Version grecque traduite et commentée : XÉNOPHON, Helléniques VI, 3, § 14 - 17 Faisons la paix, tout de suite !  

Callistratos, au nom des Athéniens, propose aux Lacédémoniens une alliance immédiate. (-371)

(14)« Ἵνα δὲ καὶ τοῦ συμφόρου ἔτι ἐπιμνησθῶ, εἰσὶ μὲν δήπου πασῶν τῶν πόλεων αἱ μὲν τὰ ὑμέτερα, αἱ δὲ τὰ ἡμέτερα φρονοῦσαι, καὶ ἐν ἑκάστῃ πόλει οἱ μὲν λακωνίζουσιν, οἱ δὲ ἀττικίζουσιν. Εἰ οὖν ἡμεῖς φίλοι γενοίμεθα, πόθεν ἂν εἰκότως χαλεπόν τι προσδοκήσαιμεν; Καὶ γὰρ δὴ κατὰ γῆν μὲν τίς ἂν ὑμῶν φίλων ὄντων ἱκανὸς γένοιτο ἡμᾶς λυπῆσαι; Κατὰ θάλαττάν γε μὴν τίς ἂν ὑμᾶς βλάψαι τι ἡμῶν ὑμῖν ἐπιτηδείων ὄντων; (15) Ἀλλὰ μέντοι ὅτι μὲν πόλεμοι ἀεί ποτε γίγνονται καὶ ὅτι καταλύονται, πάντες ἐπιστάμεθα, καὶ ὅτι ἡμεῖς, ἂν μὴ νῦν, ἀλλ᾽ αὖθίς ποτε εἰρήνης ἐπιθυμήσομεν. Τί οὖν δεῖ ἐκεῖνον τὸν χρόνον ἀναμένειν, ἕως ἂν ὑπὸ πλήθους κακῶν ἀπείπωμεν, μᾶλλον ἢ οὐχ ὡς τάχιστα πρίν τι ἀνήκεστον γενέσθαι τὴν εἰρήνην ποιήσασθαι; (16) Ἀλλὰ μὴν οὐδ᾽ ἐκείνους ἔγωγε ἐπαινῶ οἵτινες ἀγωνισταὶ γενόμενοι καὶ νενικηκότες ἤδη πολλάκις καὶ δόξαν ἔχοντες οὕτω φιλονεικοῦσιν ὥστε οὐ πρότερον παύονται, πρὶν ἂν ἡττηθέντες τὴν ἄσκησιν καταλύσωσιν, οὐδέ γε τῶν κυβευτῶν οἵτινες αὖ ἐὰν ἕν τι ἐπιτύχωσι, περὶ διπλασίων κυβεύουσιν· ὁρῶ γὰρ καὶ τῶν τοιούτων τοὺς πλείους ἀπόρους παντάπασι γιγνομένους. (17) Ἃ χρὴ καὶ ἡμᾶς ὁρῶντας εἰς μὲν τοιοῦτον ἀγῶνα μηδέποτε καταστῆναι, ὥστ᾽ ἢ πάντα λαβεῖν ἢ πάντ᾽ ἀποβαλεῖν, ἕως δὲ καὶ ἐρρώμεθα καὶ εὐτυχοῦμεν, φίλους ἀλλήλοις γενέσθαι. Οὕτω γὰρ ἡμεῖς τ᾽ ἂν δι᾽ ὑμᾶς καὶ ὑμεῖς δι᾽ ἡμᾶς ἔτι μείζους ἢ τὸν παρελθόντα χρόνον ἐν τῇ Ἑλλάδι ἀναστρεφοίμεθα. »

 

Faisons la paix, tout de suite ! (Xénophon, Helléniques VI , 3, 14 sq)

Devant le danger de la puissance thébaine, les Athéniens envoient des ambassadeurs à Sparte pour demander à leurs ennemis héréditaires de faire une alliance avec eux. Nous avons ici un extrait du discours de Callistratos, reproduit par l’historien (les discours étaient un élément obligé d’un récit historique) destiné à les persuader de cette nécessité. Il est constitué de deux séries d’arguments terminées par une comparaison  qui permet d’ étayer cette argumentation :

- Premier argument (μὲν) : si nous sommes alliés, les cités qui actuellement sont soit pro-spartiates soit pro-athéniennes seront les amies des uns et des autres. Donc les spartiates n’auront plus rien à craindre sur mer (où Athènes dominait grâce à ses alliés), ni les Athéniens sur terre (où la situation était inverse) ;

- Deuxième argument (μέντοι) : de toute façon, on finira bien, un jour ou l’autre, par faire la paix, donc autant la faire tout de suite, en évitant ainsi d’y être acculé par une situation catastrophique (c’est-à-dire d’être tous les deux battus par Thèbes) ;

- Comparaison : ne faisons donc pas comme ces athlètes qui attendent d’être défaits pour renoncer à la lutte, (ni comme ces joueurs qui gagnant une fois doublent la mise et perdent tout).

- Conclusion : devenons amis tant que nous sommes encore puissants sans risquer le tout pour le tout, et reprenons ainsi notre place à la tête de la Grèce.

Donc un discours très structuré, qui d’ailleurs aboutira à la conclusion de la paix entre toutes les cités, sauf avec Thèbes qui ne voulut pas être incluse dans le traité, et qui mena les batailles de Leuctres et de Mantinée (370) (sur quoi s’achève le récit de Xénophon)

Première phrase § 14

Afin de faire encore état de nos intérêts communs, il est bien certain que parmi toutes les villes, les unes sont de votre côté, les autres du nôtre, et que, dans chaque cité, les uns sont du parti de Lacédémone, et les autres du parti d’Athènes. Si donc nous devenions des alliés, d’où serait-il vraisemblable que nous redoutions quelque danger ? Qui, sur terre, si vous étiez nos alliés, serait capable de nous causer du tracas ? Et qui, sur mer, pourrait vous faire du mal, si nous étions vos amis ?

- Attention au maniement du français : le tour « pour que je… » ne se conçoit que lorsque le « je » n’est pas le sujet de la principale (autrement il faut un infinitif de but), mais il est très lourd si on commence la phrase de cette façon. D’autre part, il faut garder la même tournure si, en grec, elle est répétée dans un but argumentatif.

- Le tour αἱ μὲν… αἱ δὲ n’implique que deux groupes : les unes / les autres (et non certaines, etc…)

- La tournure τὰ ἡμέτερα φρονοῦσαι : (cf. Bailly τά τινος φρονεῖν, « être du parti de quelqu’un » veut dire « être de notre parti, de notre côté ».

- Πόθεν ἂν εἰκότως… : dans des tours de ce genre, en réalité, c’est la modalité adverbiale qu’il faut transformer en verbe principal : « comment serait-il vraisemblable que… »

- Attention encore au français : on dit « sur terre » et « sur mer ». D’autre part, il s’agit d’un discours officiel, donc on parle d’alliance, de difficultés mais non d’amis ou de chagrins.

- ὑμῶν φίλων ὄντων (reprenant la conditionnelle de la phrase d’avant), est donc l’équivalent, au participe, de la protase de la principale (ou apodose) : ἂν… γένοιτο au conditionnel ; donc : « si vous étiez nos amis », et non pas un génitif partitif, impossible par le sens.

Deuxième phrase § 15

Et surtout, qu’à toute époque, des guerres, un jour, éclatent, et qu’elles prennent fin, c’est une chose que nous savons tous, de même que, pour en venir à nous, nous désirerons  à nouveau,  sinon maintenant, du moins un jour, faire la paix. Pourquoi donc faudrait-il attendre ce moment où ce sera le nombre de nos maux qui nous fera renoncer à la lutte, au lieu de faire la paix le plus vite possible, avant que n’arrive rien d’irréparable ?

- Attention à la corrélation μὲν …μέντοι : d’une part, et d’autre part surtout

- Ne pas « oublier » de traduire certains « petits » mots : πάντες est important (c’est un mot qui  sert à créer ce terrain d’entente nécessaire à l’argumentation). De même le ποτε que l’on a deux fois, volontairement : il y a bien « un jour » où une guerre éclate, comme « un jour » où elle cesse.

- Le tour « plutôt que de ne pas… » ou « plutôt que » n’a pas grand sens  : il faut mettre « au lieu de »,   ce sera bien plus clair.

- Attention à la proximité de πόλεμος et de πολέμιoς : une bonne lecture évite des contre-sens stupides ; Bien tenir compte des voix : un verbe au présent moyen peut aussi être un passif : c’est le cas pour καταλύονται.

- Il y a eu des fautes de construction : le verbe à l’infinitif γενέσθαι dépend de πρίν, et ποιήσασθαι est sur le même plan que ἀναμένειν (donc cod de δεῖ, et annoncé par μᾶλλον ἢ).

- Enfin le démonstratif de l’expression « ἐκεῖνον τὸν χρόνον » implique qu’il s’agit d’un temps lointain, donc cet avenir où on sera obligé de faire la paix : l’expression sert à annoncer la temporelle qui suit.

Troisième phrase § 16

Et d’ailleurs je n’admire pas ces hommes qui, après avoir pris part à des concours, et remporté déjà souvent des victoires qui leur valent la gloire, aiment à ce point la lutte qu’ils ne se retirent pas avant que la défaite les oblige à renoncer à leur sport, (ni ces joueurs de dés qui, quand ils ont réussi un coup, doublent la mise ; car je vois que la plupart d’entre eux tombent dans la dernière misère).

οὐ πρότερον…πρίν : non pas avant que (+ construction des temporelles).

- Le groupe ἕν τι forme une sorte de pronom indéfini : « quelque chose », ou « une fois ».

- Il faut rendre les temps des participes quand le contexte le demande : γενόμενοι : étant devenus.

Quatrième phrase § 17

Voilà donc ce qu’il faut considérer pour que nous n’en venions jamais à un conflit tel qu’il nous faille risquer le tout pour le tout, mais pour que, tant que nous avons des forces et de la prospérité, nous formions entre nous des liens d’amitié. De cette façon, nous pourrions, nous, grâce à vous, et vous grâce à nous, retrouver en Grèce encore plus de force que par le passé.

- Des problèmes de construction se posent : Le relatif de liaison est complément du participe ὁρῶντας, et les deux infinitifs καταστῆναι et γενέσθαι, soutenus par la corrélation μὲν… δέ (qui, pour des raisons stylistiques – parallélisme entre les propositions plus qu’entre les verbes – ne sont pas directement placés à côté de ces deux verbes, mais à l’intérieur d’une part d’un circonstanciel de lieu, et de l’autre, à l’intérieur d’une circonstancielle de temps dépendant du deuxième infinitif) dépendent du verbe χρὴ.

- ἐρρώμεθα est le parfait de ῥώννυμι (fortifier) qui a le sens présent de « être fort » cf. la formule d’adieu dans une lettre ἒρρωσο (cf. vale) : porte-toi bien : il y a une différence entre ἕως construit avec l’indicatif (tant que) et ἕως construit avec le subjonctif avec ἂν : jusqu’à ce que.

Διὰ avec l’accusatif veut dire « grâce à »;

- Ἀναστρέφω est à la fois l’équivalent du verbe être (cf. versari) et à cause de son préverbe, implique un retour à l’état antérieur.

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