L’abolition de la peine de mort en France

Le 9 octobre 1981, la peine de mort est abolie en France par l’adoption d’une loi. Pour les partisans de cette abolition, tel Robert Badinter, cette décision marque l’achèvement de nombreuses années de combat militant pour la suppression de la peine capitale. Ce grand sujet de société offre la possibilité de travailler avec les élèves de façon interdisciplinaire (histoire, lettres, philosophie, enseignement moral et civique, arts plastiques, éducation musicale, etc.).

Mis à jour : février 2024

La peine de mort et le mouvement abolitionniste

Les philosophes des Lumières sont partagés sur la question de la peine de mort. La plupart d’entre eux la considèrent comme un mal nécessaire pour protéger la société tout en estimant généralement que son utilisation doit être limitée et sa mise en œuvre moins « barbare » (la torture et l’exécution du chevalier de La Barre, condamné pour sacrilège, en 1745, et la torture et l’exécution de Robert François Damiens, condamné pour tentative de régicide, en 1757 marquent les esprits). Quelques-uns, à l’instar du juriste milanais Cesare Beccaria, affirment que le recours à la torture et à la peine de mort n’a pas sa place dans une société moderne et souligne le caractère irréparable de la peine de mort en cas d’erreur judiciaire.

Ce discours fait écho auprès du Grand-Duc de Toscane dont l’État est le 1er au monde à abolir officiellement torture et peine de mort. Dans les décennies qui suivent, plusieurs autres États suivent cette voie (Tahiti en 1824, Venezuela en 1863…)

En France, les bouleversements juridiques de la Révolution de 1789 entraînent l’abolition de la torture mais pas de la peine de mort. Au contraire, la « guillotine », invention du docteur Guillotin, machine à décapiter jugée plus « humaine » et plus « égalitaire » que les moyens d’exécution employés jusqu’alors par les bourreaux (décapitation à la hache, pendaison, écartèlement, bûcher, supplice la roue… selon le crime commis et la qualité du condamné), est très largement utilisée, surtout pendant la Terreur, pour se débarrasser d’adversaires politiques, ou désignés comme tels. Ainsi périssent, sous le couperet du « rasoir national » le roi Louis XVI, son épouse Marie-Antoinette, Olympe de Gouges, Philippe-Egalité, Danton, Desmoulins, Robespierre, Saint-Just et de très nombreux autres. La guillotine excite alors les foules, elle fascine puis finit par écœurer.

Après la chute de Robespierre, le rythme des exécutions ralentit et, à partir du XIXe siècle, la peine de mort s’applique essentiellement aux criminels de droit commun (tel Lacenaire en 1836 ou Landru en 1922), à quelques exceptions près (les Quatre sergents de la Rochelle en 1822, Auguste Vaillant en 1894…). Successivement, certains hommes politiques tentent de faire supprimer la peine de mort (Lamartine en 1838, Victor Hugo et Victor Schœlcher en 1848, puis Armand Fallières, Georges Clémenceau, Aristide Briand et Jean Jaurès en 1906-1908) mais sans succès.

Conformément à la tradition voulant que l’application de la peine de mort édifie la population, l’exécution reste un « spectacle » public en France jusqu’en 1939. À partir de cette date, elle ne se fera plus qu’en petit comité (gardiens, magistrats, avocats, aumônier, bourreau, médecin…), avant le lever du jour, dans le secret des prisons, ce huis clos au déroulement très codifié nourrissant l’imaginaire populaire, par le biais de la presse, de la littérature, du cinéma et de la chanson.

Après la Libération, passé la période de l’épuration qui voit l’exécution, généralement par peloton d’exécution, de plusieurs personnalités impliquées dans la collaboration avec les autorités d’occupation (Robert Brasillach, Pierre Laval…), le rythme des exécutions capitales en France décroît progressivement. 69 pendant les années cinquante, 33 dans les années soixante et 6 dans les années soixante-dix. En Europe, si la plupart des États n’ont pas aboli la peine de mort, la plupart ne l’appliquent plus.

De plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer la barbarie, l’illégitimité et l’immoralité de ces éliminations physiques légales, notamment celles d’écrivains et d’artistes engagés comme Albert Camus, Boris Vian, Léo Ferré, Georges Brassens ou Jean Ferrat. Sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, on entend particulièrement celle de l’avocat Robert Badinter qui, particulièrement marqué par la condamnation à mort, qu’il estime injuste, et l’exécution de son client Roger Bontems en 1972, se fait le héraut de la cause abolitionniste dans les prétoires et dans les médias. Assurant en 1977 la défense de Patrick Henry, accusé de l’enlèvement et du meurtre d’un enfant, Maitre Badinter parvient à faire de ce procès, largement médiatisé, le « procès de la peine de mort » et sauve la tête de son client.

1981 - L’abolition de la peine de mort en France

L’abolition de la peine de mort devient un thème politique important lors des élections présidentielles de 1981 et, malgré les sondages indiquant qu’une majorité de la population semble hostile à cette suppression, Robert Badinter parvient à convaincre le candidat du Parti socialiste, François Mitterrand de l’intégrer à son programme électoral : c’est la 53e des « 110 propositions pour la France ».

François Mitterrand est élu Président de la République le 10 mai 1981. Après un gouvernement de transition et la victoire de la majorité présidentielle aux législatives de juin, Robert Badinter est nommé ministre de la Justice, Garde des Sceaux, au sein du second gouvernement dirigé par Pierre Mauroy 23 juin 1981. Rapidement, Robert Badinter s’attelle à la mise en œuvre de la réforme qui lui tient à cœur et pour laquelle François Mitterrand s’est engagé devant les Français.

L’essentiel du projet de loi présenté par Robert Badinter devant l’Assemblée nationale, le 17 septembre 1981, tient, dans son article 1er, en 6 mots : « La peine de mort est abolie. »

Le projet de loi est voté par l’Assemblée nationale le 18 septembre par 369 voix pour et 113 contre, les voix de 37 députés de l’opposition (dont celle de Jacques Chirac) se mêlant à celles de la gauche. Adoptée le 30 septembre au Sénat par 161 voix pour, 126 contre, la loi est promulguée le 9 octobre 1981. La France devient alors officiellement le 36e état à avoir aboli la peine de mort.

Depuis l’abolition

La France ratifie, le 17 février 1986, le protocole n°6 additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui interdit la peine de mort pour tous les crimes commis en temps de paix. Ce texte sera complété par le protocole n°13, adopté le 3 mai 2002 par le Conseil de l’Europe, qui abolit la peine de mort en toutes circonstances (même en temps de guerre).

La Cour européenne des droits de l’homme décide, le 7 juillet 1989, qu’un pays membre ne peut pas extrader une personne vers un état susceptible de lui appliquer la peine de mort.

L’Assemblée générale des Nations unies adopte, le 15 décembre 1989, le 2e protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort.

Le 23 février 2007, la révision constitutionnelle souhaitée par le Président de la République Jacques Chirac aboutit à l’adoption de l’article 66-1 : « Nul ne peut être condamné à la peine de mort. »

Alors que plus d’une vingtaine de pays continuent à organiser régulièrement des exécutions capitales (Chine, Syrie, Corée du Nord, Iran, Arabie saoudite, Irak, États-Unis, Soudan, Yémen, Égypte, Somalie, Japon…) la France milite aujourd’hui, au niveau international, pour une abolition universelle de la peine de mort.

Ressources

Sur le site de Réseau Canopé

Sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France

Sur le site Crimino Corpus, musée virtuel dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines

Sur Lumni Enseignement

Sur le site de l’Institut national de l’audiovisuel (INA)

Au Panthéon

À l'occasion du quarantième anniversaire de l’abolition de la peine de mort en 2021, le Panthéon a présenté l’exposition « Un combat capital » permettant d’évoquer et comprendre les moments-clés de l’abolition mais retraçant aussi les engagements des Grands Hommes du Panthéon, tels Victor Hugo, Jean Jaurès, Victor Schœlcher, qui trouvent un écho lors de ce combat sur deux siècles. Le Centre des monuments nationaux propose un dossier pédagogique réalisé par ses services éducatifs à l’occasion de cette exposition.

Sur le site de France Inter

Sur le site de l’Assemblée nationale

Sur le site du Conseil constitutionnel

Sur le site Vie publique