Pétrone, Satyricon "aux bains publics" Oeuvre au programme de la classe Terminale, 2017-2020

Satyricon, Chapitre XXVII : 

Les deux jeunes héros du Satyricon, Encolpe et Ascylte, accompagnés de Giton (un jeune garçon, amant d’Encolpe) et d’Agamemnon (un professeur de rhétorique), apprennent qu’ils sont invités chez Trimalcion pour la cena (le repas du soir). Dès le chapitre XXVI, Trimalcion est qualifié de lautissimus (superlatif de supériorité signifiant « très riche » ou « très distingué »), ce qui crée un effet d’attente ; au chapitre suivant, nos héros se rendent aux bains, comme il est d’usage avant un banquet, et aperçoivent leur hôte pour la première fois.

Nos interim vestiti errare coepimus… immo jocari magis et circulis accedere, cum subito videmus senem calvum, tunica vestitum russea, inter pueros capillatos ludentem pila. Nec tam pueri nos, quamquam erat operae pretium, ad spectaculum duxerant, quam ipse pater familiae, qui soleatus pila prasina exercebatur. Nec amplius eam repetebat quae terram contigerat, sed follem plenum habebat servus sufficiebatque ludentibus. Notavimus etiam res novas : nam duo spadones in diversa parte circuli stabant, quorum alter matellam tenebat argenteam, alter numerabat pilas, non quidem eas quae inter manus lusu expellente vibrabant, sed eas quae in terram decidebant. Cum has ergo miraremur lautitias, accurrit Menelaus : « Hic est, inquit, apud quem cubitum ponitis, et quidem jam principium cenae videtis ». Et jam non loquebatur Menelaus cum Trimalchio digitos concrepuit, ad quod signum matellam spado ludenti subjecit. Exonerata ille vesica aquam poposcit ad manus, digitosque paululum adspersos in capite pueri tersit.

 

Caius Petronius, Satyricon, XXVII.

Exemple d’introduction en 3 étapes : 

- Présentation de l'auteur, du contexte et de l’œuvre 

- Situation de l'extrait dans l’œuvre et résumé

- Annonce du plan qui sera suivi dans le développement

Le Satyricon, attribué à un auteur latin nommé Pétrone et qui fut peut-être l'un des proches de l'empereur Néron, est sans doute le plus ancien roman connu, puisqu'il daterait, au plus tôt, du Ier siècle après J.-C. L’œuvre, qui nous est parvenue incomplète, relate les aventures rocambolesques de deux jeunes Romains en Italie méridionale. Le principal épisode conservé est le récit du banquet de Trimalcion, un riche parvenu, auquel sont invités les deux personnages principaux, Encolpe et Ascylte. Au chapitre XXVII, les deux  jeunes hommes, accompagnés du rhéteur Agamemnon et de l’esclave Giton, se rendent aux bains publics, comme il est d’usage avant de se rendre à un banquet. Ils y aperçoivent pour la première fois leur hôte, Trimalcion, ce qui donne à l’auteur l’occasion de dresser un premier portrait du personnage. L’intérêt de ce texte réside, tout d’abord, dans l’art du récit mis en œuvre par Pétrone, puis dans le fait qu’il s’agit, à travers l’évocation de Trimalcion aux bains, d’un premier portrait satirique du personnage.

Exemple de développement : 

I. L’art du récit 

Ce chapitre, qui introduit le principal récit enchâssé du Satyricon, la Cena Trimalchionis, est particulièrement révélateur de l’art de Pétrone par son côté divertissant et réaliste.

1) Un récit destiné à divertir le lecteur 

Le récit est divertissant pour le lecteur car :

- c’est un récit à la 1ère personne (Nos… coepimus, l. 1 ; videmus, l. 3, etc.), effectué par Encolpe, le narrateur-personnage : le point de vue est interne, et permet au lecteur de découvrir la scène en suivant le regard d’Encolpe, comme le montrent notamment les participes présents, qui évoquent les actions en train de se produire (ludentem, l. 4 ; ludentibus, l. 10 ; ludenti, l. 21).

-  c’est un texte qui mêle plusieurs types de discours, ce qui introduit de la variété : on y trouve des passages narratifs au parfait (coepimus, l. 1 ; notavimus, l. 10 ; accurrit, l. 16, etc.) ou au présent de narration (videmus, l. 3), des passages descriptifs – qui constituent une pause dans le récit – à l’imparfait (erat, l. 5 ; exercebatur, repetebat, l. 8, etc.), et un passage au discours direct dans les lignes 17-19, correspondant à l’intervention du personnage nommé Ménélas (« Hic est, inquit, … videtis »). 

- Encolpe nous fait part de son expérience et de ses sentiments : on note la présence de verbes de perception (videmus, l. 3 ; notavimus, l. 10), et celle de verbes traduisant des émotions, tels que jocari (l. 2) et miraremur (l. 16). 

-  l’apparition de Trimalcion est mise en valeur, dès le début du texte, par l’adverbe subito , l. 2 (cum subito videmus senem calvum…), à l’intérieur de la proposition subordonnée introduite par cum . Ces premières lignes, en montrant d’emblée la surprise ressentie par le narrateur à la vue de Trimalcion, visent à focaliser l’attention du lecteur sur le personnage qui va être décrit dans la suite du passage (Encolpe emploie d’ailleurs, l. 6, le terme de spectaculum , qui montre bien le caractère insolite de la scène).

- l’intervention au discours direct de Ménélas provoque un effet d’attente chez le lecteur : en effet, c’est par les paroles de ce personnage que l’on apprend que le vieillard chauve qui vient d’être évoqué est celui chez qui Encolpe et ses amis vont aller dîner (l. 17-18 : Hic est, inquit, apud quem cubitum ponitis), et que ce qu’ils sont en train de voir constitue un prélude au dîner (l. 18-19 : et quidem jam principium cenae videtis). 

2) La précision et le réalisme de la scène 

L'art du récit réside également dans la précision et le réalisme de la scène à laquelle assiste Encolpe.

a) Précision

Le narrateur prend soin de faire une évocation très précise de cette scène où l’on voit Trimalcion en train de jouer à la balle en compagnie d’autres joueurs et d’esclaves. Cette précision est due : 

- à l’organisation du récit : Pétrone introduit son récit par un passage narratif (l. 1-4) précisant de quoi il va être question, à savoir la découverte par le narrateur de Trimalcion aux bains, avant d’évoquer le personnage dans un passage descriptif (l. 5-15), et de poursuivre la présentation par un autre passage narratif (l. 16-24).

- à l’évocation des différents personnages qui contribuent au portrait de Trimalcion : en dehors de Trimalcion lui-même (cum subito videmus senem calvum, l. 2-3 ; ipse pater familiae, l. 6-7), Encolpe évoque les autres joueurs (ludentibus, l. 10) et surtout les esclaves qui les servent (inter pueros capillatos, l. 4 ; servus, l. 10 ; duo spadones, l. 11, etc.) ; 

- à l’abondance des détails apportés par les compléments circonstanciels et propositions subordonnées relatives dans le passage descriptif (l. 5-15), qui permettent au lecteur de se représenter précisément la scène : CCL inter pueros capillatos, l. 4 ; PSR qui… exercebatur (l. 7-8) ; PSR quae terram contigerat, l. 8-9 ; CCL in diversa parte circuli, l. 11-12 ; PSR quorum alter…, l. 12 et suiv. ; PSR quae… sed eas quae…, l. 13-15.

- la précision de la description apparaît aussi à travers les nombreuses conjonctions de coordination et adverbes (amplius, l. 8 ; etiam , l. 11 ; et, l. 19, etc.), qui permettent à Encolpe de présenter au lecteur une multitude d’informations.

b) Réalisme

Le texte se caractérise également par son réalisme et son aspect pittoresque. 

- L’atmosphère qui régnait dans les bains publics romains est évoquée de façon très réaliste, avec la mention des groupes d’amis ou de joueurs qui s’y formaient (circulis, l. 2 ; circuli, l. 12), et des différentes classes sociales que l’on pouvait y rencontrer, puisque les Romains s’y rendaient accompagnés de leurs esclaves ; on note aussi la présence de nombreux verbes d’action évoquant les différentes activités des bains publics : promenades (errare, l. 1), conversations (jocari, l. 2) ; il est surtout question ici du jeu de balle (en effet les thermes comportaient des salles de jeu, les palestres) évoqué par des mots appartenant au champ lexical du jeu, (ludentem pila, l. 4 ; pila prasina, l. 7 ; ludentibus, l. 10 ; pilas, l. 13 ; lusu, l. 14), et de verbes d’action correspondant aux mouvements accomplis par les joueurs ou par la balle (exercebatur, repetebat, l. 8 ; lusu expellente, l. 14 ; vibrabant, decidebant, l. 15).

- le réalisme et le pittoresque de la description sont dus également à l’abondance des détails donnés par Encolpe : les adjectifs qualificatifs et participes passés passifs à valeur d’adjectifs sont nombreux et servent à qualifier les différents personnages ou objets de la scène (vestiti, l. 1 ; senem calvum, tunica vestitum russea, l. 3-4 ; pueros capillatos, l. 4 ; soleatus, pila prasina, l. 7 ; plenum, l. 9 ; argenteam, l. 13).

→ Transition : le romancier cherche donc à divertir son lecteur dans ce texte mêlant récit et description et comportant de nombreux détails réalistes ; mais l’auteur a aussi un autre objectif : donner une première vision du personnage de Trimalcion, qui sera le personnage principal de la Cena Trimalchionis : le texte a aussi un intérêt psychologique, dans la mesure où il nous renseigne sur le caractère des personnages. 

II. Un texte satirique 

L’art du récit est mis au service d’une satire : celle de Trimalcion tel qu’il apparaît en tout cas à travers le regard du narrateur. On voit bien en effet, par la remarque des lignes 5-7 (Nec… quam ipse pater familiae), que c’est Trimalcion (le paterfamilias, c’est-à-dire le maître de maison) qui retient surtout l’attention d’Encolpe, et que cela est dû au caractère insolite du personnage.

1) Le portrait d’un parvenu 

La description faite par Encolpe de Trimalcion révèle tout d’abord l’extrême richesse du personnage, qui apparaît à travers certains détails relevés par le narrateur : 

- Trimalcion est vêtu d’une tunique rouge (tunica russea, l. 3-4). La présence de l’adjectif qualificatif russea n’est pas anodine, car la teinture rouge était dans l’Antiquité l’une des plus chères, et d’autres passages de la Cena Trimalchionis insistent sur le goût de Trimalcion pour les tissus de couleur rouge.

- il nous est présenté entouré d’une multitude d’esclaves, comme le montre la présence de plusieurs termes désignant des serviteurs : Encolpe mentionne en effet de jeunes esclaves aux longs cheveux (pueros capillatos, l. 4), probablement des « mignons » (en effet cette coiffure, signe d’élégance, de raffinement, voire de débauche, était celle des jeunes garçons qui servaient d’objets sexuels à leur maître ; la remarque du narrateur, quamquam erat operae pretium, l. 5-6, confirme cette interprétation), un esclave chargé de fournir les balles aux joueurs (servus, l. 10), et deux eunuques (duo spadones, l. 11).

- les objets qui l’entourent témoignent également de sa richesse : Trimalcion dispose pour jouer non pas d’une seule balle, mais d’une multitude de balles (follem plenum habebat servus, l. 9-10), et Encolpe emploie l’adjectif qualificatif argenteam pour décrire le pot de chambre tenu par un des deux eunuques (matellam… argenteam, l. 12-13).

- enfin, Encolpe emploie le terme lautitiae (l. 16 : cum has ergo miraremur lautitias), qui signifie « raffinements », « élégances », et qui est souvent employé dans la Cena Trimalchionis pour désigner le luxe dans lequel évolue Trimalcion.

2) Un personnage ridicule 

Mais la description d’Encolpe révèle surtout le caractère ridicule du personnage de Trimalcion. Encolpe, jeune Romain instruit et de bonne famille, nous livre sciemment des détails qui font paraître l’affranchi comme un homme grossier et mal éduqué aux yeux des citoyens de naissance. Le ridicule du personnage est dû à plusieurs facteurs : 

a) Son apparence 

La description physique de Trimalcion met tout d’abord l’accent sur la laideur du personnage, par le biais notamment des antithèses des lignes 3-4 : c’est un vieillard (il est désigné par le terme senex, l. 3 : senem) entouré d’enfants ou d’adolescents (pueros, l. 4), et il est qualifié de « chauve » (calvum) alors que les jeunes esclaves portent les cheveux longs (capillatos, l. 4). Le contraste entre ces personnages doit sembler ridicule à Encolpe, tout au moins en public (puisque la scène se déroule dans des bains publics). D’autre part, Encolpe semble être choqué par les couleurs vives qu’affectionne Trimalcion, puisqu’il utilise deux adjectifs de couleur, russea (l. 4) et prasina (l. 7), pour décrire sa tunique, puis la balle avec laquelle il joue. Enfin, la tenue vestimentaire de Trimalcion paraît sans doute incongrue aux yeux d’Encolpe, puisque l’affranchi apparaît en public recouvert uniquement de sa tunique, qui est un vêtement de dessous (tunica vestitum, l. 3), et chaussé de sandales (soleatus, l. 7), qui sont des chaussures d’intérieur, très simples, que l’on portait à la maison. 

b) Une mise en scène du luxe 

Le jeu de balle n’est qu’un prétexte : Trimalcion, comme il le fera dans les chapitres suivants avec les plats servis à ses invités, cherche par ce moyen à se mettre en scène, comme le montre bien l’emploi du terme spectaculum (l. 6) employé par le narrateur, qui évoque quelque chose d’insolite et une volonté, de la part de l’affranchi, d’être regardé (étymologie : spectaculum est formé sur la racine latine spec-, qui signifie « regarder »).

- Par le nombre des esclaves qui l’entourent, Trimalcion veut faire étalage de sa richesse ; il cherche aussi, sans doute, à se distinguer des autres par la couleur de ses balles (pila prasina, l. 7) et par leur quantité (follem plenum, l. 9).

- Il cherche à montrer de l’originalité et de l’élégance dans son jeu, en y introduisant des nouveautés qu’il juge sans doute très raffinées, mais que le narrateur trouve grotesques (Encolpe évoque en effet des « choses nouvelles », l. 11, res novas) : un eunuque tenant un pot de chambre pour que les joueurs puissent se soulager sans interrompre leur jeu (l. 12-13 : alter matellam tenebat), et un autre comptant non pas les balles échangées (comme d’ordinaire), mais celles qui tombent par terre (l. 15 : eas quae in terram decidebant). La mention du pot de chambre en argent (matellam… argenteam, l. 12-13) introduit un contraste ridicule entre le caractère précieux de l’objet et sa fonction triviale.

- Il donne enfin une importance exagérée à son jeu, en se faisant apporter le pot de chambre alors qu’il est en train de jouer (emploi du participe présent ludenti, l. 21, qui montre l’action en train de s’accomplir), comme s’il lui était impossible de s’interrompre. Par ce geste et ceux qui suivent (demander de l’eau pour se laver les mains et s’essuyer les doigts sur la tête d’un esclave (l. 22-23), Trimalcion veut montrer à ceux qui le regardent à quel point il s’est élevé sur l’échelle sociale : l’ancien esclave possède maintenant une multitude de serviteurs prêts à accourir à ses moindres désirs ou besoins, sur un simple claquement de doigts (digitos concrepuit, l. 20).

→ Trimalcion est un snob qui essaie d’imiter les classes sociales supérieures, mais il le fait ici, comme toujours, de façon exagérée et ridicule, dans une mise en scène grotesque où il joue au grand personnage, servi par une multitude d’esclaves, et tente de donner de lui-même l’image d’un grand « sportif » et d’un homme raffiné.

Exemple de conclusion en 2 étapes :

- Bilan des idées et procédés principaux 

- Exemples d’ouvertures possibles (sur d’autres œuvres : textes, peintures, films, etc.)

Ce texte, à travers un récit divertissant, à la fois réaliste et pittoresque, a donc pour fonction de nous présenter, dès le début de la Cena Trimalchionis, celui qui en sera le personnage principal. Il s’agit d’un premier portrait satirique du personnage vu à travers le regard critique d’Encolpe. On y découvre un homme qui cherche à faire étalage de sa richesse et qui utilise les bains publics comme un théâtre dans le but de mettre en scène son importance, par le nombre des esclaves qui le servent et par les raffinements qu’il introduit dans le jeu de balle. Mais cette attitude paraît sans doute grotesque au narrateur, qui cherche à nous montrer, dans ce passage, le snobisme et le manque de goût de Trimalcion. Cette simple scène de la vie quotidienne, aux bains publics, révèle à Encolpe, au premier coup d’œil, les origines sociales du personnage chez qui il est invité à dîner : il s’agit d’un affranchi, qui cherche à singer le mode de vie et les manières des classes les plus hautes de la société romaine. 

- Ouverture sur le chapitre XXIX : description de l’atrium de la domus de Trimalcion. L’affranchi se met également en scène dans le décor de son atrium : des peintures murales retracent son parcours social, depuis ses origines serviles jusqu’à sa nomination en tant que sévir. Mais la description que fait Encolpe de cet atrium révèle le manque de goût et les prétentions de Trimalcion : celui-ci étale avec ostentation sa richesse, veut montrer à tous son bonheur, mais son acharnement à imiter les classes sociales élevées révèle un complexe d’infériorité.

- Ouverture sur le chapitre XXXII : description physique de Trimalcion : là aussi, on voit l’étalage de richesses (bijoux, vêtements de couleur pourpre) et l’imitation des classes sociales élevées : Trimalcion adopte, par des moyens détournés, les insignes de l’ordre équestre (vêtements de pourpre, port de bagues en or). 

Traduction guidée, avec séquençage, vocabulaire et éléments d’analyse (exemplaire destiné à l’élève, à compléter) :

tableau 1tableau 234

Corrigé :

 

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