Synthèse. – Interrogations scientifiques : « L’interprétation des phénomènes célestes »

Comment les Anciens interprétaient-ils les phénomènes célestes ?

 

La question « comment les Anciens interprétaient-ils les phénomènes célestes ? » appelle une réponse nuancée. En effet, on décèle, dans les textes latins étudiés dans ce chapitre, deux attitudes contradictoires face aux phénomènes célestes.

On remarque tout d’abord l’existence de croyances que l’on qualifierait de nos jours de « superstitieuses ». La littérature latine témoigne en effet de la permanence des croyances relatives aux « signes » (signa) envoyés par les dieux et aux « prodiges » (prodigia ; prodigium, en latin, désigne un événement inhabituel auquel on attribue une cause surnaturelle). Ces signes sont notamment interprétés par les devins et haruspices, comme le montre le passage de la première Géorgique où Virgile mentionne les entrailles d’animaux sacrifiés, qui, au moment de l’assassinat de César, montrèrent des signes défavorables (v. 21-22 : Nec tempore eodem / tristibus […] extis fibrae apparere minaces).

Les Romains subissaient aussi l’influence de l’idée stoïcienne de la « sympathie universelle », selon laquelle le cosmos constitue une unité et tout ce qui se produit dans le ciel affecte nécessairement les événements terrestres ; on pensait en particulier, puisqu’il est possible de prédire le retour des phénomènes célestes par l’observation et le calcul, que l’on pouvait aussi prédire les événements terrestres.

Ces croyances étaient entretenues et amplifiées, à partir du IIe siècle avant J.-C., par les astrologues venus de l’Orient ou influencés par les doctrines orientales développées par les astrologues babyloniens, que les Romains nommaient Chaldei (Chaldéens). Ces astrologues pouvaient influencer les décisions politiques : c’est le cas, par exemple, de Balbillus, astrologue de Néron, que Suétone cite dans la Vie de Néron au sujet de l’interprétation politique donnée, en 60, à l’apparition de la comète de Halley.

Mais parallèlement à ces croyances, les Anciens – Grecs d’abord, puis Romains –, développèrent une véritable réflexion scientifique dans le domaine de l’astronomie et des phénomènes célestes. La science grecque avait permis, depuis longtemps déjà, le progrès et la diffusion dans le monde antique des connaissances astronomiques, avec, par exemple, la découverte de la sphéricité de la terre (voir Mythologie et astronomie), ou le calcul de la circonférence terrestre par Ératosthène de Cyrène dès le IIIe siècle avant J.-C. (voir Ératosthène). Dans la littérature latine, plusieurs œuvres témoignent d’une démarche scientifique de la part des auteurs : c’est le cas du De la Nature de Lucrèce (Ier siècle avant J.-C.) et des Questions naturelles de Sénèque (Ier siècle après J.-C.), qui examinent différentes hypothèses pour expliquer les mouvements des astres ; c’est le cas aussi de Virgile, dont les Géorgiques témoignent de connaissances astronomiques et météorologiques en relation avec le savoir ancestral de la culture des céréales. À propos des comètes, phénomènes célestes qui ont particulièrement retenu l’attention des auteurs latins, on peut souligner que, en dépit des interprétations souvent fausses concernant leur origine, Lucrèce déjà, puis Sénèque, leur attribuent une cause naturelle et non surnaturelle.

Nous pouvons donc observer, à travers les textes étudiés dans ce chapitre, la coexistence de différentes façons d’interpréter les phénomènes célestes : en dépit de la permanence de la croyance aux présages et de la superstition, appuyées par certaines doctrines philosophiques, « scientifiques » ou spirituelles ayant diffusé l’idée qu’il était possible de prédire l’avenir, on observe l’existence d’une attitude rationnelle, plus proche de la nôtre, pour laquelle tous les phénomènes célestes ont une cause naturelle, explicable par la science.

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