Expérimentation d'un enseignement «Éloquence» en classe de troisième

Mis à jour : juin 2023

Le ministère chargé de l'Éducation nationale a lancé à partir de la rentrée scolaire 2019 une expérimentation portant sur un enseignement d'éloquence en classe de troisième, dans le cadre du cours de français, à raison d'une demi-heure hebdomadaire. Cette expérimentation s'inscrit dans le plan d'action interministériel « À l'école des arts et de la culture », présenté le 17 septembre 2018 par les ministres chargés de la Culture et de l'Éducation nationale, qui a pour ambition de placer les arts et la culture au cœur de l'École, et se poursuit dans le cadre de l’opération « Lecture, grande cause nationale ».

Cadre de l'expérimentation

Depuis septembre 2019, les établissements et les enseignants intéressés peuvent, à titre expérimental, mettre en place un enseignement d'éloquence destiné aux élèves de troisième.

Le volume horaire global consacré à cet enseignement équivaut à une demi-heure hebdomadaire (soit dix-huit heures en tout). Cette demi-heure supplémentaire s'ajoute aux quatre heures hebdomadaires de français déjà inscrites à l'emploi du temps des élèves (cinq heures en classe de troisième dite « prépa-métiers » à la rentrée 2019).
Plus de 360établissements (collèges et lycées professionnels) dans vingt-six académies se sont portés volontaires. En fonction du projet élaboré par les professeurs impliqués et des moyens mobilisés par l'établissement, l'expérimentation porte sur une ou plusieurs classes de troisième, voire sur l'ensemble du niveau troisième.
L'expérimentation a fait l'objet d'un suivi par les corps d'inspection, qui a permis notamment de rendre compte de la diversité des projets mis en œuvre.

Périmètre

L'enseignement d'éloquence croise deux domaines de formation : l'éducation artistique et culturelle, dans ses composantes liées à la parole, et l'apprentissage de l'expression à l'oral.
Il est conçu pour travailler l'expression orale continue et l'échange argumenté (débat, plaidoyer...) ainsi que la mise en voix, en geste et en espace de textes littéraires (de la lecture à voix haute à la lecture jouée et au jeu théâtral).
Il vise à améliorer les compétences orales des élèves de troisième :

  • en faisant parler les élèves entre eux ;
  • en créant les conditions de véritables échanges régulés ;
  • en développant les compétences d'argumentation et d'écoute de l'autre ;
  • en leur apprenant à bien s'exprimer à plusieurs par le collectif ;
  • en leur donnant la possibilité et les moyens de s'engager dans leur parole.

Il peut investir tout le champ de l'éloquence et des arts de la parole, qu'elle soit vivante (théâtre, lecture en public, ensemble des arts du spectacle vivant) ou captée (cinéma-audiovisuel). Il ne s'agit ni d'un enseignement de techniques oratoires déconnectées d'enjeux artistiques et éthiques, ni de communication. Cet enseignement s'appuie donc sur des objets culturels et artistiques enrichissant la parole et la réflexion des élèves (textes et œuvres d'auteurs, travaux d'écriture créative menés en classe, scénarisation de grands débats de société ou historiques, nourrie de recherches préparatoires, etc.).

Enjeux didactiques et pédagogiques

L'expérimentation d'un enseignement de l'éloquence en classe de troisième prend sens dans une double perspective :

  • elle s'inscrit dans l'héritage d'une culture de la parole qui s'est développée sur le temps long dans la pédagogie occidentale dont elle a longtemps occupé le centre ;
  • elle renvoie à des pratiques de la parole multiples qui permettent aux élèves de s'approprier pleinement leur parole, parce qu'ils en comprennent et en éprouvent le pouvoir, mais aussi parce qu'ils y découvrent que cette parole a valeur d'échange, d'ouverture, de construction de la pensée.
    Par-là, cet enseignement d'un art de la parole permet aux élèves de se construire pleinement comme des sujets et des citoyens, à la fois par la connaissance de cette histoire dans laquelle ils sont invités à s'inscrire, et par une pratique de ces arts de la parole qui leur permettent d'apprendre à maîtriser leur parole dans des exercices variés. La diversité est en effet depuis l'origine une caractéristique de cette éloquence, art commun aux orateurs politiques et aux avocats, aux philosophes, aux acteurs et voire aux poètes. Elle conduit dès lors à cultiver sa parole de façon variée dans des directions fort différentes. Cet enseignement doit ainsi à la fois donner aux élèves quelques repères sur la culture de la parole et sur les arts qui la déploient – jusqu'à cet art sans doute très français de la conversation –, et les mettre en situation d'occuper des positions de parole variées ; comprenant par l'exercice de la parole les principes de son fonctionnement, ils seront à même de trouver dans cette pratique maîtrisée un appui pour mieux s'exprimer, s'adresser aux autres, mais aussi pour progresser dans leur pensée.

Compétences travaillées

Les activités mises en place au fur et à mesure de l'année ont donc vocation à permettre aux élèves de développer progressivement les compétences suivantes, qui sont complémentaires :

  • parler pour comprendre ;
  • parler avec autrui ;
  • agir par la parole ;
  • inventer une parole.

Diversité des activités proposées

Il est nécessaire de concevoir, tout au long de l'année, une progression dans l'appropriation de la parole par les élèves à travers des activités variées propres à construire des compétences complémentaires :

  • travail de la diction, par exemple à travers une lecture oralisée, mais également, par exemple à travers un match d'improvisation ;
  • travail de l'écoute que suppose toute parole ;
  • travail explorant la dialectique de la lecture et de la construction d'une parole argumentée, par exemple à travers l'invention de procès littéraires ou encore de débats sous la forme d'échanges pro et contra...

Pour cela, des exercices variés peuvent être mis en place, appuyés sur des genres de l'oral divers : lectures oralisées, diction de textes divers, notamment poétiques, doublages de séquences filmées, récitations, mises en sons de textes, résumés, paraphrases, amplifications, descriptions, contes, improvisations, conversations, jeux d'échanges, disputes, plaidoyers, discours, procès fictifs, mises en scène...

Dans tous ces cas, les multiples répétitions et variations des productions discursives qui conduisent à la performance sont ce qui permet à l'élève de cheminer et de trouver sa place dans la parole.

Intégration d'un projet spécifique dans l'enseignement d'éloquence

Dans le cadre de l’éducation artistique et culturelle, l’enseignement d'éloquence gagne à s'adosser à d’autres projets qu'il peut en partie compléter, tels que : 

Mise en œuvre

Le français, dont l'apprentissage de l'expression à l'oral est l'une des composantes, est la discipline d'ancrage de l'enseignement d'éloquence. Le travail de l'oral et à l'oral fait partie des grands enjeux de cette discipline au collège, comme en témoignent les attendus de fin de cycle 4 des programmes :

  • élaborer et prononcer une intervention orale continue de cinq à dix minutes ;
  • participer à un débat de manière constructive et en respectant la parole de l'autre ;
  • lire un texte à haute voix de manière claire et intelligible, dire de mémoire un texte littéraire, s'engager dans un jeu théâtral.

L'enseignement d'éloquence peut aussi excéder le cadre du cours de français et faire l'objet de projets plus larges, interdisciplinaires.
Cet enseignement est conçu en lien avec la place faite au théâtre et au spectacle vivant dans l'établissement : il peut constituer un point d'appui pour créer ou redynamiser une troupe de théâtre ou un ciné-club. Il permet aussi de valoriser des partenariats, de construire des projets autour de l'éloquence et des arts de la parole, d'investir des actions éducatives.
Il peut aussi être conçu en lien avec l'épreuve orale du diplôme national du brevet (DNB) : une prestation collective dans le domaine des arts de la parole, travaillée dans le cadre de cet enseignement, peut en effet être présentée à cet oral. L'enseignement d'éloquence offre l'occasion à la fois de mieux préparer les élèves à cette échéance et de donner plus de sens à cette épreuve. L'entretien de la deuxième partie de l'oral sera nourri et enrichi par l'investissement et l'engagement des élèves dans ce projet d'expression collective.

Un premier bilan de l’expérimentation

Publié en mars 2021, le rapport de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche propose un premier bilan de l’expérimentation. Ce bilan explicite le contexte qui a donné lieu à l’expérimentation, rend compte de ce qui a été mis en place dans les établissements visités et synthétise les nombreux échanges menés avec les expérimentateurs. Il propose également une série de points de repères et de préconisations pédagogiques et organisationnelles pour permettre de tirer le meilleur parti de cette expérimentation.

Pour aller plus loin

Un dossier « Penser le retour de l’éloquence et de son enseignement » est publié en décembre 2021 dans la revue Recherches & Travaux.

« Dans un contexte de revalorisation des arts de la parole, dont témoignent par exemple la vogue des concours d’éloquence, le succès d’un film comme À voix haute, ou l’importance renouvelée accordée à l’oral dans le cursus scolaire, ce numéro interroge les enjeux de ce retour de l’éloquence, dans l’enseignement et dans la littérature et explore les modèles possibles pour l’apprentissage de la parole publique ».