- Ses pouvoirs

L'Assemblée des citoyens est souveraine et ses compétences s'exercent à la fois dans les domaines exécutif, législatif et judiciaire. Cela ne signifie pas pour autant qu'elle dispose de tous les pouvoirs. Les autres assemblées (Conseil des 500 et Héliée) limitent ou tempèrent les décisions qu'elle pourrait être amenée à prendre et qui restent placées sous l'autorité des lois. Cependant, du V° au IV° siècle, ces pouvoirs ne font que s'accroître.

Pouvoirs exécutifs : c'est sur la Pnyx, au cours d'une série de débats et de votes que les citoyens réunis assurent directement le gouvernement de la cité. Sur le plan intérieur, l'Ecclesia désigne les magistrats et gère les finances publiques. Dans les affaires extérieures, elle décide des alliances, de l'envoi des ambassades et, souvent, de la paix ou de la guerre.

Pouvoirs législatifs : en comparaison avec les assemblées législatives des démocraties modernes, les pouvoirs de l'ecclesia semblent moindres. En effet les lois (οἱ νόμοι) sont considérées comme intangibles, qu'elles remontent à l'époque de Clisthène, de Solon ou même de Dracon. Elles sont au dessus de la volonté du peuple. L'Ecclesia ne peut voter que des décrets (ψηφίσματα, psephismata) qui ont certes un caractère législatif mais doivent dans être conformes aux lois existantes. Dans le cas contraire, une procédure judiciaire peut être engagée.

Pouvoirs judiciaires : l'essentiel de ces pouvoirs est dévolu à l'Héliée mais l'Assemblée peut avoir à lancer des inculpations ou à juger elle-même quand une action politique ou un délit sont suscepibles de porter atteinte à la sûreté de la cité.

  • La graphè para nomon (ἡ γραφή παρά νόμων) : on appelle γραφή (graphè) une action en justice à caractère public. Le terme s'oppose à ἡ δίκη (dikè), action en justice privée. Littéralement, l'expression signifie donc "action en justice publique dans l'intérêt des lois". Cette procédure permettait de mettre en accusation tout citoyen ou magistrat auteur d'une proposition de décret ou d'une action politique contraire à la loi. Elle avait pour but, dès les premiers temps de la démocratie, de protéger celle-ci contre les excès qu'aurait pu engendrer la souveraineté totale du peuple et de mettre les institutions à l'abri des intrigues des démagogues ou des aléas de l'histoire.
    • Quand la graphè pouvait-elle être engagée ? Tout de suite, au moment-même ou la proposition était faite, débattue et mise aux voix mais aussi après réflexion, pendant une durée d'un an.
    • Qui pouvait la demander ? Tout citoyen estimant que les lois fondamentales de la cité étaient mises en danger.
    • Contre qui s'exerçait-elle ? La graphè para nomon visait bien sûr l'auteur de la proposition mais aussi l'épistate qui présidait l'Assemblée ce jour là. On voit que l'iségorie n'était pas sans risque et que la fonction d'épistate n'était pas purement honorifique.
    • Comment ? La procédure judiciaire débutait sur la Pnyx mais le jugement proprement dit se déroulait dans le tribunal de l'Héliée. La sanction allait de la simple annulation du décret à une amende. Dans les cas graves, les héliastes pouvaient prononcer une peine d'atimie, la sanction extrême étant la peine capitale.
       
  • L'eisangélie (ἡ εἰσαγγελία) : il s'agit littéralement de l'"annonce" ou de la proclamation d'une action politique ou d'un délit suffisamment grave pour porter atteinte aux intérêts de la cité. Cette annonce prenait donc l'allure de la dénonciation publique d'un citoyen ou d'un magistrat devant l'Assemblée. L'eisangelia faisait l'objet d'un vote et, si l'Assemblée décidait de donner suite à l'accsusation, le dossier était transmis au Conseil des 500. Celui-ci rédigeait alors un probouleuma définissant précisément le délit et assorti d'une proposition de sanction. L'affaire revenait ensuite devant l'Assemblée qui pouvait souverainement prononcer le jugement ou transmettre l'affaire à l'Héliée. C'est pourquoi, parmi les plaidoiries qui nous sont parvenues, certaines s'adressent à des juges et d'autres à la foule des citoyens.

L'évolution des pouvoirs du V° au IV° siècle

Au fil du temps, l'Assemblée prend de plus en plus d'importance et ses pouvoirs s'accroissent. Au IV° siècle, la présidence n'est plus assurée par les prytanes en exercice mais par un groupe de 9 proèdres qui n'ont plus qu'un rôle d'huissier. Le bureau perdant de son importance, les débats se font plus houleux. C'est sans doute pour cette raison que la protection de l'orateur doit être assurée physiquement. On constate aussi que les décrets émanant d'initiatives individuelles sont plus nombreux, que les démagogues se manifestent de plus en plus ouvertement. Les procédures d'eisangélie se multiplient alors que les graphè para nomon se raréfient. Tout ceci semble indiquer que la vigilance du Conseil était moindre ou que l'Assemblée passait outre ses recommandations.

Cette extension des pouvoirs de l'Ecclesia n'est pas passée inaperçue. Aristophane et Aristote ont pointé du doigt cette évolution qu'ils considèrent comme une décadence et leur analyse lucide a largement influencé le jugement de la postérité. Mais si la cité est de plus en plus gouvernée par des décrets et s'affranchit de plus en plus des lois, s'agit-il pour autant d'une dérive ? Ce qui est certain, c'est que la démocratie athénienne se radicalise. Ce renforcement du pouvoir populaire a-t-il pour autant dénaturé et affaibli le régime ? Le jugement est ici de nature politique et idéologique.

musagora

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