L'Énéide de Virgile : Présentation

Dans la lignée d’Homère

Virgile (70-19 avant J.-C.) est sans doute le plus célèbre des poètes latins : après avoir écrit les Bucoliques, recueil de poèmes pastoraux inspirés du grec Théocrite, et les Géorgiques qui renouvellent la veine didactique inventée par Hésiode dans Les Travaux et les jours, il a ravi à Ennius son titre d’alter Homerus, « autre Homère », avec l’Énéide. Cette épopée en douze chants, que la mort, semble-t-il, a empêché le poète de parachever comme il le souhaitait, s’inscrit ostensiblement dans la tradition homérique qu’elle prolonge : l’Énéide en effet appartient au cycle troyen et rapporte les aventures d’Énée après la chute de Troie. À l’inverse d’Ulysse, c’est l’Odyssée du héros troyen que relate d’abord Virgile dans les six premiers chants, consacrés à son errance sur la mer, puis son Iliade, belliqueuse et conquérante, dans les six derniers qui font le récit de la guerre suscitée dans le Latium par son mariage avec Lavinia, fille du roi Latinus.

Une épopée romaine fondatrice

Si Énée est un nouvel Ulysse, descendant aux Enfers pour y consulter son père Anchise, c’est aussi le père mythique des Romains à travers son fils Iule (aussi appelé Ascagne), fondateur de la ville d’Albe et de la dynastie des rois albains dont est issu Romulus. Écrite au moment de l’avènement du nouveau régime augustéen, l’Énéide constitue une épopée nationale à la gloire du peuple romain : Jupiter y prédit sa grandeur future (I, 254-304), Énée voit défiler devant lui dans les Enfers les âmes des héros à venir (VI, 752-853) et son bouclier, forgé par Vulcain, représente les hauts faits des héros romains (VIII, 626-731) ; de même, son union avec la troyenne Créüse, l’épisode passionné avec la carthaginoise Didon et son mariage avec la latine Lavinia ont pu être interprétés comme la préfiguration de l’empire romain, et la légitimation de son extension jusqu’en Afrique et en Asie Mineure. Ancêtre du peuple romain, Énée est aussi celui de la gens Iulia à laquelle appartient Auguste qui, après un siècle de guerres civiles, a ramené la paix et transformé la République en Principat, régime monarchique appelé à devenir l’Empire. C’est aussi ce dernier, de manière indirecte, que chante l’Énéide, dans un jeu d’écho entre passé mythique et présent : la pietas d’Énée est ainsi celle du Princeps, vengeur du meurtre de César et restaurateur des valeurs romaines traditionnelles.

Une tragédie intemporelle

Ce ne sont pourtant ni la grandeur épique ni la dimension politique de l’Énéide que nous vous proposons de découvrir dans ce parcours de lecture, mais la « tragédie » de Didon, puissante reine de Carthage qui s’éprend, pour son malheur, du héros troyen naufragé sur ses côtes. Cet épisode qui occupe l’ensemble du chant IV figure parmi les plus célèbres de l’Énéide et a inspiré aussi bien les peintres que les dramaturges et les compositeurs. Plus qu’aux figures homériques de Nausicaa, Circé ou Calypso, c’est aux héroïnes tragiques telles que Phèdre et Médée, ou encore la figure élégiaque de l’Ariane de Catulle qu’il faut comparer Didon ; victime de son amour et jouet des dieux, la reine est la figure centrale du chant IV dans lequel Virgile dépeint les tourments de la passion et la colère d’une femme abandonnée par son amant. Nous avons choisi trois moments particulièrement marquants du livre IV : les premiers vers, dans lesquels Didon avoue à sa sœur la souffrance qui la déchire, la malédiction qu’elle lance sur Énée après son départ et enfin son suicide. Nous y avons ajouté un extrait du livre VI qui apporte un épilogue à la « tragédie » de Didon : sa dernière rencontre avec Énée, aux Enfers.

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