Orange - Une colonie romaine

L’arc de triomphe

Les arcs de triomphe sont un symbole de l’impérialisme romain, un moyen de propagande politique qui, non seulement, représente la commémoration des conquêtes romaines mais permet aussi de diffuser un modèle architectural et politique auprès des provinces conquises.

Celui d’Orange est situé au nord de la ville, sur la voie Agrippa, quatre-vingts mètres avant les remparts. Sous Auguste, il sert de porte principale à la cité. Il contient trois portes, une pour les chars au centre, deux pour les piétons sur les côtés. Lors de la pompe triomphale, c’est le triomphateur qui passe par la grande porte et le cortège par les portes latérales. Il mesure presque vingt mètres de haut, vingt mètres de large et huit mètres de profondeur.

L’architecture de cet arc de triomphe est donc organisée selon un rythme ternaire :

  • À l’horizontale, on peut observer trois registres : un étage inférieur et deux attiques (étages supérieurs plus petits) de proportions différentes, ce qui est exceptionnel. En général, un arc de triomphe n’en contient qu’un ; cela le rend d’autant plus imposant et rompt sa monotonie.
  • À la verticale, elle est rythmée par les trois portes, mises en valeur par quatre colonnes engagées.

Si l’on se réfère aux traités d’architecture romains (Vitruve, par exemple), il n’est pas inutile de se rappeler que le nombre 3 est l’un de ceux qui composent le "carré magique". Le carré magique d’ordre « n » est composé de « n» entiers positifs, écrits sous la forme d’un tableau carré, disposés de sorte que leurs sommes sur chaque rangée, sur chaque colonne et sur chaque diagonale principale soient égales. Il a donc une valeur hautement symbolique évoquant la perfection.

Par ailleurs, sa décoration intérieure est hautement soignée car, sous les arches de la voûte, il contient des ciselures géométriques qui forment un plafond à caissons et témoignent de son raffinement.

Le monument est construit entre les années 21 et 26 après J.-C. pour commémorer les victoires et la mort, en 19, de Germanicus, fils adoptif de l’empereur Tibère et général de la IIe légion Augusta dont les rangs étaient fournis par la cité d'Arausio. Cet arc de triomphe est un symbole de la puissance romaine qui traverse les siècles car :

  • c’est d’abord un arc municipal servant à célébrer les exploits de la deuxième légion gallique : on peut d’ailleurs voir, sur un des boucliers sculptés, un double capricorne, emblème de cette légion ;
  • ensuite, il est réemployé pour être dédié à la gloire de Tibère en 26-27, comme l’indique une inscription aux lettres de bronze sur l’arc.

Les sculptures qui le décorent représentent des scènes de combats :

  • Sur les faces Nord et Sud, entre les archivoltes (ensemble des ornements qui encadrent les arcades) des passages latéraux et l’entablement, on voit des panneaux d’armes : y sont représentés des Gaulois du Ier siècle avant J.-C. munis de leurs peltes (boucliers imaginaires des Amazones) et des prisonniers enchaînés.
  • Sur le premier attique, sont représentées des dépouilles navales : proues, avirons, ancres ou aplustres (ornements de la poupe d’un navire en forme d’éventail). Ces sculptures rappellent que les Romains ont la maîtrise des mers après les batailles d’Actium (31 avant J.-C.) et de Massilia (49 avant J.-C.).
  • Sur les quatre faces de l’arc et les attiques, on peut voir des frises non terminées représentant des scènes de combats foisonnantes où s’opposent les Romains aux Celtes et aux Gaulois.

 

Le théâtre

Les Romains se sont longtemps contentés de théâtres démontables construits en bois où seuls les spectateurs des premiers rangs pouvaient s’asseoir. La construction de théâtres permanents était interdite, le Sénat voulant empêcher que les divertissements détournent le peuple de ses devoirs religieux et civiques. Ce n’est qu’en 55 avant J.-C. que Pompée fait construire à Rome le premier théâtre en pierre. Quelques décennies plus tard, sous le règne d’Auguste, le théâtre d’Orange voit le jour. Avec celui d’Arles, il fait partie des premiers grands édifices publics construits dans la province Narbonnaise au début de l’Empire.

Construit au Ier siècle après J.-C., le théâtre d’Orange est un lieu très apprécié des Romains mais il connaît la même décadence que l’Empire : sous la pression des Chrétiens et à la suite d’un incendie car il est pillé et saccagé par les Barbares en 412, il est abandonné au IVe siècle après J.-C. Les pierres des gradins sont utilisées pour faire des sarcophages, les décors du mur de scène sont arrachés, la statue de l’Empereur est détruite et le toit du théâtre est incendié.

Servant de poste avancé au Moyen-Âge, il devient au XVIe siècle le refuge des populations lors des guerres de religion et il est envahi par les habitations, ce qui le sauve d’une destruction totale. Au XVIIe siècle, le Roi Louis XIV le considère d’ailleurs comme « la plus belle muraille de [son] royaume ». Il retrouve son éclat au XIXe siècle grâce au programme de restauration lancé en 1825 par Prosper Mérimée, directeur des Monuments historiques.

Il contient actuellement 7000 spectateurs mais, dans l’antiquité, il pouvait en accueillir environ 10 000. Ses dimensions sont particulièrement imposantes : 104 mètres de long, 35 mètres de haut, il est constitué d’une scène de 120 mètres de diamètre. Il est très bien conservé, presque intact et permet une acoustique exceptionnelle.

Comme les Grecs avant eux, les Romains ont cherché à profiter d’une colline existante dont ils évidaient un versant pour y adosser les gradins. Il n’y a guère qu’à Rome et dans quelques autres grandes villes que les théâtres ont été construits en terrain plat avec de hautes et épaisses murailles et de profondes fondations nécessaires pour porter les gradins. Ici, le théâtre est adossé à la colline Saint-Eutrope.

L’architecture du théâtre d’Orange est exceptionnelle à plusieurs titres :

  • Son mur extérieur était, à l'origine, précédé d'un portique, dont il subsiste une seule arche côté Ouest. Construit très simplement, en grand appareil de pierres (gros blocs), la façade est divisée en trois niveaux. Son pavement est d’une régularité absolue.
  • Le mur de scène mesure 35 mètres de haut. À l’intérieur, il était jadis décoré de statues, frises et colonnes de marbre, dont il subsiste quelques vestiges. Il a plusieurs rôles : fermer le théâtre en le coupant de la vie quotidienne, ménager une excellente acoustique au monument, permettre les entrées et sorties des acteurs, participer aux effets « magiques » du spectacle en faisant apparaître le deus ex machina par un système de machinerie qui amène sur scène les dieux, sous forme de « marionnettes », dans les moments critiques de la pièce.
  • Le mur de scène est percé de trois portes : au centre, la porte royale, autrefois réhaussée d’une frise sculptée de Centaures, est réservée au passage du roi et des membres de sa famille ; les deux portes latérales permettent les entrées des acteurs secondaires, les hospitales. Par convention, les acteurs entrant par le côté cour (à droite) venaient du forum et ceux entrant par la gauche (jardin) venaient de la campagne ou de l’extérieur de la ville.
  • L’une des niches du mur de scène abrite une statue colossale, de 3,50 mètres de haut, dont la tête n'est pas d'origine et qui a été retrouvée en morceaux et restaurée en 1951. Il s’agit certainement d’une représentation de l’Empereur Auguste datant du IIe siècle après J.-C. Il porte un manteau impérial, salue la foule ; on voit un vaincu agenouillé à sa droite. Il s’agit d’une forme de propagande au service du culte de l’empereur.
  • En haut de la façade du mur de scène, on peut voir des encoches : ce sont des « corbeaux » qui servaient à recevoir les mâts et cordages qui tenaient le velum (ou velarium), la toile protégeant les spectateurs du soleil.
  • La scène contenait une fosse qui servait à abaisser le rideau pendant les représentations. Elle était surmontée d’un toit qui a été détruit par l’incendie : il servait à abriter la scène et à améliorer l’acoustique.
  • La scène est constituée d’un plancher de bois disposé à 1,20 mètres du sol sous lequel était logée la machinerie. Elle mesure 61 mètres de long pour 9 mètres de profondeur : elle dominait l’orchestra d'environ 1,10 mètres et était soutenue par un mur bas appelé le pulpitum.
  • La cavea se divise en trois séries de gradins appelés mæniana ; on peut compter 34 gradins au total, séparés par des murs. Le premier mænianum, appelé ima cavea, se compose de vingt gradins, dont les trois premiers étaient réservés aux equites ou chevaliers comme en témoigne l'inscription Eq(uitum) g(radus) III. La deuxième zone, appelée media cavea, se compose de neuf gradins accueillant les prêtres, les marchands, les citoyens romains, tandis que la troisième zone, appelée summa cavea, se compose de cinq gradins accueillant seulement les pullati (personnes « rejetées ») : les prostituées, les esclaves et les personnes ne détenant pas la nationalité romaine. Autour de l’orchestra, on pouvait disposer, au besoin, des sièges mobiles pour les magistrats ou les notables.

Ce qu’en dit Pline l’Ancien :

Narbonensis provincia appellatur pars Galliarum, quae interno mari alluitur, Braccata ante dicta, amne Varo ab Italia discreta, Alpiumque vel saluberrimis romano imperio jugis. A reliqua vero Gallia latere septentrionali, montibus Gebenna et Jura : agrorum cultu, virorum, morumque dignatione, amplitudine opum, nulli provinciarum postferanda, breviterque Italia verius quam provincia […] In mediterraneo colionae : Arelate Sextanorum, Beterrae Septimanorum, Arausio Secundanorum.

 

On donne le nom de Narbonnaise à la partie de la Gaule qui est baignée par le Méditerranée ; elle se nommait jadis Braccata ; elle a pour limite, du côté de l’Italie, la Var et les Alpes, montagnes dont la barrière a été si utile à l’Empire romain ; du côté du reste de la Gaule, au nord, les Cévennes et le Jura. Par sa culture florissante, par les mœurs et le mérite de ses habitants, par son opulence, elle ne cède à aucun des pays soumis à l’Empire ; en un mot, c’est plutôt l’Italie qu’une province […] Dans l’intérieur des terres, colonies : Arles de la sixième légion, Béziers de la septième, Orange de la seconde.

Pline l’Ancien Histoire naturelle, III, 5.

  • La colonie romaine d’Orange appartient à la Provence romaine, une des provinces proprétoriennes (territoires hors d'Italie, sur lesquels s'applique l'autorité militaire et civile d'un magistrat) de l'Empire romain appelée Gaule narbonnaise et fondée dès 118 avant J.-C. La zone occupée par les Romains s'étend de Tolosa (Toulouse) au lac Léman, hormis la cité grecque de Massalia (Marseille) et ses environs qui forment une enclave libre.
  • Orange est situé en Provence. Son nom antique, Arausio, est formé d’une racine pré-indo-européenne ar- signifiant la « hauteur » et du suffixe prélatin -aus auquel a été ajouté le suffixe -ionem. En tout cas, le nom de la cité n’a strictement aucun lien avec le fruit, importé beaucoup plus tard d’Inde !
  • En 109 avant J.-C., la Provence romaine est envahie par des peuples barbares (Cimbres, Teutons et Ambrons). Les Celto-Ligures sont installés sur la colline en bordure du Rhône. La Gaule narbonnaise ne devient province romaine officiellement, par la lex provinciae, qu'au passage de Pompée en 70 avant J.-C. Jules César en fait sa base arrière pour la conquête des Gaules et termine en 49 avant J.-C. la conquête de la Narbonnaise. En 40 avant J.-C., Orange devient colonie résidentielle des vétérans de la deuxième légion. Ainsi, située sur la voie Agrippa, reliant Arles à Lyon, elle constitue une halte pour les commerçants.
  • Au musée d’Art et d’Histoire d’Orange, on peut observer des documents gravés dans la pierre : il s’agit de fragments de trois cadastres romains gravés sur des plaques de marbre. Ces documents uniques ont été découverts à Orange en 1949. Ils ont été gravés en 77 après J.-C. dans le cadre d’une révision complète de la propriété foncière décidée par l’Empereur Vespasien. Ils indiquent donc les propriétés, leur statut juridique et les impôts de l’époque. On apprend par ce document que quelques terres, de moindre importance, appartenaient aux indigènes, que d’autres étaient louées et appartenaient totalement à l’Etat Romain, que d’autres, enfin, sans impôts, étaient données à des colons vétérans pour faciliter la colonisation et la mise en valeur du sol, au détriment des autochtones.
  • Comme toutes les grandes cités romaines construites à l’image de Rome, Orange contient des monuments particulièrement imposants : amphithéâtre, aqueduc, arc de triomphe, basiliques, forum, temples, thermes, riches domus, théâtre… Aujourd’hui ne subsistent que deux monuments qui témoignent de l’importance de cette cité à l’époque impériale : l’arc de triomphe et le théâtre. Ces deux monuments sont situés sur l’un des deux axes principaux de la cité : le cardo maximus, qui s’étend du Nord au Sud de la ville depuis l’Arc de triomphe jusqu’au théâtre. À la jonction de cet axe et du decumanus maximus, axe Est-Ouest, se situe le forum.

Voir aussi sur Odysseum :

En deux mots :

Petit dictionnaire pour découvrir le théâtre latin 

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