L’Invisible Phénix dans The Hunger Games de Suzanne Collins : animal, personnage et symbole

Bibliographie

  • ARROW V., The Panem Companion An Unofficial Guide to Suzanne Collins' Hunger Games, from Mellark Bakery to Mockingjays, Dallas, BenBella Books, 2012.
  • BEHAGHEL-DINDORF Anne, « Le Basilic et le Phénix de l’Antiquité à Harry Potter »Le Symbolisme des animaux : l’animal, clef de voûte de la relation entre l’homme et la nature ? - éd. Edmond Dounias, Elisabeth Motte-Florac, Margaret Dunham, Paris, IRD, 2007, p. 425-458.
  • BROOKS Jeffrey, The Firebird and the Fox. Russian Culture under Tsars and Bolsheviks, Cambridge University Press, 2019.
  • BYRNE Deirdre, “Dressed for the Part : An Analysis of Clothing in Suzanne Collins's Hunger GamesTrilogy”, Journal of Literary Studies, 31. 2, 2015, p. 43-62.
  • COLLINS Suzanne, trilogie The Hunger Games, Catching Fire, Mockingjay, New York, Scholastic Press,2008, 2009 et 2010. Traduction française de Guillaume Fournier : Hunger Games, L’Embrasement, La Révolte, Paris,Pocket Jeunesse, 2009, 2010 et 2011.
  • COLLINS Suzanne,The Ballad of Songbirds and Snakes, New York, Scholastic Press, 2020. Traduction française de Guillaume Fournier : La Ballade du serpent et de l'oiseau chanteur, Paris,Pocket Jeunesse, 2020.
  • DANIÉLOU Jean, Les Symboles chrétiens primitifs,Paris, Éditions du Seuil, 1996.
  • DIÉNY Jean-Pierre, « Le Fenghuang et le Phénix », Cahiers d'Extrême-Asie, 5, 1989, p. 1-13.
  • FRANKEL Valerie Estelle, Katniss the Cattail : An Unauthorized Guide to Names and Symbols in The Hunger Games, Buchanan NY, LitCrit Press, 2012.
  • FRANKEL Valerie Estelle,Superheroines and the Epic Journey : Mythic Themes in Comics, Film and Television, Jefferson (NC), McFarland, 2017.
  • GUANIO-ULURU Lykke,« Katniss Everdeen’s Posthuman Identity in Suzanne Collins’s Hunger Games Series : Free as a Mockingjay ? »,Jeunesse : Young People, Texts, Cultures 9.1, 2017, p. 57-81.
  • KING Sharon D., « (Im)Mutable Natures : Animal, Human, and Hybrid Horror »,Of Bread, Blood, and theHunger Games, ed. Mary F. Pharr and Leisa A. Clark, Jefferson (NC), McFarland & Company, 2012, p. 108-117.
  • LE CALLET Blandine, Le Monde antique de Harry Potter, Paris, Stock, 2018.
  • LECOCQ Françoise, « L’Empereur romain et le Phénix », Phénix : mythe(s) et signe(s), éd. Silvia Fabrizio-Costa, Bern, Peter Lang, 2001, p. 27-56.
  • LECOCQ Françoise, « Le Renouveau du symbolisme du phénix au XXe s. », Présence de l’Antiquité grecque et romaine au XXe s., éd. Rémy Poignault, Tours, Centre Piganiol, 2002, p. 25-59.
  • LECOCQ Françoise, « L’Iconographie du phénix à Rome », Schedae 6.1, 2009, p. 73-106 ()
  • LECOCQ Françoise, « Le phénix dans l’œuvre de Claudien : la fin d'un mythe. Pour une lecture politique du phénix : quelques arguments », Claudien. Mythe, histoire et science, éd. Florence Garambois-Vasquez, Saint-Étienne, Presses universitaires, 2011, p. 113-157.
  • LECOCQ Françoise,« ‘Le sexe incertain du phénix’ : de la zoologie à la théologie », Le phénix et son Autre. Poétique d'un mythe des origines au XVIe siècle, éd. Laurence Gosserez, Rennes, Presses universitaires, 2013, p. 187-210.
  • LECOCQ Françoise, The Dark Phoenix. Rewriting an Ancient Myth in Today’s Popular Culture,Ancient Myths in the Making of Culture,ed. MalgorzataBudzowska and JadwigaCzerwinska, Bern, Peter Lang, 2014, p. 341-354.
  • LECOCQ Françoise, « Y a-t-il un phénix dans la Bible ? À propos de Job 29 : 18, de TertullienDe resurrectione carnis 13, et d’Ambroise, De excessu fratris 2, 59 », Kentron 30, 2014, p. 55-82.
  • LECOCQ Françoise,Inventing the Phoenix. A Myth in the Makingthrough Wordsand Images”, Animals in Greek and Roman Religion and Myth, ed. Patricia A. Johnston, Attilio Mastrocinque and Sophia Papaioannou, Cambridge, Cambridge Scholars Publishing, 2016, p. 449-478.
  • LECOCQ Françoise, « Les premières peintures du phénix, à Pompéi », Actes du XXIXe colloque de l’Association française pour la peinture murale antique, éd. Julien Boislève, Alexandra Dardenay et Florence Monier, Bordeaux, Ausonius, 2019, p. 277-294.
  • LECOCQ Françoise, « Deux faces du phénix impérial : Trajan et Hadrien sur l’aureusde 117/118 », Mémoires de Trajan, mémoires d'Hadrien, éd. Stéphane Benoist, Alban Gautier, Christine Hoët-Van Cauwenberghe et Rémy Poignault, Lille, Presses Universitaires duSeptentrion, 2020, p. 57-70.
  • LECOCQ Françoise, « L’Oiseau couleur du temps : le symbolisme chronologique du mythe du phénix, de l’Égypte ancienne à la Rome païenne et chrétienne », 2020.
  • LECOCQ Françoise, « Les réinterprétations textuelles et iconographiques des attributs du phénix, de l'Égypte à Rome », in Images sources de textes, textes sources d'images, Yona Dureau éd., Les Ulis, EDP Sciences, 2020, p. 63-80.
  • LECOCQ Françoise, « Le Mythe du phénix dans la littérature de fantasy pour enfants »,Cahiers Robinson 49 Littérature enfantine de Fantasy, Marie-Lucie Bougon, Justine Breton et Amelia Timoner éd., Artois Presses Université, 2021, à paraître.
  • IOI Anthony, Bert versus the Black Phoenix : An Introduction to Convergence and Ecomedia, Ecomedia : Key Issues, ed. Stephen Rust, Salma Monani, and Sean Cubitt, New York, Routledge, 2015, p. 165-175, fig. 9.1.
  • MAKINS Marian,« 'Written in a Language called Latin about a Place called Rome'. Réception de l’Antiquité et résistance dans la trilogie Hunger Games »L’Antiquité dans l’imaginaire contemporain : Fantasy, science-fiction, fantastique, éd. Mélanie Bost-Fiévet et Sandra Provini, Paris, Garnier, 2014, p. 339-358.
  • MAKINS Marian, Refiguring the Roman Empire in The Hunger GamesTrilogy, Classical Traditions in Science Fiction, ed. Brett M. Rogers et Benjamin E.Stevens, Oxford University Press,2015, p. 280-306.
  • NIGG Joseph, The Phoenix. An Unnatural Biography of a Mythical Beast, Chicago, University of Chicago Press, 2016.
  • ROWLING Joanne K., Harry Potter and the Order of the Phoenix, London, Bloomsbury, 2013. Traduction française de Jean-François Ménard, Harry Potter et l’Ordre du Phénix, Paris, Gallimard, 2013.
  • ROWLING Joanne K., Fantastic Beasts and Where to Find Them, New York, Arthur A. Levine Books, 2017.
  • VAN DEN BROEK Roelof, The Myth of the Phoenix according to Classical and Early Christian Traditions, Leiden, Brill, 1972.
  • WELLS Jane, Bird On Fire : A Bible study for understanding The Hunger Gamesarena, Catching Fire flame and Mockingjay bird, Canton (MI), Read the Spirit, 2013.
  • ZAKAHRIA Katia, « La ‘anqâ’. Quelle place pour le phénix dans le monde arabo-musulman classique ? », Phénix : mythes et signes, éd. Silvia Fabrizio-Costa, Bern, Peter Lang, 2001, p. 116-138.
  • LECOCQ Françoise, « Les premières peintures du phénix, à Pompéi », Actes du XXIXe colloque de l’Association française pour la peinture murale antique, éd. Julien Boislève, Alexandra Dardenay et Florence Monier, Bordeaux, Ausonius, 2019, p. 277-294 — à consulter en lien.

Dans la trilogie The Hunger Games de l’Américaine Suzanne Collins, un roman de science-fiction dystopique pour adolescents dont le succès a conduit à une adaptation cinématographique (2008-2015)2, les références gréco-romaines constituent la base de l’intrigue et occupent une grande place ; le nom du phénix n'y est jamais cité, mais l’ombre de son mythe plane sur toute l’œuvre, comme les lecteurs et les commentateurs l'ont bien vu.

Le phénix a subi nombre de métamorphoses : créature solaire égyptienne devenue l’emblème de l’éternité romaine et une icône de la résurrection chrétienne, l’animal unique et rare qui renaît périodiquement des flammes est apparu de plus en plus souvent dans les textes et les images à travers les siècles, se combinant aux temps modernes avec le feng huang oriental3, l’oiseau de feu slave4 et la simorgh persane5, et prenant des valeurs symboliques nouvelles, parfois à l'opposé des anciennes6.

Il a été vulgarisé dans la littérature pour le jeune public dès le début du XXe siècle avec le roman The Phoenix and the Carpet d’Edith Nesbit en 1904, puis celui de David and the Phoenix par Edward Ormondroyd en19577. Son succès a été renouvelé dans le manga-fleuve d’Ozamu Tezuka Hi no tori, littéralement « L’oiseau de feu », traduit par « Phénix » (1967-1988)8, où l’animal est un hybride du fend huang chinois et du phénix occidental, puis par la longue saga Harry Potter de J. K. Rowling, déclinée en plusieurs livres et films (1997-2011) : chacun connaît Fumseck, son allure de rapace impressionnant et son ardeur combative contre le monstrueux basilic9. La science-fiction a, elle, inventé pour sa propre mythologie des personnages mutants qui sont de sombres phénix (dark phoenix) au feu destructeur comme celui des dragons, et dont le plus célèbre est l’héroïne Jean Grey surnommée Phoenix, puis Dark Phoenix dans les bandes dessinées et films X-Men des Marvels Comics10,à partir des années 196011.

Dans le cycle The Hunger Games, de jeunes héros combattent un pouvoir tyrannique dans une Amérique conçue comme un nouvel empire romain. Certes, des mythes grecs informent l’intrigue et l’héroïne principale : la légende du minotaure et la figure de Diane chasseresse. Mais c'est par rapport à Rome que le phénix prend son sens, comme aussi d’autres références culturelles : la fameuse expression du poète satirique Juvénal panem et circenses, « du pain et des jeux (de cirque) »12, les cruels et sanglants combats de gladiateurs dans l’amphithéâtre, la révolte des esclaves conduite par Spartacus. C'est justement dans cette civilisation que le mythe du phénix s'est développé en se dédoublant : au Ie siècle de notre ère, d'une part, il devient sur les monnaies un emblème impérial, en concurrence avec l’aigle de Jupiter, comme annonçant l’heureux renouvellement des temps13, le début d'un cycle ; d'autre part les chrétiens l’adoptent comme preuve de la réalité de la résurrection des corps et le représentent sur les mosaïques de leurs églises14.

Le phénix est invisible dans l’œuvre de S. Collins : il n'y est jamais mentionné, mais il y est présent dans plusieurs figures, sous forme d'animal, sous forme de personnages et sous forme de symbole. Les couvertures et les affiches des livres et des films montrent un oiseau imaginaire inventé par l’auteur, le mockingjay, hybride de l’oiseau moqueur (mockingbird) et du geai bleu (blue jay), mais le titre du second tome comporte explicitement le mot « feu », l’élément indissociablement lié au phénix aujourd'hui15 : Catching Fire, littéralement « Prendre feu », d'où le titre français : L’Embrasement. De fait, l’héroïne porte des costumes de flammes et elle ressuscite, au moins figurativement, comme la créature antique. Mais par un nouveau symbolisme, cependant déjà présent chez J. K. Rowling, ce phénix incarne la lutte contre le mal et la victoire sur lui, qui permet l’avènement d'une nouvelle ère, censée être meilleure. L’oiseau est donc ici rebelle au pouvoir tyrannique en place, ce qui est une subversion révolutionnaire de l’ancien emblème officiel de l’empire romain. L’animal inoffensif et pacifique de la légende, qui était sans histoire ni action sur le monde, n'apparaissant tous les cinq cents ans que pour manifester la régénération cyclique de ce dernier, se transforme en guerrier qui fait l’histoire.

Cette image sous-jacente du phénix dans la série a certes été perçue, mais jamais analysée en profondeur. Nous étudierons la présence de cet invisible oiseau dans les animaux et les objets : mockingjay et broche de Katniss Everdeen, dans les noms, costumes et caractères des héros : Katniss, mais aussi Finnick Odair, et l’emploi de ce nouvel emblème pour signifier la quête révolutionnaire de justice et de liberté face à l’aigle insigne de la tyrannie du régime de Panem, dans une guerre des symboles ailés.

1. L’oiseau phénix et le Mockingjay

S’il n'y a pas nommément de phénix dans The Hunger Games, un oiseau y joue un rôle capital, le mockingjay, croisement improbable d'un oiseau moqueur, le mockingbird, créature réelle et familière, connue pour la variété de son chant16 et son talent d’imitateur, avec un robot appelé jabberjay, « le geai qui jacasse », créé par le pouvoir pour espionner le peuple en enregistrant ses conversations :

Jabberjays are a type of muttation that consist of all male birds that were created in the Capitol labs to spy on enemies and rebels of the Capitol. Jabberjays had the ability to memorize and repeat entire human conversations, and were used as spies, to gather words and information from the rebels.17

Un mockingbird ou oiseau moqueur
Un mockingbird, ou oiseau moqueur, Mimus polyglottes, © Wikimedia commons

 

C’est un hybride assez invraisemblable18, mais là n’est pas la question. Sa seule existence prouve l’échec du régime à contrôler ses machines qui lui ont échappé et se sont dénaturées – ou plutôt ressourcées dans la nature. Ce nouvel animal nargue le Capitole, d'où la première partie de son nom, qui fait penser en France au « merle moqueur » de la chanson de Jean-Baptiste Clément Le Temps des cerises, devenue l’hymne de l’insurrection de la Commune de Paris en 187119.

Quand nous chanterons le temps des cerises,

Et gai rossignol, et merle moqueur

Seront tous en fête !

Les belles auront la folie en tête

Et les amoureux, du soleil au cœur !

Quand nous chanterons le temps des cerises,

Sifflera bien mieux le merle moqueur !

Le choix de l’appellation mockingjay est peut-être d'abord un hommage à un célèbre roman américain de 1960, To Kill a Mockingbird de Harper Lee, qui a obtenu le Prix Pulitzer en 1961 et est devenu un ouvrage classique iconique, adapté au cinéma en un film oscarisé et au théâtre. L’oiseau y est le symbole de l’innocence.

“I'd rather you shoot at tin cans in the back yard, but I know you'll go after birds. Shoot all the blue jays you want, if you can hit ‘em, but remember it's a sin to kill a mockingbird.” That was the only time I ever heard Atticus say it was a sin to do something, and I asked Miss Maudie about it. “Your father’s right,” she said. “Mockingbirds don’t do one thing but make music for us to enjoy. They don’t eat up people’s gardens, don’t nest in corncribs, they don’t do one thing but sing their hearts out for us. That's why it’s a sin to kill a mockingbird.” 20

La créature nouvelle est un petit oiseau d’allure assez quelconque, et seule sa faculté d'imitation rend son chant remarquable. Elle est pourtant une figure du phénix, même si physiquement elle est a priori à l’opposé de ce dernier, décrit comme un rapace rouge et or par l’historien grec Hérodote21 et dont les poètes ont fait un roi de la gent ailée aux magnifiques plumage et ramage22. Cependant, si ce mockingjay porte la crête du geai bleu, la crête est aussi un des attributs du phénix, empruntée au coq, roi de la basse-cour23.

Ce mockingjay-phénix est surtout présent dans l’œuvre non en chair et en plumes, mais sous la forme d'une broche portée par l’héroïne : s'inscrivant dans un cercle, il tient une flèche en son bec. La flèche n'a rien à voir avec le phénix, elle renvoie à l’arme favorite de l’héroïne Katniss en tant qu'archère ou sagittaire : ce que signifie son prénom, nous le verrons. On sait qu’elle braconne avec un arc pour nourrir sa famille, avant de l’utiliser en tant qu’arme de guerre. Le cercle de la broche a été interprété comme une cible (nous le dirons plus loin), puisque la jeune fille est victime des attaques du pouvoir. Mais, contrairement à la flèche, le cercle fait sens par rapport à la légende et à l’iconographie du phénix. Oiseau solaire, il porte en Égypte le disque de l’astre sur la tête, tandis qu'à Rome, il se perche sur le globe terrestre pour le dominer, tout en étant inscrit dans le cercle d'une monnaie et parfois aussi dans celui du zodiaque24.

Dans la trilogie, le bijou, doré quoique terni par le temps, prend la seconde couleur du phénix : le rouge, quand son dessin est montré tagué par les rebelles sur les murs de la capitale. L’héroïne l’aperçoit brièvement par la fenêtre du train dans lequel elle y arrive. Ce bijou est donné à Katniss par son amie Madge25, fille du maire du District, comme un talisman : c’est pourquoi son styliste Cinna le glisse dans ses vêtements au moment des premiers jeux auxquels elle participe. Or, les Anciens faisaient rimer phoenix avec felix, « heureux, chanceux », car ils lui conféraient superstitieusement un pouvoir de porte-bonheur26.

Dans son évolution graphique sur les couvertures et les affiches des livres et films de la saga, on constate que le livre I est noir comme la misère de l’oppression et de la famine, avec la broche de Katniss en signe d'espoir ; le livre II est rouge comme le feu de la guerre, le cercle est une cible, et Katniss la victime désignée ; le livre III montre le bleu du ciel diurne, le cercle qui enfermait l’oiseau comme une cage a disparu, il est libre. C’est que le cercle vicieux des jeux de la faim cycliques est enfin brisé. Dans les rééditions, les mêmes couleurs sont employées avec une légère différence, et les couvertures des DVD montrent plus clairement un oiseau de feu27. Les titres anglais des tomes II et III associent d'ailleurs explicitement le feu et un oiseau : Catching Fireet Mockingjay, mais ce lien étroit disparaît dans la traduction française — L’Embrasement et La Révolte.

L’interprétation de cette image peut cependant diverger selon la culture et les goûts du lecteur ou spectateur : certains fans voient dans le cercle l’anneau d’or magique et convoité du roman de Tolkien Le Seigneur des Anneaux. De fait, comme l’auteur des images des couvertures, l’illustrateur Tim O'Brien, le raconte, « le cercle à l’arrière-plan a d'abord été conçu comme une horloge, puis un anneau de feu, avant d'évoluer en cible ».28

2. Les personnages phénix : noms, costumes et caractères

2.1. Katniss Everdeen

Le nom de Katniss Everdeen n'a rien à voir avec le phénix éternel, bien qu'il contienne le mot « toujours », en anglais ever. Suzanne Collins a indiqué elle-même sa provenance et référence : elle a dit avoir tiré ce nom d'un personnage de Thomas Hardy, Bathsheda Everdene, dans Far from the Madding Crowd (1874)29. Pour le prénom, katniss est l’appellation populaire d'une plante aquatique comestible, la Sagittaria, ou « tête de flèche ». De fait, l’arc est l’arme favorite de la jeune femme, à la chasse, puis à la guerre. Ce prénom la définit comme une Diane chasseresse. De plus, « tirer une flèche » peut se dire en anglais aussi bien fire an arrowque shoot an arrow, et elle tire parfois des flèches enflammées ou explosives.

Sa première apparition comme « la fille en feu » au livre I n'est pas explicitement liée au phénix, mais au charbon, en tant que tribut du District douze, la région minière dont elle est originaire, même si l’héroïne se décrit elle-même comme solaire, tel le phénix oiseau sacré du soleil dans les flammes de son apothéose : « Le moindre mouvement donne l’impression que je suis enrobée dans des langues de feu. Je ne suis pas jolie. Je ne suis pas belle. Je suis éblouissante comme un soleil. »30 Cependant, quand elle porte une robe de feu et étend des ailes lors d'un show télévisé, on lui dit : « You are the mockingjay ». Elle devient alors visiblement le phénix et le chef de la rébellion défiant le gouvernement31.

Le numéro douze de son District32 entre d'ailleurs aussi en résonance avec le mythe ancien de l’oiseau, qui symbolisait le retour de l’année solaire de douze mois, soit le nouvel an égyptien à la survenue de la crue du Nil, soit la grande année astronomique des savants, sothiaque ou autre33 ; dans l’iconographie, son nimbe comporte souvent douze rayons solaires. Ce chiffre sacralisé se rencontre dans bien des croyances astrologiques et religieuses, des douze signes du zodiaque et des douze dieux olympiens aux douze tribus d'Israël et aux douze apôtres du Christ. Autre référence chrétienne : un des deux jeunes héros amoureux de Katniss, Peeta Mellark (dont le nom est en partie celui d'un oiseau : lark, « alouette »), un fils de boulanger, porte un prénom qui renvoie, a-t-on dit, non seulement à la galette grecque homophone pita, mais encore à Peter, « Pierre », compagnon du Christ, un des apôtres et le successeur désigné34. Au début de l’histoire, Peeta offre du pain à Katniss, ce qui, au-delà de l’allusion interne immédiate à la question fondamentale de la nourriture dans l’intrigue des « Jeux de la faim » et à la capitale de l’empire Panem, évoque la pratique chrétienne du partage du pain qui est aussi le corps du Christ dans le mystère de la transsubstantiation pendant la sainte communion. Le couple Katniss et Petaa figure donc une sorte de phénix messianique à deux têtes35, l’entité par qui adviendront le salut et la renaissance, mais un phénix profane puisqu'il n'y a pas de religion dans le monde de The Hunger Games, ni d'ailleurs de phénix dans la Bible36. Des galettes sont estampillées par leurs partisans de l’image du mockingjay comme l’hostie consacrée peut être frappée de la croix37. Mais la caractérisation psychologique des personnages n'est pas pour autant manichéenne : Peeta est ambivalent, à la fois initialement une figure de Pierre, bras droit et successeur désigné de Jésus, et temporairement une figure du traître Judas, puisque, drogué par le pouvoir, il se retourne contre Katniss et cherche à la tuer avant de recouvrer ses esprits.

Un autre rapport, certes moins évident, peut d'ailleurs être établi entre le phénix et la nourriture : son ancêtre égyptien le bénou, héron cendré du Nil, est le hiéroglyphe du débordement annuel du grand fleuve et de la profusion des récoltes alimentaires qu'il engendre, sous le nom de « héron de l’abondance », accompagnant le dieu de la crue Hapy, à rapprocher de la cornu copia, la « corne d'abondance » gréco-romaine qui, dans la saga, s'offre aux participants des jeux comme source d'aide matérielle38.

Enfin, tel le Christ et tel l’oiseau mythique, Katniss semble mourir dans le dernier livre de la série, mais revient à la vie, grâce à son gilet pare-balles et elle reçoit des greffes de peau pour soigner ses brûlures. Mais elle ne prône ni l’amour, ni la paix : c’est une guerrière dont les combinaisons moulantes qu'elle porte dans les films évoquent aussi l’ambivalente héroïne de science-fiction Jean Grey, dans la Dark Phoenix Saga (« La Saga du Phénix noir ») des Marvel Comics, qui passe du vert au rouge quand son pouvoir surnaturel se déchaîne, puis au noir quand il devient maléfique. Symboliquement, le rouge et le feu de Katniss s'opposent évidemment à la glaciale blancheur du président Snow, couleur de la neige et de ses roses favorites.

2.2. Finnick Odair

Le phénix est en principe unique, mais la figure de l’oiseau légendaire se dédouble dans The Hunger Games, également revêtue par un autre personnage, masculin : Finnick Odair39, même si l’on peut voir aussi en lui un Ulysse, un Ganymède et un Orphée40. Bien qu'il soit du signe de l’eau de par son District, celui du poisson, de par son arme : un trident qui en fait un Poséidon-Neptune face à Katniss Artémis-Diane, et de par sa mort par noyade. La première syllabe de son prénom, fin-, est un mot qui désigne la « nageoire » du poisson (ou la « palme » du plongeur) en anglais41. Comme le phénix, le poisson est un symbole animal du christianisme, le plus ancien attesté : son nom grec ichthuscorrespond aux lettres initiales de l’expression « Jésus-Christ fils de Dieu sauveur », il est donc l’acronyme de Ἰησοῦς Χριστός Θεοῦ υἱός σωτήρ, Iésous Khristos théou uios sôter42.

" ΙΧΘΥΣ " — " ἰχθύς "
" ΙΧΘΥΣ " — " ἰχθύς ", © Wikimedia commons

 

Mais le nom Finnick, d'origine anglaise, qui signifie sans doute « ferme des marais » (fenwick)43, possède également une consonance et une graphie homophone et homonyme de « phénix ». Un grand auteur de langue anglaise, James Joyce, avait déjà joué de l'homophonie d'une part entre le mot phénix et un nom d'homme, d'autre part entre le nom de l'oiseau de feu et un mot évoquant l'eau. Dans son œuvre Finnegans Wake44, au titre inspiré d'une chanson irlandaise à boire du milieu du XIXe siècle dont le héros tombé d'une échelle ressuscite quand on l'arrose de whisky, se rencontrent les personnages Tim Finnegan et Finn Mac Cool, et un lieu historique portant le nom de l'oiseau : le Phoenix Park de Dublin. Dans ce dernier cas, phoenix résulte de la mauvaise compréhension du mot irlandais fiunishgue, translittéré en feenisk, désignant une source, littéralement « eau claire »45.

Finnick Odair est lui aussi associé à une sorte de résurrection : celle de Peeta, auquel il fait du bouche à bouche et un massage cardiaque dans le tome II – alors que Katniss n'a pu ressusciter la jeune Rue au livre I.

Le personnage meurt au combat, après une vie de malheurs : il n'aura pas été un phoenix felix, ou bien il l’aura été très peu de temps, sur la fin de sa vie. Mais il laisse une épouse, Annie Cresta. On peut voir en son nom la « crête » d'une vague46. Nous y voyons plutôt la fille à la « crête », crista en latin, une crête qui est un des attributs du phénix, et peut-être même « la Christ », en tant que féminin phonétique de Chrestos, « le Christ » en latin47. Enceinte, elle mettra au monde un fils (pas une fille), conçu par son mari, c’est-à-dire un autre lui-même, un petit Finnick, comme dans le mythe de l’oiseau. Le père est brun, mais la mère et l’enfant sont tous deux roux, une couleur de cheveux certes fréquente chez les Anglo-Saxons, mais qui mêle le rouge et l’or du phénix – Jean Grey le Phoenix a d'ailleurs également une chevelure rousse flamboyante, qui s'enflamme quand elle mute. Outre, Katniss et Peeta à la toute fin de la trilogie, Finnick est le seul des protagonistes à devenir parent.

Le nom de Finnick est donc tout aussi programmatique que celui du personnage de Sénèque qui est contraint par le déterminisme de sa dénomination-même au suicide : la famille Odair est pour ainsi dire un phénix en trois corps, avec un arrière-plan vaguement réminiscent du christianisme.

3. La guerre des symboles ailés : le phénix contre l’aigle

L’oiseau est généralement synonyme de liberté de par sa faculté d'envol, et l’invisible phénix de The Hunger Games prend aussi cette valeur, puisque le combat de la rébellion menée par Katniss a pour but de libérer le pays de la tyrannie du Capitole. L’idée n'est pas nouvelle car on trouve déjà dans la saga Harry Potter, en plus d’un réel oiseau phénix nommé Fawkes (Fumseck en français)48, un « Ordre du Phénix », cette confrérie de bons sorciers en lutte pour sauver le monde de la menace du malfaisant Voldemort. Le concept est d’ailleurs emprunté à de vrais ordres chevaleresques ou honorifiques des derniers siècles, en Allemagne et en Grèce ; le phénix était dans ces cas un avatar de l’antique aigle romain qui se retrouve dans l’héraldique de bien des empires.

Mais il faut attendre le XXe siècle pour voir un phénix au combat, tel Fumseck contre le monstrueux basilic au tome II du cycle de J. K. Rowling, et la saga de Collins pour le voir combattre contre un aigle capitolin également emprunté aux Romains, même si quelques poètes anciens avaient déjà montré l’oiseau légendaire comme un roi, un empereur ou un général, dans sa majesté, mais jamais en lutte49. À Rome, l’aigle et le phénix, deux rapaces, étaient tous deux des emblèmes officiels du pouvoir, l’un ancien, compagnon du souverain des dieux Jupiter, l’autre récent, lié à la divinité du soleil, mais appartenant au même camp50. En outre, la créature antique était inoffensive, presque sans contact avec les hommes, ne jouant aucun autre rôle dans le monde que celui de présage favorable par ses rares apparitions. Mais elle est devenue aujourd’hui, entre autres métamorphoses, un « sombre phénix » avec l’invention du personnage de science-fiction Jean Grey des X-Men, irradiée par une tempête solaire et possédée par une force cosmique maléfique à cause de laquelle elle commet un génocide51. Comme créature du feu, le phénix peut emprunter des traits au terrible dragon cracheur de flammes.

Dans The Hunger Games comme dans Harry Potter, un « Ordre du Phénix », implicite dans le premier opus, explicite dans le second52, fédère et incarne l’opposition au pouvoir en place, par une inversion du statut antique de l’oiseau qui trônait officiellement aux côtés de l’aigle impérial. À Panem, ce dernier rapace est bien sûr l’emblème du Capitole, à la fois le Capitole américain et le Capitole romain qui l’a inspiré, à la fois pygargue à tête blanche (bald eagle) et aquila du temple de Jupiter capitolin, des enseignes des légions romaines et des monnaies de l’empire.

L’image du mockingjay tenant une flèche dans un cercle, qu’on voit tagguée sur les murs, est donc la marque des rebelles53 et le repoussoir des armoiries de Panem montrant l'aigle tenant, comme à Rome, les foudres jupitériens dans une couronne non pas de lauriers, mais d'épis de blé, pour rappeler le pain signifié par le nom de la capitale et l’importance primordiale de la question de la nourriture dans l’histoire. Les deux oiseaux sont cependant liés par un destin commun car le feu du phénix se propage.

Pour conclure, l’invisible phénix de The Hunger Games tire ses origines de diverses sources, antiques et modernes. La saga montre la connaissance qu'a l’auteur des humanités classiques autant que des œuvres de divertissement d'aujourd’hui54, et elle révèle son talent à exploiter le potentiel créatif d’un mythe toujours en expansion.

Le phénix de Suzanne Collins se reconnaît sous les espèces du mockingjay, emblème de la rébellion et au premier chef de son instigatrice d'abord involontaire, l’héroïne, la « fille en feu » qu'il symbolise. « L’association toujours plus étroite entre Katniss Everdeen et cette espèce hybride bio-modifiée d’oiseaux thématise des questions centrales de la théorie posthumaine, plus particulièrement le flou des frontières des espèces et les dangers potentiels pour la société posés par la technologie avancée »55. Mais nous voyons aussi un phénix dans le personnage secondaire Finnick Odair, membre de l’« Ordre du Phénix » implicite qui se forme autour de Katniss comme autour de Harry Potter chez J. K. Rowling.

L’oiseau s’oppose ici à l’aigle officiel du Capitole, dont il était un emblème complémentaire, et non antagoniste, dans la Rome antique. Il possède aussi un discret arrière-plan chrétien, comme au temps de Rome, malgré l’absence de toute référence directe à la religion dans la saga, autour des thèmes du leadership charismatique et surtout de la résurrection, au sens propre ou au sens figuré.

Il est iconographiquement associé, mis à part la flèche (qui ne fait pas sens par rapport à lui), au cercle, attribut réminiscent du disque solaire égyptien d’une part, du globe terrestre, du zodiaque et des monnaies romaines d’autre part, qui célébraient le retour cyclique d'un âge d'or (saeculum aureum). Il est ainsi associé à la lumière du jour, au feu, au pouvoir, au renouveau des temps et à l’héraldique.

Son principal attribut, les flammes, se trouve littéralement sur les costumes du personnage principal montré comme un charbon ardent qui s'embrase, et figurativement dans son mouvement de révolte, un feu qui couve, qui gronde et qui éclate. C'est alors un phénix destructeur, tel celui de Jean Grey, le Phénix Noir (Dark Phoenix), dans les X-Men, mais ici pour la bonne cause, et il est finalement vainqueur et salvateur, comme l’est l’oiseau Fumseck dans Harry Potter.

L’œuvre de Suzanne Collins a sans doute elle-même inspiré la trilogie au bien moindre succès d'Elisabeth Richards, destinée à un public identique et où les allusions au phénix sont explicites : l’animal donne son nom au tome II56. Pas d'oiseau pourtant, mais un jeune vampire, appelé Ash Fisher,ce qui se comprend comme « Cendre Pêcheur » ou « pêcheur de cendre », même si « Ash »est donné comme le diminutif du prénom Ashton. Le héros est donc placé sous les mêmes signes que Katniss et Finnick : le feu et l’eau, ou bien le phénix et le poisson, en des contraires encore associés comme ils l’étaient pour les chrétiens. De même que la créature mythique, Ash est brûlé ; de même qu'un gladiateur révolté ou un condamné à mort romain, il est crucifié ; de même que le Christ, il ressuscite, ce qui lui vaut le surnom explicite de Phoenix au livre III, tandis que le prénom de la jeune fille qu'il aime évoque le thème de la naissance : Nathalie, de l’adjectif latin natalis. Chef des rebelles lui aussi, Ash utilise un canal radio nommé Firebird « oiseau de feu ». Et pour la bataille finale, il est suivi par les seuls douze compagnons qui lui restent, pour ainsi dire ses apôtres.

Pour revenir à The Hunger Games, la présence subtile d'un phénix en filigrane sous plusieurs formes et à plusieurs niveaux de lecture a-t-elle été perçue par le jeune public destinataire de l’œuvre comme elle l’est par le lectorat cultivé, celui qui a fait des études classiques et possède quelques notions de grec et de latin, telle Suzanne Collins elle-même, passionnée de mythologie dès l’enfance57 et dont le père, un Lieutenant-Colonel, avec un doctorat en Sciences politiques58, possédait dans sa bibliothèque et lui lisait les Vies parallèles des hommes illustres de Plutarque ?

I was such a huge Greek mythology geek as a kid, it’s impossible for it not to come into play in my storytelling. (...) [I had] a fascination with the gladiator movies of my childhood, particularly Spartacus. Whenever it ran, I’d be glued to the set. My dad would get out Plutarch’s Lives and read me passages from « Life of Crassus », since Spartacus, being a slave, didn’t rate his own book.59

Ou simplement le public qui a une certaine culture générale, puisque le phénix est devenu omniprésent dans notre monde actuel, en dehors même de la littérature ?

Si le guide pour les fans de V. Arrow fait l’impasse sur cet oiseau60, celui de Valerie Estelle Frankel y renvoie dans ses chapitres sur la mythologie et les noms des personnages. Elle y indique judicieusement que Katniss, d'abord transformée en phénix à son insu et à sa surprise par son styliste Cinna, finit par assumer cette image et ce rôle.

By the third book (...), she begins to claim her role as not only Mockingjay, but the embodiment of flame. She brings down the Capitol’s soldiers with flaming and explosives arrows, and then announces to the camera : “If we burn, you burn with us” (M 106). She becomes a leader fot the rebels, surrounded by the flames of war. When she's severely burnt at the end of Mockingjay, she retreats into dream, into madness, into a cocoon of silk where she feels she 's undergoing a metamorphosis. (...) Fire transforms everything it touches, from ceramic to metal. The mythical phoenix dies in a burst of flame and then is reborn, strong and vibrant. In this way, the fire transforms Katniss with “feathers of flames”, as she imagines them, growing from her body (M348). (...) She also sees that Peeta has gone through his own torment by fire and that they have become the same. In time, she reemerges as a grown woman, one ready to face District Twelve and the love that's waiting here.61

Sur les blogs en ligne, les remarques des fans concernent surtout la crédibilité ou l’originalité de l’intrigue, mais il est certain que le rapport avec le mythe du phénix a vite été établi.

Third thing I would like to point out is Peeta's and Katniss's outfits forthis institution. Again they are put into a fiery outfit and I believe it is a very obvious reference to the phoenix, which is a bird of lore, a fiery bird who rises again from the ashes, and the phoenix is a symbol of death and rebirth, it is a symbol of transformation and that is what Peeta and Katniss are here in their valiance to do, to be a symbol of transformation and revolution. Fire is a hugely powerful symbol, and it is a symbol of action and because of that, I think this will resonate because people are starting to wake up and understand the world they are living in is in the process of radical change. I mean, it is the beginning of a whole new century.62

Ainsi, dans le nouveau genre littéraire de la fan fiction, un concours a été rapidement ouvert sur Internet pour imaginer une suite à la trilogie The Hunger Games, un quatrième volet, précisément sous le titre de Phoenix63.

Ce n'est cependant pas une suite ; Suzanne Collins a publié en mai 2020 : The Ballad of Songbirds and Snakes (littéralement « La ballade des oiseaux chanteurs et des serpents »). Sur sa couverture se voit une nouvelle variante de l’oiseau et de son cercle. Comment ce serpent et cet oiseau tournés dans des directions opposées pourraient-ils ne pas faire penser aux deux symboles et mascottes antagonistes des « maisons » de l’école de Poudlard chez J. K. Rowling : celle des Slytherin « Serpentard »,menée par Draco Malfoy, c'est-à-dire le « dragon (autre créature du feu) de mauvaise foi », et celle de Harry Potter aux couleurs rouge et or : Gryffindor « Gryffondor », c'est à dire « griffon d'or », cet animal ayant le corps d'un lion, la tête et les ailes d'un aigle64, et qui est dans l’œuvre un autre avatar du phénix, incarnation du Bien en lutte contre le Mal ?

C'est ce qui a été logiquement supposé entre la publication anticipée de la couverture dès 2019 et celle du roman en 2020. Pourtant l'auteur a détrompé l'attente65 car cette supposition se révèle fausse : oiseau et serpent sont dans le nouvel opus les deux faces d'un même personnage, l'héroïne Lucy Gray Baird66. Si ses deux premiers noms sont tirés d'un poème anglais67, le second est homonymique de la X-woman Jean Grey, non de son côté sombre de Dark Phoenix, mais du côté de la « lumière » solaire du jour grâce au prénom issu du latin lux, lucis, féminin. Pour la prononciation et l'orthographe de son troisième nom, qui fonctionne comme le cognomen des tria nomina romains (c'est-à-dire le surnom, faisant suite au prénom et au nom de famille dans le groupe de trois noms portés par les citoyens à Rome) : Baird, qui est certes anciennement attesté en Écosse68 il renvoie autant à bard, « le barde » (son sens premier probable) qu'à bird « l'oiseau ». Si l'on y voit un mot-valise, il s'agit d'un « bardoiseau », et, de fait, le personnage est une chanteuse appartenant à un groupe de spectacles plus ou moins familial appelé Covey, c'est-à-dire « une compagnie d'oiseaux en vol »69. Lucy a un amour particulier pour les mockingjays qu'elle ne veut voir ni chasser ni tuer. Mais, comme charmeuse de reptiles, la jeune femme évoque également pour l'Antiquité une déesse aux serpents d'époque minoenne en Crète, le pays de ce labyrinthe qui a largement inspiré l'intrigue de la trilogie. Cette divinité était peut-être une forme de la potnia thèrôn grecque, « maîtresse des bêtes sauvages ». Les représentations les montrent toutes deux vêtues d'une longue jupe volantée et/ou bariolée comme celle de Lucy, la dernière ailée, la première brandissant un serpent dans chaque main70. Cet animal possède plusieurs symbolismes anciens, positifs autant que négatifs, dont celui d'incarner le renouveau, comme le phénix, puisqu'il mue, quittant son ancienne peau pour en revêtir une nouvelle71. Le serpent se révèle être l'arme fatale de Lucy, utilisé à la fois contre ses compétiteurs dans l'arène pendant les Jeux et peut-être aussi — le récit est volontairement elliptique sur ce point — contre le jeune Coriolan Snow, son mentor et partenaire devenu son adversaire. La jeune femme disparaît à la fin du roman sans que l'on sache si elle est morte ou vivante. Quoiqu'il en soit, Lucy, rattachée également au District Douze, préfigure bien sûr Katniss Everdeen qui en sera une sorte de réincarnation, nouveau phénix réapparaissant dans les flammes pour renverser le président Snow et son régime dictatorial au bout d'un cycle de 75 ans72.

Potins Theron
Statuette de la Potnia theron, « Maîtresse des animaux sauvages », Crète, Palais de Knossos, vers 1600 avant J.-C., © Wikimedia commons

 

Bibliographie

  • ARROW V., The Panem Companion An Unofficial Guide to Suzanne Collins' Hunger Games, from Mellark Bakery to Mockingjays, Dallas, BenBella Books, 2012.
  • BEHAGHEL-DINDORF Anne, « Le Basilic et le Phénix de l’Antiquité à Harry Potter »Le Symbolisme des animaux : l’animal, clef de voûte de la relation entre l’homme et la nature ? - éd. Edmond Dounias, Elisabeth Motte-Florac, Margaret Dunham, Paris, IRD, 2007, p. 425-458.
  • BROOKS Jeffrey, The Firebird and the Fox. Russian Culture under Tsars and Bolsheviks, Cambridge University Press, 2019.
  • BYRNE Deirdre, “Dressed for the Part : An Analysis of Clothing in Suzanne Collins's Hunger GamesTrilogy”, Journal of Literary Studies, 31. 2, 2015, p. 43-62.
  • COLLINS Suzanne, trilogie The Hunger Games, Catching Fire, Mockingjay, New York, Scholastic Press,2008, 2009 et 2010. Traduction française de Guillaume Fournier : Hunger Games, L’Embrasement, La Révolte, Paris,Pocket Jeunesse, 2009, 2010 et 2011.
  • COLLINS Suzanne,The Ballad of Songbirds and Snakes, New York, Scholastic Press, 2020. Traduction française de Guillaume Fournier : La Ballade du serpent et de l'oiseau chanteur, Paris,Pocket Jeunesse, 2020.
  • DANIÉLOU Jean, Les Symboles chrétiens primitifs,Paris, Éditions du Seuil, 1996.
  • DIÉNY Jean-Pierre, « Le Fenghuang et le Phénix », Cahiers d'Extrême-Asie, 5, 1989, p. 1-13.
  • FRANKEL Valerie Estelle, Katniss the Cattail : An Unauthorized Guide to Names and Symbols in The Hunger Games, Buchanan NY, LitCrit Press, 2012.
  • FRANKEL Valerie Estelle,Superheroines and the Epic Journey : Mythic Themes in Comics, Film and Television, Jefferson (NC), McFarland, 2017.
  • GUANIO-ULURU Lykke,« Katniss Everdeen’s Posthuman Identity in Suzanne Collins’s Hunger Games Series : Free as a Mockingjay ? »,Jeunesse : Young People, Texts, Cultures 9.1, 2017, p. 57-81.
  • KING Sharon D., « (Im)Mutable Natures : Animal, Human, and Hybrid Horror »,Of Bread, Blood, and theHunger Games, ed. Mary F. Pharr and Leisa A. Clark, Jefferson (NC), McFarland & Company, 2012, p. 108-117.
  • LE CALLET Blandine, Le Monde antique de Harry Potter, Paris, Stock, 2018.
  • LECOCQ Françoise, « L’Empereur romain et le Phénix », Phénix : mythe(s) et signe(s), éd. Silvia Fabrizio-Costa, Bern, Peter Lang, 2001, p. 27-56.
  • LECOCQ Françoise, « Le Renouveau du symbolisme du phénix au XXe s. », Présence de l’Antiquité grecque et romaine au XXe s., éd. Rémy Poignault, Tours, Centre Piganiol, 2002, p. 25-59.
  • LECOCQ Françoise, « L’Iconographie du phénix à Rome », Schedae 6.1, 2009, p. 73-106 ()
  • LECOCQ Françoise, « Le phénix dans l’œuvre de Claudien : la fin d'un mythe. Pour une lecture politique du phénix : quelques arguments », Claudien. Mythe, histoire et science, éd. Florence Garambois-Vasquez, Saint-Étienne, Presses universitaires, 2011, p. 113-157.
  • LECOCQ Françoise,« ‘Le sexe incertain du phénix’ : de la zoologie à la théologie », Le phénix et son Autre. Poétique d'un mythe des origines au XVIe siècle, éd. Laurence Gosserez, Rennes, Presses universitaires, 2013, p. 187-210.
  • LECOCQ Françoise, The Dark Phoenix. Rewriting an Ancient Myth in Today’s Popular Culture,Ancient Myths in the Making of Culture,ed. MalgorzataBudzowska and JadwigaCzerwinska, Bern, Peter Lang, 2014, p. 341-354.
  • LECOCQ Françoise, « Y a-t-il un phénix dans la Bible ? À propos de Job 29 : 18, de TertullienDe resurrectione carnis 13, et d’Ambroise, De excessu fratris 2, 59 », Kentron 30, 2014, p. 55-82.
  • LECOCQ Françoise,Inventing the Phoenix. A Myth in the Makingthrough Wordsand Images”, Animals in Greek and Roman Religion and Myth, ed. Patricia A. Johnston, Attilio Mastrocinque and Sophia Papaioannou, Cambridge, Cambridge Scholars Publishing, 2016, p. 449-478.
  • LECOCQ Françoise, « Les premières peintures du phénix, à Pompéi », Actes du XXIXe colloque de l’Association française pour la peinture murale antique, éd. Julien Boislève, Alexandra Dardenay et Florence Monier, Bordeaux, Ausonius, 2019, p. 277-294.
  • LECOCQ Françoise, « Deux faces du phénix impérial : Trajan et Hadrien sur l’aureusde 117/118 », Mémoires de Trajan, mémoires d'Hadrien, éd. Stéphane Benoist, Alban Gautier, Christine Hoët-Van Cauwenberghe et Rémy Poignault, Lille, Presses Universitaires duSeptentrion, 2020, p. 57-70.
  • LECOCQ Françoise, « L’Oiseau couleur du temps : le symbolisme chronologique du mythe du phénix, de l’Égypte ancienne à la Rome païenne et chrétienne », 2020.
  • LECOCQ Françoise, « Les réinterprétations textuelles et iconographiques des attributs du phénix, de l'Égypte à Rome », in Images sources de textes, textes sources d'images, Yona Dureau éd., Les Ulis, EDP Sciences, 2020, p. 63-80.
  • LECOCQ Françoise, « Le Mythe du phénix dans la littérature de fantasy pour enfants »,Cahiers Robinson 49 Littérature enfantine de Fantasy, Marie-Lucie Bougon, Justine Breton et Amelia Timoner éd., Artois Presses Université, 2021, à paraître.
  • IOI Anthony, Bert versus the Black Phoenix : An Introduction to Convergence and Ecomedia, Ecomedia : Key Issues, ed. Stephen Rust, Salma Monani, and Sean Cubitt, New York, Routledge, 2015, p. 165-175, fig. 9.1.
  • MAKINS Marian,« 'Written in a Language called Latin about a Place called Rome'. Réception de l’Antiquité et résistance dans la trilogie Hunger Games »L’Antiquité dans l’imaginaire contemporain : Fantasy, science-fiction, fantastique, éd. Mélanie Bost-Fiévet et Sandra Provini, Paris, Garnier, 2014, p. 339-358.
  • MAKINS Marian, Refiguring the Roman Empire in The Hunger GamesTrilogy, Classical Traditions in Science Fiction, ed. Brett M. Rogers et Benjamin E.Stevens, Oxford University Press,2015, p. 280-306.
  • NIGG Joseph, The Phoenix. An Unnatural Biography of a Mythical Beast, Chicago, University of Chicago Press, 2016.
  • ROWLING Joanne K., Harry Potter and the Order of the Phoenix, London, Bloomsbury, 2013. Traduction française de Jean-François Ménard, Harry Potter et l’Ordre du Phénix, Paris, Gallimard, 2013.
  • ROWLING Joanne K., Fantastic Beasts and Where to Find Them, New York, Arthur A. Levine Books, 2017.
  • VAN DEN BROEK Roelof, The Myth of the Phoenix according to Classical and Early Christian Traditions, Leiden, Brill, 1972.
  • WELLS Jane, Bird On Fire : A Bible study for understanding The Hunger Gamesarena, Catching Fire flame and Mockingjay bird, Canton (MI), Read the Spirit, 2013.
  • ZAKAHRIA Katia, « La ‘anqâ’. Quelle place pour le phénix dans le monde arabo-musulman classique ? », Phénix : mythes et signes, éd. Silvia Fabrizio-Costa, Bern, Peter Lang, 2001, p. 116-138.
  • LECOCQ Françoise, « Les premières peintures du phénix, à Pompéi », Actes du XXIXe colloque de l’Association française pour la peinture murale antique, éd. Julien Boislève, Alexandra Dardenay et Florence Monier, Bordeaux, Ausonius, 2019, p. 277-294 — à consulter en lien.

Notes :

  1. Les prémices de cette étude ont été présentées sous le titre “Insurrection and Resurrection of the Fire Bird : the Mockingjay and the Phoenix in the Novels The Hunger Games and Black City, dans une communication à la National Conferencede la Popular Culture Association / American Culture Association (PCA/ACA), à San Diego, CA, en avril 2017.
  2. The Hunger Games, Catching Fire, Mockingjay, New York, Scholastic Press,2008, 2009 et 2010. Traduction française de Guillaume Fournier : Hunger Games, L’EmbrasementLa Révolte, Paris, Pocket Jeunesse, 2009, 2010 et 2011. Films parus en 2012, 2013 et 2014-2015.
  3. Voir Jean-Pierre Diény, « Le Feng huang et le phénix », Cahiers d'Extrême-Asie, 5, 1989, p. 1-13, lien vers l'article Feng Huang.
  4. Voir Jeffrey Brooks, The Firebird and the Fox. Russian Culture under Tsars and BolsheviksCambridge University Press, 2019.
  5. Voir Katia Zakahria, « La ‘anqâ’. Quelle place pour le phénix dans le monde arabo-musulman classique ? », Phénix : mythes et signes, éd. Silvia Fabrizio-Costa, Bern, Peter Lang, 2001, p. 116-138.
  6. Sur le mythe antique, voir Roelof Van den Broek, The Myth of the Phoenix according to Classical and Early Christian Traditions, Leiden, Brill, 1972. Sur sa postérité, voir Joseph Nigg,Phoenix. An Unnatural Biography of a Mythical Beast, University of Chicago Press, 2016, et Françoise Lecocq, « Le renouveau du symbolisme du phénix au XXe s. », Présence de l’Antiquité grecque et romaine au XXe s., éd. Rémy Poignault, Tours, Centre Piganiol, 2002, p. 25-59.
  7. Voir Françoise Lecocq, « Le mythe du phénix dans la littérature de fantasy pour enfants », Cahiers Robinson 49 : Fantasy et Enfance, dir. Marie-Lucie Bougon, Justine Breton et Amelha Timoner, à paraître en 2021.
  8. Publication en douze livres de 3 000 pages, inachevée : # 8. Hō-ō (« The Phoenix») .
  9. Voir Blandine Le Callet, Le Monde antique de Harry Potter, Paris, Stock, 2018, et Anne Behaghel-Dindorf, « Le Basilic et le Phénix de l’Antiquité à Harry Potter », Le Symbolisme des animaux : l’animal, clef de voûte de la relation entre l’homme et la nature ?, éd. Edmond Dounias, Elisabeth Motte-Florac, Margaret Dunham, Paris, IRD, 2007, p. 425-458.
  10. Créée en 1963, elle est l’héroïne de la Saga du Phénix, à partir de 1980 ; le film Dark Phoenix est paru en 2019. Voir Françoise Lecocq, The Dark Phoenix.Rewriting an Ancient Myth in Today’s Popular Culture, Ancient Myths in the Making of Culture, ed. Malgorzata Budzowska et JadwigaCzerwinska, Bern, Peter Lang, 2014, p. 341-354.
  11. Sur le mythe du phénix au cinéma, voir F. Lecocq, « Le phénix à l'écran : oiseau, machine volante, personnage et symbole », 2020, sur Odysseum.
  12. Satires 10, 81.
  13. Voir Françoise Lecocq, « L’Empereur romain et le phénix », Phénix : mythe(s) et signe(s), éd. Silvia Fabrizio-Costa, Bern, Peter Lang, 2001, p. 27-56.
  14. Voir Françoise Lecocq, « L’iconographie du phénix à Rome », Schedae 6.1, 2009, p. 73-106 (lien), et « Y a-t-il un phénix dans la Bible ? À propos de Job 29 : 18, de TertullienDe resurrectione carnis 13, et d’Ambroise, De excessu fratris 2, 59 », Kentron 30, 2014, p. 55-82 (lien).
  15. Mais pas dans l’Antiquité où se côtoient deux traditions : l’une ancienne, héritée d'Hérodote, historien grec du Vs. avant notre ère, où le phénix renaît du corps décomposé de son prédécesseur, l’autre où il renaît des flammes de son bûcher, qui se développe en milieu romain à partir du Is. après J.-C., sans doute par analogie avec les pratiques funéraires de l’époque.
  16. Le phénix originellement ne chante pas, même si les auteurs anciens lui ont tardivement attribué un chant aussi beau que celui du cygne mourant. Nous laissons donc de côté dans cet article la problématique du chant du mockingjay, très importante dans l’œuvre.
  17. « Les geais jacasseurs sont un type de mutants qui se composent de tous les oiseaux mâles créés dans les laboratoires du Capitole pour espionner les ennemis et les rebelles du Capitole. Les geais jacasseurs avaient la capacité de mémoriser et de répéter des conversations humaines entières, et étaient utilisés comme espions, pour recueillir des mots et des informations des rebelles. » Source : notre traduction (jabberjay est rendu par « geai bavard » dans la traduction de Guillaume Fournier.
  18. Voir Lykke Guanio-Uluru, “Katniss Everdeen’s Posthuman Identity in Suzanne Collins’s Hunger Games Series : Free as a Mockingjay ?”, Jeunesse : Young People, Texts, Cultures 9.1, 2017, p. 57-81, p. 66-68.
  19. Je remercie Florence Gaiotti d'avoir suggéré ce rapprochement.
  20. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, chapitre 10 : « ''Je préfèrerais que vous ne tiriez que sur des boîtes de conserves, dans le jardin, mais je sais que vous allez vous en prendre aux oiseaux. Tirez sur tous les geais bleus que vous voudrez, si vous arrivez à les toucher, mais souvenez-vous que c'est un péché que de tuer un oiseau moqueur. 'Ce fut la seule fois où j'entendis Atticus dire qu'une chose était un péché et j'en parlai à Miss Maudie.' Ton père a raison, dit-elle. Les moqueurs ne font rien d'autre que de la musique pour notre plaisir. Ils ne viennent pas picorer dans les jardins des gens, ils ne font pas leurs nids dans les séchoirs à maïs, ils ne font que chanter pour nous de tout leur coeur. Voilà pourquoi c'est un péché de tuer un oiseau moqueur." » Traduction d'Isabelle Stoianov, 1989.
  21. Histoire 2, 73 : « Je ne l’ai pas vu, sinon en peinture (...). S’il est tel qu’on le peint, voici quelles seraient sa grandeur et son apparence : les plumes de ses ailes sont les unes couleur d’or, les autres d’un rouge vif ; pour la silhouette et la taille, il ressemble de très près à l’aigle », traduction de Ph.-E. Legrand, Paris, Belles Lettres, CUF, 1937.
  22. D'Ézéchiel le Tragique (Exagogè, pièce grecque sur l’exode d'Égypte du peuple juif au temps de Moïse) à la fable Le Corbeau et le Renard de La Fontaine en passant par les grands poèmes latins sur le phénix de Lactance et Claudien aux IIIet IVs.
  23. Voir Françoise Lecocq, « Les Réinterprétations textuelles et iconographiques des attributs du phénix, de l'Égypte à Rome », Images sources de textes / Textes sources d'images, éd. Yona Dureau, Les Ulis, EDP Sciences, 2020, p. 63-80.
  24. Voir Françoise Lecocq, « Deux faces du phénix impérial : Trajan et Hadrien sur l’aureus de 117/118 »,Mémoires de Trajan, mémoires d'Hadrien, éd. Stéphane Benoist, Alban Gautier, Christine Hoët-Van Cauwenberghe, Rémy Poignault, Lille, Presses Universitaires duSeptentrion, 2020, p. 57-70.
  25. Mais par Greasy Sae « Sae Boui-Boui », vendeuse au marché noir du District 12, dans le film.
  26. Comme c'est le cas sur une peinture apotropaïque de Pompéi dont l’inscription dit « Heureux le phénix – Toi aussi ». Voir Françoise Lecocq, « Les premières peintures du phénix, à Pompéi », Actes du XXIXe colloque de l’Association française pour la peinture murale antique, éd. Julien Boislève, Alexandra Dardenay, Florence Monier, Bordeaux, Ausonius, 2019, p. 277-294.
  27. Pour les variations des images de couverture selon les pays d'édition, voir Lykke Guanio-Uluru “Katniss Everdeen’s Posthuman Identity...”, art. cit., p. 61-63.
  28. The circle in the background was first conceived as a clock, then a ring of fire, before it evolved into a targetsource.
  29. Voir en lien.
  30. The slightest movement gives the impression I am engulfed in tongues of fire. I am not pretty. I am not beautiful. I am as radiant as the sun”, tome I : Hunger Games, Paris, Pocket Jeunesse, 2009, p. 126, traduction de Guillaume Fournier.
  31. Sur les différents costumes enflammés de Katniss, voir Deirdre Byrne, “Dressed for the Part : An Analysis of Clothing in Suzanne Collins's Hunger GamesTrilogy”, Journal of Literary Studies, 31.2, 2015, p. 43-62.
  32. Les Districts étaient originellement au nombre de treize le chiffre maudit (mais aussi un clin d'oeil aux premières colonies américaines), avant la supposée destruction de l’un d'eux suite à sa révolte.
  33. Voir Françoise Lecocq, « L’Oiseau couleur du temps : le symbolisme chronologique du mythe du phénix, de l’Égypte ancienne à la Rome païenne et chrétienne », en ligne, 2020.
  34. Nous n'allons cependant pas jusqu'à y entendre l’italien pietà, « piété », avec une référence au fameux groupe statuaire de ce nom par Michel-Ange (V. Arrow, The Panem Companion An Unofficial Guide to Suzanne Collins' Hunger Games, from Mellark Bakery to Mockingjays, Dallas, Ben Bella Books, 2012, p. 224), ni l’acronyme PETA de la société de protection des animaux People for the Ethical Treatment of Animals (Sharon D. King, « (Im)Mutable Natures : Animal, Human, and Hybrid Horror », Of Bread, Blood, and the Hunger Games, ed. Mary F. Pharr and Leisa A. Clark, Jefferson (NC), McFarland & Company, 2012, p. 108-117, p. 110).
  35. L’aigle à deux têtes est un symbole très ancien dans l’héraldique : sur ce modèle, on pourrait voir une sorte de phénix dédoublé en deux corps dans le couple Katniss - Finnick (sur ce dernier personnage, voir infra).
  36. Voir Françoise Lecocq, “Inventing the Phoenix. A Myth in the Makingthrough Wordsand Images”, Animals in Greek and Roman Religion and Myth, ed. Patricia A. Johnston, Attilio Mastrocinque and Sophia Papaioannou, Cambridge Scholars Publishing, 2016, p. 449-478. Pour l'auteur chrétien Jane Wells cependant, l'oiseau est la colombe du Saint-Esprit, Katniss et Gale des figures des personnages bibliques Esther et David, etc (Bird On Fire : A Bible study for understandingThe Hunger Games arena, Catching Fire flame and Mockingjay bird, Canton (MI), Read the Spirit, 2013) ; la couverture de son livre imite celles de la saga, mais transforme le mockingjay en colombe au rameau d'olivier, sur un fond vert.
  37. Voir Sharon D. King, « (Im)Mutable Natures... », art cit., p. 114. Les passionnés ont multiplié les recettes de cookies ou crackers portant l’image du mockingjay et posté leurs photos sur Internet, à voir.
  38. Voir Françoise Lecocq, « L’Oiseau couleur du temps... », art. cit.
  39. Il ne faudrait cependant pas supposer, dans ce dédoublement du phénix entre Katniss et Finnick, une allusion à une prétendue androgynie de l’oiseau antique : c'est un mâle dans l’Antiquité, même s'il peut devenir femelle par la suite. Voir Françoise Lecocq, « ‘Le sexe incertain du phénix’ : de la zoologie à la théologie », Le phénix et son Autre. Poétique d'un mythe des origines au XVIe siècle, éd. Laurence Gosserez, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 187-210.
  40. V. Arrow,op. cit., p. 129-130.
  41. En cherchant bien, on trouve aussi dans l’Antiquité un « phénix d'eau » : c'est le nom d'un poisson de la Mer Rouge (Élien, La Personnalité des animaux, 12, 24). Nous ne supposons cependant pas que Suzanne Collins y fasse référence, bien que le texte soit facile à trouver sur Internet.
  42. Voir Jean Daniélou, Les Symboles chrétiens primitifs, Paris, Éditions du Seuil, 1996.
  43. Source. Cela nous paraît plus cohérent que de voir en ce prénom l’assemblage de l’anglais fin« nageoire » et de l’abréviation Nick du prénom Nicholas provenant du grec nik(è) laos « victoiredu peuple » (V. Arrow, op. cit., p. 226).
  44. Londres, Faber & Faber, 1939.
  45. J. Nigg, op. cit., p. 369. On trouve la graphie fionn uisce sur Wikipedia
  46. V. Arrow, op. cit., p. 207 ; Valerie Estelle Frankel, Katniss the Cattail : An Unauthorized Guide to Names and Symbols in The Hunger Games, Buchanan NY, LitCrit Press, 2012, p. 25.
  47. Ce nom est attesté dans Tacite, Annales15, 44, et Suétone, Vie des douze Césars : Claude, 25. En grec, on trouve à la fois les mots χριστός (christos), « celui qui est oint » d'une huile sacrée : le chresme, et χρηστός (chrestos ; chrestèau féminin), au sens de « bon, dévoué, bienfaisant », d'où « honnête, vertueux », et même « heureux ».
  48. Transposition de Jean-François Ménard, traducteur de l’œuvre de J. K. Rowling.
  49. Voir Françoise Lecocq, « L’empereur romain et le phénix », Phénix : mythe(s) et signe(s), éd. Silvia Fabrizio-Costa, Bern, Peter Lang, 2001, p. 27-56, et « Le phénix dans l’œuvre de Claudien : la fin d'un mythe. Pour une lecture politique du phénix : quelques arguments », Claudien. Mythe, histoire et science, éd. Florence Garambois-Vasquez, Presses universitaires de Saint-Étienne, 2011, p. 113-157.
  50. Sur les rapports entre le phénix et l'aigle, voir Jean Hubaux et Maxime Leroy, Le Mythe du phénix dans les littératures grecque et latine, Liège et Paris, Droz, 1939, p. 196-252.
  51. Voir Valerie Estelle Frankel, Super heroines and the Epic Journey : Mythic Themes in Comics, Film and Television,Jefferson (NC), McFarland, 2017, p. 203-206.
  52. Joanne K. Rowling, Harry Potter and the Order of the Phoenix,London, Bloomsbury, 2013. Traduction française de Jean-François Ménard, Harry Potter et l’Ordre du Phénix, Paris, Gallimard, 2013.
  53. Ce tag du mockingjay est sans doute la source d'inspiration d'un drapeau vu dans une récente manifestation à Washington DC (avril 2014), brandi par des opposants au projet de méga-oléoduc entre Canada et États-Unis, le Keystone XL. Il montre dans un cercle blanc sur fond noir un pélican qui cherche à s'envoler malgré le pétrole qui englue son plumage, avertissant des dangers de pollution et de marée noire : on y a vu un phénix noir. “This protest sign combines the image of real birds threatened by a petro-catastrophe with the image of a fictional bird that frees itself from a coal economy to suggest a black phoenix flying free of a pipeline dystopia.(« Ce drapeau de protestation combine l’image de vrais oiseaux menacés par une pétro-catastrophe avec l’image d’un oiseau fictif qui se libère d’une économie du charbon pour suggérer un phénix noir s'envolant libre d’une dystopie de pipeline. »).Voir Anthony Lioi, Bert versus the Black Phoenix : An Introduction to Convergence and Ecomedia, Ecomedia : Key Issues, ed. Stephen Rust, Salma Monani, and Sean Cubitt, New York, Routledge, 2015, p. 165-175, p. 170-171 et fig. 9.1 (notre traduction).
  54. Il semble que J. K. Rowling ait rendu en retour hommage au jabberjay - mockingjayde Suzanne Collins en introduisant dans la deuxième édition augmentée de son livre Fantastic Beasts and Where to Find Them (New York, Arthur A. Levine Books, 2017), un jobberknollbleu : bien sûr, il vit en Amérique du nord, et, autre clin d'oeil ? contrairement à son bavard modèle, il est silencieux, ne lançant qu'un seul cri au moment de sa mort, composé de tous les sons qu'il a entendus dans sa vie.
  55. “The ever-tighter association between Katniss Everdeen and this bio-engineered hybrid species of bird thematizes issues central to posthuman theory, most notably the blurring of species boundaries and the potential dangers to society posed by advanced technology.(Lykke Guanio-Uluru, “Katniss Everdeen’s Posthuman Identity...”, art. cit., Abstract, p. 57, notre traduction).
  56. Les volumes s'intitulent Black City (2012), Phoenix(2013) et Wings (2014), parus à New York chez G. P. Puttnam's sons - Penguin Books.
  57. À voir.
  58. À voir.
  59. Interview du New York Times en 2018.
  60. Op. cit.
  61. Op. cit., p. 67-68 : « Au troisième livre (...), elle commence à revendiquer son rôle non seulement comme Geai moqueur, mais comme incarnation du feu. Elle abat les soldats du Capitole avec des flèches enflammées et explosives, puis annonce à la caméra : 'Si nous brûlons, vous brûlez avec nous' (M 106). Elle devient chef des rebelles, entourée des flammes de la guerre. Quand elle est gravement brûlée à la fin de Geai moqueur, elle se replie dans le rêve, dans la folie, dans un cocon de soie où elle sent qu’elle subit une métamorphose. (...) Le feu transforme tout ce qu’il touche, de la céramique au métal. Le phénix mythique meurt dans un éclat de flamme et puis renaît, fort et vibrant.De cette façon, le feu transforme Katniss avec des 'plumes de flammes', comme elle les imagine, grandissant de son corps (M348). (...) Elle voit aussi que Peeta est passé par son propre tourment par le feu et qu’ils sont devenus les mêmes. Avec le temps, elle refait surface comme une adulte, prête à affronter le District Douze et l’amour qui l’y attend. » Mais pas de phénix dans Marian Makins,« 'Written in a Language called Latin about a Place called Rome'. Réception de l’Antiquité et résistance dans la trilogie Hunger Games »L’Antiquité dans l’imaginaire contemporain : Fantasy, science-fiction, fantastique, éd. Mélanie Bost-Fiévet et Sandra Provini, Paris, Garnier, 2014, p. 339-358, et Refiguring the Roman Empire in The Hunger Games Trilogy, Classical Traditions in Science Fiction, éd. Brett M. Rogers et Benjamin E. Stevens, Oxford University Press, 2015, p. 280-306.
  62. « Troisièmement, j’aimerais souligner les vêtements de Peeta et de Katniss pour cette institution. Encore une fois, on leur fait revêtir un costume de feu et je crois que c’est une référence très évidente au phénix, qui est un oiseau de légende, un oiseau de feu qui se relève de ses cendres, et le phénix est un symbole de mort et de renaissance, c’est un symbole de transformation et c’est ce que Peeta et Katniss sont ici dans leur vaillance pour accomplir, pour être un symbole de transformation et de révolution. Le feu est un symbole extrêmement puissant, et c’est un symbole d’action, et pour cette raison, je pense que cela résonnera parce que les gens commencent à se réveiller et à comprendre que le monde dans lequel ils vivent est en train de changer radicalement. Je veux dire, c’est le début d’un tout nouveau siècle », notre traduction de la vidéo de Comic Book Girl 19 (pseudonyme de Danika Lee Massey) sur Youtube,Documentary : Epic History : Catching Fire. The Hunger Games, en date du 13 mars 2014 - extrait de 14.57 m à 15.45 m.
  63. À voir.
  64. C'est cet animal qui illustre, sur fond rouge, la couverture de l’ouvrage de J. K. Rowling Fantastic Beasts and Where to Find Themprécédemment évoqué.
  65. Voir par exemple la vidéo d'une fan expliquant avec force détails, mais rétrospectivement à tort, l'antagonisme des deux animaux.
  66. Le titre français du livre met d'ailleurs les animaux au singulier : La Ballade du serpent et de l’oiseau chanteur(traduction de Guillaume Fournier, Paris, Pocket Jeunesse, 2020), pour The Ballad of Songbirds and Snakes, New York, Scholastic Press, 2020.
  67. Suzanne Collins, The Ballad of Songbirds and Snakes, p. 519 : “Lucy Gray” est le titre d'un poème de William Wordsworth publié dans ses Lyrical Ballads (volume 2) en 1800, racontant l'histoire, tirée d'un fait divers, d'une fillette disparue sans laisser de traces dans une tempête de neige.
  68. Hasard ou non, les armoiries du Baird clan représentent la tête d'un griffon, l'animal symbolique de la Maison d'Harry Potter à Poudlard, Griffondor. De plus, Lucy, like Harry Potter, (...) appears to be a parselmouth, able to talk to snakes”, « comme Harry Potter, se révèle être un Fourchelang, capable de parler aux serpents » (en lien). 
  69. Valerie Estelle Frankel ne voit pas d'oiseau en Lucy elle-même et propose pour son nom de Gray une interprétation découlant du seul poème de Wordsworth : “from winter — a parallel to Snow, emphasizing their connection”, « d'après l'hiver, un parallèle avec Snow soulignant leur connexion » (en lien, avec un lapsus révélateur sur le titre du roman dans l'adresse : battle, au lieu de ballad).
  70. Voir par exemple la célèbre statuette du musée archéologique d'Héraklion.
  71. Voir Françoise Lecocq, « L'antiquité dans La ballade du serpent et de l’oiseau chanteur de Suzanne Collins, Hunger Games », à paraître sur Odysseum.
  72. Cette prédictabilité du personnage de Lucy n'a pas été du goût de tous les critiques : “Wait. Sixty-four years before Katniss Everdeen will change the Hunger Games forever, there’s anotherscrappy girl from District 12 challenging everything that Panem has come to expect from its tributes andcapturing Coriolanus Snow’s attention ?”, « Attends. Soixante-quatre ans avant que Katniss Everdeen ne change les Jeux de la faim pour toujours, il y a une autrefille bagarreuse du District 12 défiant tout ce que Panem en est venu à attendre de ses tributs et attirant l'attention de Coriolanus Snow ? »; Another Hunger Games with another District 12 girl who also becomes a fan-favorite with another distinctive style of clothing?”, « D'autres Jeux de la faim avec une autre fille du District 12, qui devient aussi une chouchoute du public avec un autre style de vêtements distinctif ? » (Natalie Zutter, le 19 mai 2020 et Darren Franich)
Besoin d'aide ?
sur