Innovation pédagogique et expérimentation dérogatoire
Mis à jour : janvier 2024
L’innovation pédagogique
Une définition
L’innovation est caractérisée par le fait qu’elle agrège les notions de nouveauté, de changement, de processus et d’amélioration par rapport à un état antérieur. Un autre invariant de la démarche innovante est qu’elle fédère des acteurs qui partagent des valeurs communes, la première d’entre elles étant la réduction des inégalités des chances entre élèves dans la construction de leur parcours scolaire. Le collectif et la qualité de l’environnement sont des éléments facilitateurs pour entrer dans une démarche d’innovation.
Françoise CROS, professeure honoraire des Universités au Centre de Recherche sur la Formation et Conservatoire national des Arts et Métiers (Paris), définit l’innovation pédagogique comme un processus qui a pour intention « l’introduction d’un nouveau ou d’un nouveau relatif dans un système existant en vue d’une amélioration et dans une perspective de diffusion ».
Voir les travaux de Françoise Cros, chercheuses en sciences de l’éducation, professeur émérite au Conservatoire national des arts et métiers, Cros,F. (2009). « Innovation et formation ». In J-M Barbier(Ed.) et al. Encyclopédie de la formation, Paris : Presses universitaires de France. CROS Françoise. « L’innovation en éducation. Sens et signification » [en ligne], novembre 2019 https://crf.hypotheses.org/523.
L’innovation pédagogique est au coeur du métier de l’enseignant.
C’est à la fois un état d’esprit et une démarche que l’enseignant adopte pour répondre de manière plus efficace aux besoins des élèves.
Les invariants de l'innovation sont :
La nouveauté
- À considérer dans un contexte local,
- pas nécessairement synonyme d’amélioration,
- doit permettre d’initier un changement
Le changement
- Résulte d’une réflexion, d’une recherche d’amélioration,
- requiert un engagement délibéré de l’équipe éducative.
Le processus de transformation
- Une part d’incertitude qu’il ne faut pas éluder,
- un projet innovant vit, évolue, tâtonne,
- le chef d’établissement doit accompagner les équipes.
Des valeurs partagés
- Donne du sens et de la motivation à s’engager dans un processus de transformation,
- prend corps dans la réflexion collective, dans les temps de concertation.
Un levier de transformation des pratiques pédagogiques
L'innovation est un levier de transformations des pratiques pédagogiques au service des apprentissages des élèves.
C'est tout à la fois :
- répondre à des besoins identifiés des élèves ou des équipes pédagogiques et éducatives ;
- repenser les mises en œuvre pédagogiques ;
- renforcer les liens avec la recherche ;
- évaluer les effets produits par une nouvelle organisation, de nouvelles manières de travailler, d'enseigner ou d'apprendre, de nouveaux gestes professionnels...
- engager la communauté éducative dans une logique de développement professionnel, individuel et collectif.
Une liberté d’organisation
Les innovations correspondent à une liberté d'organisation. Les projets innovants mis en œuvre par les personnels de l'Éducation nationale ne résultent pas d'une obligation légale spécifique. Ces derniers peuvent, ou non, exploiter à leur niveau cette liberté d’organisation, de manière à améliorer le service rendu à l'usager et qui s'exerce dans le respect des instructions et programmes nationaux, du projet d'école ou d'établissement avec le conseil et sous le contrôle des membres des corps d'inspection.
L’expérimentation pédagogique
Déroger temporairement à la règlementation en vigueur
L’expérimentation est quant à elle conçue comme la capacité à mettre en œuvre selon un protocole précis une démarche nouvelle et dérogatoire visant à répondre à une problématique définie au préalable. L’expérimentation répond à un besoin identifié et relève d’un engagement collectif ; elle s’appuie sur un dispositif d’évaluation qui permet d’en déterminer l’efficacité et les possibilités de sa transférabilité. Dans le système éducatif, l’expérimentation vise à améliorer la réussite des élèves, à renforcer leur bien-être et à réduire les inégalités. Pour les acteurs de l’École, un des enjeux des expérimentations est d’être en capacité d’en mesurer les effets concrets et de garantir qu’elles puissent produire des enseignements généralisables à une large échelle.
La loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école d’avril 2005 affichait la volonté de libérer les initiatives des équipes enseignantes en proposant un cadre à disposition des autorités académiques pour susciter la créativité et accompagner des démarches innovantes
Cette volonté a été réaffirmée dans la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, qui consacre un chapitre au « recours à l’expérimentation ». Les articles L.314-1, L.314-2, D-314-2 et D314-4 du code de l’éducation identifient ainsi les origines possibles de l’expérimentation pédagogique, le champ de celle-ci, les éléments que tout projet doit obligatoirement comporter. Ce cadre dérogatoire peut s’appliquer sur une durée de 5 ans, reconductible une fois. Parmi les critères figurent la présentation d’un protocole d’évaluation, les modalités de recueil des données, l’élaboration de bilans réguliers et l’élaboration d’un rapport final. C’est l’inscription dans un cadre dérogatoire qui donne officiellement au projet innovant son statut d’expérimentation pédagogique.
Consulter la présentation simplifiée du cadre juridique rénové de l'expérimentation pédagogique issu de la loi n°2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance et du décret n° 2019-1388 du 18 décembre 2019.
Les champs de dérogation possibles
Sous réserve d'autorisation du DASEN, le projet peut déroger au code de l'éducation dans les champs suivants :
- organisation pédagogique de la classe, de l'école ou de l'établissement,
- liaison entre les différents niveaux d'enseignement,
- coopération avec les partenaires du système éducatif,
- enseignement dans une langue vivante étrangère ou régionale,
- échanges avec des établissements étrangers d'enseignement scolaire,
- utilisation des outils et ressources numériques,
- répartition des heures d'enseignement sur l'ensemble de l'année scolaire,
- procédures d'orientation des élèves,
- participation des parents d'élèves à la vie de l'école ou de l'établissement.
Un protocole précis à suivre et une évaluation à penser
L'expérimentation, si elle est approuvée par le DASEN, est adoptée par le conseil d'école ou d'établissement et inscrite au projet d'école ou d'établissement. Les représentants légaux des élèves doivent être informés des objectifs de l'expérimentation puis des résultats.
Le projet comprend obligatoirement :
- le périmètre concerné par l'expérimentation : une ou plusieurs classes, l'ensemble de l'école ou l'établissement, plusieurs établissements,
- la durée (5 ans maximum, avec possibilité de reconduction), l'équipe responsable,
- le diagnostic sur la situation pédagogique ou éducative,
- les objectifs,
- les partenaires éventuels,
- un protocole d'évaluation du projet qui comprend des indicateurs pour mesurer les effets (par exemple des indicateurs quantitatifs : taux d'absentéisme, pourcentage d'élèves en difficulté de lecture...), des modalités de recueil des données (par exemple : questionnaires, entretiens individuels ou collectifs, collecte des données de la vie scolaire), des bilans intermédiaires et un bilan final.
L'expérimentation est évaluée sous l'autorité du recteur dans les conditions fixées par le protocole, avec l'appui des corps d'inspection territoriaux, voire de chercheurs.
Pour tester de nouvelles solutions, l’innovation pédagogique et l’expérimentation dérogatoire sont donc un processus collectif, organisé et évalué.
Les dispositifs en cours
Le conseil national de la refondation Éducation
Lancée dans le cadre des travaux du Conseil national de la refondation, le CNR Education « Notre école, faisons-la ensemble » offre un espace de concertation aux communautés éducatives et des moyens pour financer les projets qu’elles souhaitent engager pour améliorer la réussite et le bien-être des élèves, et réduire les inégalités scolaires.
L’appel à manifestation d’intérêt : Innovation dans la forme scolaire
L’appel à manifestation d’intérêt « Innovation dans la forme scolaire » est porté par le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse et opéré par la Banque des Territoires pour le compte de l’État dans le cadre de France 2030.
Il vise à soutenir la conception et l’expérimentation de nouvelles formes scolaires qui facilitent les coopérations et les apprentissages pour s'adapter aux besoins des élèves.
La volonté d’engager des changements profonds dans la manière dont le temps de l’enfant et la vie s’organisent à l’école est forte. Les projets sélectionnés bénéficieront d’une subvention à hauteur de 2 millions d’euros minimum sur 5 ans et s’articuleront autour d’au moins l’un des trois axes stratégiques suivants :
- Proposer des modalités d’organisation scolaire qui garantissent de meilleurs apprentissages ;
- Accompagner le parcours de l’élève et le développement des compétences du XXIe siècle ;
- Développer de nouvelles formes de collaboration entre les acteurs de la communauté éducative.
Cet AMI s’inscrit dans une logique d’innovation, d’expérimentation et de forte collaboration pour réduire les inégalités sociales, mieux répondre aux besoins de l’enfant et aux enjeux de la société. Il a pour ambition de favoriser la transformation de l’enseignement scolaire en finançant des expérimentations permettant de faire évoluer les pratiques et les modes d’organisation, et en créant un réseau national collaboratif de lauréats.
Consultez la liste des lauréats :
Les territoires numériques éducatifs
Le dispositif « Territoires Numériques Éducatifs » a pour ambition de tester, à grande échelle, la mise en œuvre de la continuité pédagogique dès l’école primaire et de réduire la fracture numérique. Structuré autour de quatre piliers, il comprend le déploiement d’équipements numériques, la mutualisation de contenus pédagogiques et la formation des enseignants et l’accompagnement des familles. Il est actuellement déployé dans 12 départements.
Accompagner l’innovation pédagogique
L’innovation introduit un mouvement, elle bouscule les habitudes, transforme les pratiques et les personnes, elle ouvre des perspectives et rencontre aussi parfois des résistances. Pour toutes ces raisons et parce que la capacité à évaluer le plus objectivement possible la plus-value apportée par une innovation et ses effets conditionne sa valeur, son accompagnement peut apporter des garanties, une protection, un cadre sécurisant lorsqu’il respecte certains critères méthodologiques et éthiques minimaux.
Valoriser l’innovation
La journée nationale de l’innovation
Cet événement d’envergure nationale rassemble des enseignants des premier et second degrés, chercheurs, universitaires et acteurs éducatifs. Il s’agit de valoriser la capacité d’innovation, d’expérimentation et de recherche des acteurs de notre système éducatif et partager leurs expertises. Une occasion unique de favoriser l'échange et l'inspiration.