, Jean Monnet ou Alexandre Dumas.

À ce jour, 73 hommes et 5 femmes ont été ainsi « panthéonisés ».

Actions éducatives

Les élèves de CM2 peuvent participer à l'action éducative de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre intitulée le Concours des Petits Artistes de la Mémoire.

Ce concours scolaire conduit à la conception par la classe d'un « carnet de poilu », se basant sur le parcours d'un soldat de la Grande Guerre choisi par les élèves après des recherches menées sur le passé des habitants de la commune ou la famille d'un des élèves.