publié le 11 avr 2019 par Vincent JAUSSAUD
La Roumanie : un pays et un partenaire éducatif à (re)découvrir
La Roumanie est souvent méconnue, parfois mal connue. Or, nous sommes en plein cœur de la saison France-Roumanie qui a pour vocation de renouveler l’image et la perception que nos deux pays ont l’un de l’autre, et de renforcer les liens économiques, scientifiques, culturels et éducatifs qui nous unissent historiquement.
Détaché au ministère de l’éducation nationale Roumain durant 3 années en tant qu’expert technique international chargé de coopérer sur les questions de formations professionnelles, et récemment revenu en France comme IEN STI, je vous invite à l’occasion de cette saison, à découvrir ce pays, plus particulièrement au travers de sa focale formation professionnelle.
Une relation franco-roumaine très étroite et ancienne
Depuis le 18ième siècle, la France et la Roumanie sont unies par des liens étroits qui ont façonné l’histoire, la langue et des affinités intellectuelles exceptionnelles de nos pays. Ces liens, vous pouvez les ressentir instantanément lorsque vous découvrez Bucarest, capitale de près de 2 millions d’habitants, encore surnommée « le petit Paris des Balkans ». Cette ville est véritablement imbibée de France. En la visitant, vous passerez nécessairement devant l’Arc de triomphe, la place Charles de Gaulle, le théâtre de l’Odéon, l’avenue Berthelot. Vous aurez parfois même avoir l’impression d’être en France, tant le style architectural de certains bâtiments se rapproche de celui de notre pays. Même les enseignes des magasins, des restaurants ou des cafés, « Madame Bertelotte », « Paris, mon amour », « La belle époque », suggèrent la France.
Et puis, vous devez connaître sans doute des noms illustres de personnalités roumaines qui ont façonné notre histoire (Constantin Brancusi, George Enescu, Tristan Tzara, Eugene Ionesco, Elvire Popescu ..) et qui construisent notre présent (Roxana Maracineanu, Simona Halep, Vladimir Cosma, Cristian Mungiu, Pierre Moscovici, Serge Klarsfeld, Michèle Laroque, Michel Drucker, … ).
Enfin, il y a cette langue que l’on comprend si bien lorsqu’on l’écoute. C’est une sorte de mélange de latin, d’italien et de français, saupoudrée de quelques mots russes. Au hasard des conversations, vous pourrez entendre une multitude de mots français comme «extrodinar», «problema», «imediat», « telefon », … Au-delà de leur langue, les roumains sont très francophones. Une part significative de la population maîtrise d’ailleurs admirablement le français, dont l’enseignement est encore très présent à tous les niveaux du système éducatif.
La situation économique et politique de la Roumanie
La Roumanie fait partie de l’union européenne depuis 2007. Elle préside d’ailleurs depuis le 1ier janvier dernier le Conseil de l’Union Européenne. Son taux de croissance avoisine cette année les 7% et le chômage y est pratiquement nul.
La France se situe au troisième rang des investisseurs étrangers et compte plus de 3000 entreprises qui participent à 15% du PIB Roumain.
Parmi ces grandes entreprises, on peut notamment citer Carrefour, Accord, Auchan, Metro, ENGIE, Orange, Michelin, Sanofi-Aventis, Décathlon, Groupama, Société Générale, Renault-Dacia, Airbus, AKKA, Saint-Gobain et bien d’autres d’importance internationale
Le salaire net moyen mensuel en Roumanie a atteint 2 957 RON (635 EUR) en décembre 2018 et la pauvreté est encore très présente, ce qui explique en partie l’importante diaspora (environ 5 millions de roumains travaillent à l’étranger).
L’enseignement technique et professionnel roumain pendant la période communiste
Mais revenons à notre sujet éducatif. Pour comprendre la structure et l’état actuel du système éducatif roumain, il est nécessaire de commencer par quelques éléments historiques. Connaître l’histoire permet bien souvent de comprendre le présent.
Pour illustrer cette histoire récente, j’évoquerai ma première visite au lycée aéronautique Henri Coanda. Située au nord de Bucarest, cet établissement est contigu à une usine de fabrication de pièces aéronautiques ROMAERO et jouxte l’aéroport de Banasea. Là, j’y ai rencontré en 2016, un enseignant de mécanique, un « maestri ». Il devait avoir près de 70 ans. En me parlant de son travail pendant la période communiste, il m’a appris que « le système de formation roumain était exceptionnel » et que « même les américains, avaient envié le système de formation roumain». En découvrant ces immenses ateliers, ces rangées de dizaines de tours à usiner des années 50, ces épaves de biplans, de Douglas et de MIG 21 au milieu de la cour de récréation, ces paroles avaient pris tout leur sens.
Ouvriers de Romaero et lycéens rentraient par la même porte. Le lycée et l’usine formaient une seule et même entité, travaillant étroitement l’un avec l’autre.
Cet établissement est un exemple parmi bien d’autres. Tous les lycées ou collèges industriels que j’ai pu voir par la suite étaient construits sur le même modèle. Le lien école entreprise était très présent. Les élèves, qui pouvaient venir parfois de loin, étaient accueillis dans des internats.
Le système éducatif roumain aujourd’hui
Aujourd’hui, l’entrée du lycée Henri Coanda n’est plus commune avec celle de l’usine Romaero. Un passage étroit à peine visible longe l’extrémité des ateliers en friche de Romaero, et permet d’accéder au lycée Henri Coanda.
Le système d’enseignement professionnel et technique a en effet connu ces dernières années de profondes mutations. Il ne comptait plus en 2012 que 20.000 élèves pour 295.000 en 1995.
Après le démantèlement en 2009 des « écoles des arts et métiers » (décision prise par la ministre de l'éducation de l'époque, Ecaterina Andronescu, sous prétexte qu'il n'existait plus de demande de la part des jeunes), le nombre de techniciens disponibles sur le marché du travail s'est effondré.
Aujourd’hui, les entreprises des secteurs de l’industrie en particulier souffrent d’un déficit de personnels qualifiés.
L’image de l’enseignement professionnel connaît de surcroît une profonde désaffection des élèves et des parents.
Aussi, une des priorités du ministère de l'éducation nationale Roumain, pour répondre aux besoins de main d’œuvre qualifiée des entreprises, est de développer l'enseignement professionnel. Il a entrepris dans ce sens une grande réforme dont les principaux axes reposent sur la rénovation des curricula, la formation continue des enseignants, le développement de l'apprentissage, la valorisation des filières d'enseignement professionnelles. Depuis 2017, un nouveau système de formation duale, pendant de notre système d’apprentissage français, se développe rapidement sous l’impulsion de nombreuses entreprises françaises intéressées par ce dispositif pour former et recruter de la main d’œuvre qualifiée.
De façon générale, l’organisation du système de formation professionnel et technique se rapproche de celui de la France. Les formations universitaires, de très haut niveau, reposent sur le système LMD.
Quelles collaborations éducatives envisager avec la Roumanie ?
La Commission européenne élabore actuellement des initiatives visant à contribuer au développement d’un espace européen de l’éducation. Ces initiatives visent à permettre à tous les jeunes européens de recevoir le meilleur niveau d’éducation et de formation possible et de trouver un emploi.
L’objectif est, qu’en Europe:
Concrètement, ces objectifs peuvent être atteints par le biais de projets Erasmus+ . Des programmes de coopération décentralisée présents et pilotés dans certaines régions peuvent être également d’excellents supports de coopération.
Le système de formation professionnel roumain est donc en pleine reconstruction. Pour l’accompagner dans cette mutation dans un cadre européen, la France a certainement un rôle important à jouer, en particulier au niveau de la formation des enseignants, de celle des tuteurs, du développement de la mobilité des jeunes. Mais la Roumanie a également beaucoup à nous apporter. En terme de collaboration avec les entreprises, de pédagogie innovante, du développement du numérique dans l’éducation, d’intégration de dispositifs de qualité.
Le service de coopération éducatif de l’institut français de Bucarest, peut aider et favoriser les liens entre établissements français et roumains, que ce soit pour des enseignants, des élèves, des étudiants, des apprentis ou des stagiaires de la formation continue. Alors n’hésitez pas !
Jean-Philippe Bichaud, IEN STI Académie de Limoges
(jean-philippe.bichaud@ac-limoges.fr)
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