Réinventer la fiction avec le numérique

Comment tirer parti des outils numériques pour faire écrire les élèves ? Pour produire quels types d’écrits ?

Le passage à l’écriture au format numérique à l’école nécessite une approche pédagogique adaptée. Dans la conception des séances d’écriture avec les élèves, les outils numériques facilitent la variété des postures, mais appellent, en amont, une réflexion sur les moments où professeur et élèves vont les mobiliser.

Mis à jour : août 2022

Le 1er mai 2022, les éditions du Seuil ont accompagné la publication de Lieux, un inédit inachevé de Georges Perec, par une mise à disposition de l’œuvre en libre accès sur Internet, avec possibilité pour le lecteur de créer son propre parcours de lecture.

En écho à la thématique du Rendez-vous des Lettres 2022 « Pratiques d'écriture du collège au lycée : temporalité, processus, démarches », c’est l’occasion de rappeler les pratiques d’écriture avec le numérique, et les nouvelles façons de faire écrire les élèves.

Les outils disponibles sur les environnements numériques de travail (ENT)

Une grande partie des ENT donnent accès à des outils qui permettent de mieux organiser la réflexion des élèves et de faire varier à la fois les processus d’écriture et le positionnement de l’élève, qui va glisser plus fréquemment du rôle d’auteur à celui de lecteur et inversement. Deux de ces outils peuvent s’avérer particulièrement utiles : la carte mentale et le pad collaboratif (ou mur collaboratif).

Réfléchir et organiser ses idées : la carte mentale

La carte mentale peut être élaborée en début de réflexion, de façon individuelle ou collective, pour noter les idées et les organiser. Elle correspond à une étape de préparation, au brouillon.

Une application de carte mentale est disponible sur la plupart des ENT ; il est aussi pour le professeur possible d’utiliser, sur ordinateur ou tablette, les versions gratuites des applications Xmind ou MiMind.

Dans le scénario pédagogique Écrire un roman d’aventure collaboratif de l’académie de Versailles, la carte mentale permet de faire réfléchir au scénario et le mur collaboratif facilite le travail de rédaction proprement dit.

Écrire à plusieurs mains : le pad collaboratif

Si les traitements de texte en ligne permettent souvent un travail d’écriture collaboratif, le pad collaboratif (ou mur collaboratif) demeure l’outil le plus approprié pour l’écriture à plusieurs mains et la réflexion au brouillon.

Un pad collaboratif permet à plusieurs personnes de se connecter et d’intervenir sur le texte en même temps, pour construire par exemple un brouillon à plusieurs. Par cette dimension collaborative, il permet rend possible une différenciation à plusieurs niveaux.

Les pads des ENT proposent désormais des outils de mise en forme avancée : mise en gras ou en italique, changement de police et de taille de police, changement de couleur du texte, listes à puces ou listes ordonnées, indentations… Les élèves peuvent les utiliser comme des traitements de texte, avec en outre trois possibilités extrêmement intéressantes : 

  • l’identification des élèves par leur identifiant de l’ENT, associé pour chacun au surlignage dans une couleur spécifique : il est possible de repérer très facilement, et de façon fiable, qui écrit quoi ;
  • une fonction « historique », qui permet de revenir en arrière et d’analyser a posteriori la façon dont le texte s’est construit : utile pour contrôler le travail des élèves, elle l’est aussi pour aider ces derniers à réfléchir à la manière dont ils se sont organisés, et aux stratégies qu’ils ont mises en place ;
  • sur le côté, un outil « clavardage » qui permet aux élèves d’échanger en marge du texte, pour se mettre d’accord, sur le mode d’une messagerie instantanée. De cette façon, on conserve un brouillon collaboratif propre, et une trace des conversations sur le côté : il est donc possible d’utiliser l’outil entièrement à distance.

Dans le scénario Co-écrire avec un « pad » de l’académie de Besançon, comme dans celui proposé par l’académie de Versailles pour l’enseignement de spécialité d’humanités, littérature et philosophie, Passer par l’écriture d’un texte libre pour aborder « la question d’interprétation littéraire », le professeur met en œuvre l’écriture collaborative au moyen d’un tel pad.

Les services apps.education.fr

La plateforme apps.education.fr permet aux professeurs de tester entre eux des outils collaboratifs avant de les employer avec les élèves. Il met notamment à disposition les services :

  • Nuage, pour le traitement de texte collaboratif ;
  • Pad avancé – CodiMD, un pad collaboratif perfectionné, dans lequel il est possible d’insérer des images et pas seulement du texte.

Pour se connecter à ce portail, utiliser le bouton « Se connecter » puis « Authentification nationale », et seulement après, les identifiants de la messagerie académique et d’Arena.

En savoir plus sur comment se connecter sur apps.education.fr.

Pour aller plus loin - Vers une transformation de l’écriture par le numérique

Scénariser avec Twine

Le logiciel Twine, installé sur ordinateur ou directement utilisé depuis la plateforme en ligne, permet à la fois de réfléchir au scénario d’un récit, de créer des récits interactifs, avec des embranchements à choix multiples, et de publier ces récits sous forme de pages web.

Dans Twine, le scénario se conçoit par blocs, donc par étapes proches de celles du schéma narratif. À partir de chaque étape, il est possible de créer des embranchements ou même des boucles, sur le mode des récits interactifs dont on trouve un exemple, sur le site de la BnF, avec Le Royaume d’Istyald.

Ce mode de fonctionnement permet aux élèves de réfléchir sur les possibles narratifs, à partir de leur propre texte mais aussi de textes patrimoniaux. À ce titre, le logiciel est mobilisable du cycle 3 à la Terminale, pour des écrits d’imagination mais aussi d’appropriation.

Le scénario de l’académie de Besançon, Créer un conte à choix multiples avec TWINE, exploite pleinement le potentiel de Twine en proposant une démarche de création de conte à choix multiple en cycle 3.

Exemple de création avec le logiciel Twine d'un conte à choix multiples à partir du récit du Petit chaperon rouge.

Mettre en forme et publier des récits enrichis avec do•doc

Conçu à l’origine pour documenter et créer des récits à partir d’activités de travaux pratiques, le logiciel libre do•doc, développé par l’Atelier des Chercheurs, offre des possibilités intéressantes en termes de production et de partage de documents.

D’une prise en main aisée (voir ces didacticiels vidéo et ce didacticiel complet), il permet d’exploiter toutes les possibilités d’un ordinateur (sous Windows, MacOS X ou Linux), pour associer dans un même « projet » :

  • du texte, mis en forme à l’aide d’un éditeur qui reprend les principales fonctionnalités des traitements de texte ;
  • des images, importées depuis la mémoire de l’appareil ou directement capturées à l’aide de la webcam ;
  • du son, lui aussi importé de la mémoire de l’appareil ou directement capturé par le micro ;
  • de la vidéo, importée de la mémoire de l’appareil ou capturée par la webcam et le micro ;
  • du dessin, réalisé à l’aide d’une tablette graphique ou directement avec le trackpad ou la souris.

Exemple de création d'un conte enrichi avec do•doc à partir du récit du Petit chaperon rouge.

En connectant un appareil photo, un caméscope ou un visualiseur à l’ordinateur, il est possible de faire du stop-motion.

do•doc permet de monter une vidéo, d’ajouter du son sur une vidéo ou sur une image, d’organiser différents médias pour former un récit. Des « recettes » permettent de choisir ou de créer différents formats éditoriaux. L’interface de travail présente un document quadrillé pour faciliter la disposition des différents éléments sur la page, mais ce quadrillage disparaît à la publication et laisse place à la mise en forme (couleur d’arrière-plan, couleur de texte…) souhaitée. Une fois prêt, le projet peut être exporté en PDF ou en HTML, donc sous forme de pages web.

Comme il intègre un serveur web, il est possible d’accéder à do•doc depuis n’importe quel appareil connecté au même réseau local que l’ordinateur sur lequel il est installé. Conçu pour être collaboratif, ce logiciel permet de travailler à plusieurs sur les documents, et donne aux utilisateurs la possibilité de discuter entre eux via un chat.

Du cycle 3 au lycée, cet outil permet de créer et mettre en forme des récits multimédia, dans lesquels l’élève peut jouer sur la narration écrite, orale, mais aussi sur l’image et sur la vidéo, afin de produire un récit original et varié.

Stimuler la créativité par l’écriture à quatre mains avec une Intelligence artificielle

Certains élèves ont parfois du mal à laisser libre cours à leur imagination en début de récit. Encore expérimentales, certaines intelligences artificielles (IA) proposent de compléter un texte entamé par un rédacteur humain. C’est notamment le cas de PAGnol, un modèle de langue française proposé par Lighton.

À l’utilisation, PAGnol se présente comme un champ dans lequel il est possible de taper du texte. Lorsque l’on clique sur le bouton « Générer », en haut à droite, l’intelligence artificielle prend le relais de l’humain et propose une suite, dont la taille varie de quelques mots à quelques phrases.

L’utilisateur peut conserver ce qu’il souhaite de cette proposition, puis poursuivre, relancer la génération de texte, etc.

Exemple avec Lighton de simulation d'écriture à quatre mains avec une Intelligence artificielle à partir du récit du Petit chaperon rouge.

Ce type de logiciel est à utiliser avec précaution avec les élèves : l’intelligence artificielle se nourrit en effet des données, c’est-à-dire des morceaux de textes, qu’on lui propose. C’est à partir des textes proposés par les humains qu’elle évalue ce qui peut constituer une suite acceptable ou pas. Pour une utilisation en classe, mieux vaut pour l’instant rester sur le mode de la dictée à l’adulte, la classe ou un groupe d’élèves produisant le récit en interaction avec l’intelligence artificielle, sous le contrôle du professeur.

Cependant, certains auteurs commencent à écrire à quatre mains avec des intelligences artificielles : sur ce site consacré à la présentation de ces dernières, l’œuvre nommée « Amorce », datée de 2018 présente ainsi une écrivaine composant un récit à l’aide d’une IA.

Ici, ce ne sont pas des phrases que l’intelligence artificielle propose, mais des mots, des cartes, des renseignements aidant celle qui écrit à trouver des idées ou à mieux visualiser les situations.

Cette vidéo donne une petite idée de ce que deviendra, peut-être, le travail d’écriture d’un roman dans quelques années.

Si pour l’instant aucun des scénarios pédagogiques indexé sur l'édubase ne présente un travail d’écriture en collaboration avec une IA, un scénario de l’académie de Strasbourg présente une séquence centrée sur l’écriture d’une nouvelle sur le thème de l’IA, et un autre une séquence d’argumentation avec rédaction d’un essai sur ce thème.

Pour aller plus loin sur l’Intelligence artificielle