Étude de la Lettre d’Hippocrate à Cratevas Introduction

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Dossier élaboré par :

Cécile Daude

Paulette Garret

Sylvie Pédroaréna

Brigitte Planty

sous la direction de Sylvie David

La lettre d'Hippocrate à Cratevas est complexe et difficile à interpréter dans son ensemble, mais très riche d’un point de vue pédagogique.

1) Une lettre apocryphe

Il s’agit d’une lettre « apocryphe », c’est-à-dire d’une lettre dont l’auteur est « caché » (κρύπτω, κρύφιος) ; le mot s’emploie pour un texte non authentique ou non clairement authentifié.

Les « écrits apocryphes » sont ainsi des textes attribués, à tort ou à raison, à telle ou telle autorité prestigieuse, dont l’auteur réel du texte a voulu se réclamer ; ou bien ils mettent en scène et s’efforcent de faire parler des personnages célèbres. De nombreuses œuvres apocryphes nous ont été transmises sous le nom de Platon, d’Aristote et de très nombreux écrivains ou penseurs. Il existe également dans le christianisme des textes religieux non authentifiés par l’Église, comme les Évangiles dits apocryphes.

Question : quelles motivations ont pu pousser une personne à écrire un texte sous un autre nom ? Ou sur quels critères (repères historiques, vocabulaire, langage, idées exprimées...) un texte non identifié a-t-il pu être attribué, par un copiste ou un commentateur ultérieur, à tel ou tel auteur célèbre ? Quelles sont les finalités d’un tel procédé ?

 

2) L’objet de la lettre

Dans la lettre d’Hippocrate à Cratevas, Hippocrate, qui se trouve à Abdère, demande à Cratevas, rhizotomos (herboriste), de lui envoyer des plantes médicinales pour soigner un malade.

Ce malade n’est autre que le philosophe Démocrite d’Abdère (voir plus bas sections 5 et 6), que ses concitoyens d’Abdère croient atteint de folie ; tout un groupe de lettres (n° 10 à 21) plus ou moins humoristiques, concernant l’appel à l’aide des Abdéritains (lettre 10), ainsi que la réponse et d’autres lettres attribuées à Hippocrate, nous sont parvenues sur ce sujet. L’une d’entre elles (n° 13), adressée à son ami Dionysios d’Halicarnasse (cité grecque de la côte sud de l’Asie Mineure, proche de l’île de Cos d’où Hippocrate est originaire), demande à celui-ci de venir en son absence surveiller sa maison... et sa femme (toujours sage, mais on ne sait jamais...), et de lui prêter un navire pour se rendre à Abdère (cité grecque située sur la côte thrace, donc au nord de la mer Égée, en face de l’île de Thasos). Le trajet, remontant toute la côte d’Asie Mineure, a dû être pittoresque (on pourra montrer sur une carte le trajet parcouru par Hippocrate). D’autre lettres sont adressées à l’ami qui doit accueillir Hippocrate à Abdère, Philopœmen. La lettre à Cratevas, qualifié de rhizotomos (« coupeur de racines », c’est-à-dire ici herboriste et connaisseur en plantes médicinales), sollicite l’envoi urgent des plantes peut-être nécessaires à la guérison de Démocrite. Selon les biographes ou commentateurs anciens d’Hippocrate (notamment le médecin Soranos d’Éphèse), la rencontre entre Hippocrate et Démocrite eut lieu sous un platane, près d’un ruisseau (comme dans le Phèdre de Platon), où Hippocrate trouva Démocrite entouré de livres et de bêtes qu’il avait disséquées ; le philosophe était en train de rédiger un traité... sur la folie :

« Le médecin et le philosophe ne se connaissaient auparavant que de réputation. Après cette rencontre, ils eurent l’un pour l’autre une grande estime. Cette légende a-t-elle un fond de vérité ? Il est impossible de le savoir. Tout ce que l’on peut dire, c’est qu’Hippocrate et Démocrite étaient contemporains, et qu’Hippocrate ou ses disciples ont effectivement soigné des malades à Abdère. » (J. Jouanna 1992, Hippocrate, Paris, p. 36-37). Ces lettres apocryphes se situent donc au moins dans le registre de la vraisemblance.

Question : que pensez-vous du lieu de la rencontre ? Réel ou littéraire ? Le platane est un arbre emblématique d’Hippocrate, on montre encore « le platane d’Hippocrate » dans l’île de Cos. Comparez avec la description faite par Platon du lieu de rencontre entre Socrate et son disciple Phèdre (Phèdre, 229 a-b).

 

3) L’auteur supposé : Hippocrate

Hippocrate (environ 460-377 av. J.-C.) est bien connu comme père de la médecine rationnelle. Il descendait lui-même d’une lignée de médecins et de personnages influents qui se réclamaient à titre ancestral du dieu Asclépios. Son œuvre est immense et a donné lieu à toute une série de prolongements et d’imitations, sous forme de traités émanant de ses disciples, ou peut-être d’Hippocrate lui-même, l’authenticité de certains étant encore aujourd’hui discutée. L’ensemble constitue ce que l’on appelle le « corpus hippocratique », regroupant des œuvres d’Hippocrate et de son école, source inépuisable de données sur la connaissance du corps humain et sur les méthodes de la médecine grecque dans l’Antiquité. Les domaines abordés concernent aussi bien la philosophie et la théorie médicale que sa pratique : anatomie, physiologie, fonctionnement du corps et de ses organes, description des maladies, étude des épidémies, observations des effets de la géographie et du climat local sur la santé ou sur la maladie et son évolution possible, maladies des femmes, maladies psychiques et mentales, diététique, herboristerie, thérapeutiques variées suivant la spécificité des cas, chirurgie, le tout assorti d’une foule de conseils pratiques concernant les devoirs du médecin lors de la visite au malade : respect humain, observation attentive du malade, prise en compte de tous les symptômes, souci d’atténuer sa douleur, de le réconforter moralement et d’améliorer le bien-être général des personnes soignées.

Voir en annexe le texte du Serment d’Hippocrate.

La Lettre à Cratevas se fait en particulier l’écho de l’intérêt porté par Hippocrate et son école aux plantes médicinales et à la pharmacie. Déjà depuis l’époque d’Homère (et même avant), les plantes sont utilisées pour soigner, sous plusieurs formes : décoction, poudre, onguent... (Iliade, IV, 217-219 ; V, 401-402 ; XI, 511-515, etc. Le verbe employé, de sens général, est πάσσω, « saupoudrer », « enduire », « mettre un médicament sur une plaie »). Nombre de traités précisent comment il faut cueillir les plantes, les traiter, les conserver, former des mélanges, chaque fois avec l’indication précise du dosage des ingrédients. Cette lettre en est un exemple : les sucs seront conservés dans des récipients en verre, les feuilles, tiges et racines dans des vases en terre cuite bien fermés. On peut constater ainsi à quel point les écrits d’Hippocrate ont été lus, admirés, étudiés et commentés, dès l’Antiquité gréco-romaine, puis au Moyen-âge, à la Renaissance et jusqu’à l’époque moderne. Imaginer les échanges épistolaires du médecin de Cos avec d’autres personnages a donc été tout naturellement, en même temps qu’une activité ludique, une réflexion approfondie sur la vie et l’œuvre d’Hippocrate.

Question : Après avoir lu le serment d’Hippocrate, dites ce que vous en pensez pour l’actualité.

 

4) Le destinataire supposé : Cratevas

Cratevas, auquel Hippocrate est censé avoir écrit (lettre 16), est par ailleurs un personnage historique, spécialiste des plantes et pharmacien connu. Le poète comique Alexis (environ 372-275 av. J.-C., donc postérieur d’une génération à Hippocrate) était l’auteur d’une pièce intitulée Κρατεύας ἢ φαρμακοπώλης, « Cratevas ou le marchand de remèdes ». Il est donc permis de penser qu’il a existé du temps d’Hippocrate un Cratevas vendeur de racines médicamenteuses. L’auteur de la lettre a peut-être lui-même fait une amicale et spirituelle allusion au personnage du « marchand de remèdes » mis en scène par Alexis, notamment dans le passage où il est question de l’avidité des richesses, ἡ φιλαργυρίη, que Cratevas devrait soigner, et du salaire proposé par les Abdéritains, qui ferait d’Hippocrate un « salarié » (μισθωτός), au lieu d’un médecin (ἰατρός) : οὐδ' ἂν Ἀβδηρῖταί με νῦν δέκα ταλάντοις ἐδελέαζον, ἀντὶ ἰητροῦ μισθωτὸν ἐλέγχοντες, « les Abdéritains ne me présenteraient point l’appât de dix talents, témoignant que je suis non un médecin, mais un mercenaire » ; Hippocrate se défend évidemment d’exercer son art par appât du gain. Les moralistes anciens expriment en général leur mépris pour toute activité rémunérée par un μισθός, qui implique un rapport de subordination.

Mais il a existé un autre Cratevas, rhizotomos célèbre, herboriste et pharmacologue, auteur d’un traité Rhizotomikon, qui, lui, a vécu au ier s. av. J.-C. Il a même été médecin personnel du roi Mithridate VI (royaume du Pont, au nord de l’Asie Mineure). Il est connu, toujours comme rhizotomos, par les commentateurs (tardifs) du médecin Nicandre ; il est mentionné aussi plusieurs fois par Dioscoride (ier siècle ap. J-C.), lui-même médecin, pharmacologue, botaniste et éditeur d’Hippocrate ; enfin il est aussi mentionné par Galien (iie s. ap. J.-C.), qui fut le médecin personnel de l’empereur Marc-Aurèle (pour lequel il avait composé, entre autres, un remède à base de plantes contre le mal de tête, κεφαλαλγία), qui fut aussi un fervent admirateur d’Hippocrate, et qui nous a laissé une œuvre immense dans laquelle il se fait son commentateur et son continuateur, allant même – déjà – jusqu’à examiner l’authenticité ou non de certains traités du corpus hippocratique. Dans son In Hippocratis de natura hominis librum commentarii, il cite Cratevas parmi les connaisseurs du corps humain, et il parle de lui avec éloge, comme d’un savant, dans plusieurs autres passages, à propos de la composition des antidotes (dont le roi Mithridate a dû parfois avoir besoin) et de l’expérience des plantes et des remèdes. La médecine grecque est restée florissante jusqu’à l’époque romaine, avec de nombreux médecins et théoriciens de la médecine comme Dioscoride ou Galien.

Question : Dans quelle mesure les plantes sont-elles encore utilisées en pharmacie, ou pour soigner au quotidien, à notre époque ? Donnez quelques exemples.

 

5) Le malade à soigner : Démocrite

Le philosophe Démocrite d’Abdère, le supposé malade de notre Lettre, fut le disciple de Leucippe (considéré comme le père de la théorie ancienne des atomes), et le maître d’Épicure, lequel fut à son tour l’inspirateur de Lucrèce dans son De natura rerum. Ce qui est commun à ces quatre auteurs, c’est une conception matérialiste de la Nature, indépendante de l’existence ou non des dieux. Épicure par exemple pense qu’ils existent mais qu’ils ne se soucient pas des affaires humaines.

Aristote, dans son traité de l’âme (De anima I, 2, 404a), nous donne par exemple un aperçu des conséquences de la théorie des atomes : « Démocrite déclare que l’âme est une sorte de feu et qu’elle est chaude ; car les figures des atomes étant illimitées, il dit que le feu et l’âme ont des atomes de forme sphérique, comme ce que nous appelons les poussières dans l’air (τὰ καλούμενα ξύσματα) qu’on voit dans les rais du soleil filtrant à travers les volets ; et c’est à partir d’eux, selon lui, que l’universel mélange séminal (πανσπερμία) (c’est-à-dire les combinaisons d’atomes et leurs mouvements) constitue les éléments de la nature tout entière ».

Cela a-t-il pu entrer en conflit avec les idées d’Hippocrate, exciter une curiosité supplémentaire sur la façon dont Démocrite et lui ont pu se rencontrer, et donner envie d’imaginer ces lettres ?

La lettre des Abdéritains (n° 10), pour solliciter la venue d’Hippocrate, se fait d’abord l’écho de rumeurs populaires selon lesquelles, entre autres, Démocrite sonde les mystères interdits et écoute des voix, en l’occurrence des chants d’oiseaux (dont on sait qu’ils ont souvent une valeur divinatoire) : Ζητεῖ δὲ ὁ ἀνὴρ καὶ περὶ τῶν ἐν ᾍδου, καὶ γράφει ταῦτα, καὶ εἰδώλων φησὶ πλήρη τὸν ἠέρα εἶναι, καὶ ὀρνέων φωνὰς ὠτακουστεῖ, καὶ πολλάκις νύκτωρ ἐξαναστὰς μοῦνος ἡσυχῇ ᾠδὰς ᾄδοντι ἔοικε, « cet homme scrute les choses de l’Hadès, il les écrit, et il affirme que l’air est plein de fantômes ; de plus il prête l’oreille aux voix des oiseaux, et souvent, s’étant levé la nuit, il a été vu tout seul en train de chanter des chansons en sourdine ». On pense à la fantaisie des accusations portées contre Socrate dans Les Nuées d’Aristophane...

Les conceptions d’Hippocrate sont en tout état de cause rationalistes, et s’apparentent à celles des physiologues ioniens (de φύσις, la « nature » en tant que force créatrice, et de λόγος, « discours » ou « étude »), comme Thalès, Anaxagore ou Anaximène, qui s’efforçaient d’expliquer les réalités naturelles par des causes naturelles, sans faire intervenir une action divine ; un des traités les plus célèbres d’Hippocrate est consacré à l’étude du « Mal sacré » (ἱερὰ νόσος, l’épilepsie) pour démontrer que cette maladie n’a justement rien de « sacré ». Mais dans les écrits d’Hippocrate et de son école, les positions concernant la religion sont nuancées :

« Participant au rationalisme des esprits éclairés du siècle de Périclès, les médecins hippocratiques critiquent, parfois avec virulence, ceux qui croient qu’une maladie peut être causée par l’intervention d’une divinité particulière et ils opposent à cette causalité divine une causalité rationnelle ». Cette attitude « est d’autant plus remarquable que la croyance dans l’efficacité des procédés magiques ou dans les dieux guérisseurs est bien attestée dans la mentalité populaire en plein siècle de Périclès. Mais il ne faudrait pas en déduire [...] que ce rationalisme des médecins hippocratiques est opposé à la notion de divin et incompatible avec la religion traditionnelle ». (J. Jouanna 1992, p. 259-260).

On peut donc penser que recourir au nom d’Hippocrate, dans une lettre fictive, pour soigner Démocrite, relève d’un aimable débat idéologique, mais aussi du genre littéraire et rhétorique des dialogues fictifs entre grands hommes (ici Hippocrate et Cratevas), ou encore des Propos de table tels que les évoque Plutarque ou tels qu’on les trouve dans Athénée. D’après ce qu’on connaît de l’enseignement de la rhétorique à l’époque gréco-romaine, la Lettre d’Hippocrate à Cratevas, ainsi que les autres lettres de cette série, pourraient tout à fait être des exercices d’école, rédigés à des fins littéraires et pédagogiques – ce qu’on appelait des μελέται (« études » ou « dissertations ») – par un homme d’esprit soucieux d’interroger la « folie » de Démocrite, d’imaginer ce qu’Hippocrate en a (ou en aurait) pensé, et de souligner en son temps le rôle que les plantes ont pu jouer dans cette cure.

Question : Que sait-on des conceptions religieuses des Grecs concernant la maladie ? Comment se présentait le culte d’Asclépios, florissant à Cos et à Épidaure, et quels étaient les modes de guérison pratiqués dans ces sanctuaires ?

 

Question : Que sait-on d’autre part des μελέται et de l’enseignement de la rhétorique à l’époque gréco-romaine ? (Marrou 1948, Histoire de l’éducation dans l’Antiquité, Paris, et Pernot 2000, La rhétorique dans l’Antiquité, Paris).

 

6) Une anecdote historique ?

Or, présenter dans une lettre fictive les idées de Démocrite comme relevant de la folie et exigeant un traitement médical se trouve justement correspondre, comme nous l’avons vu, à une tradition bien établie concernant Démocrite et les citoyens d’Abdère (lettre n° 10).

Démocrite est né à Abdère, dans la 80e olympiade (460–459) ou, selon d’autres, dans la 77e (470-469). Il serait mort à l’âge de 103 ans (entre 366 et 356). Abdère ayant été occupée par les Perses au moment des guerres médiques (victoires des Grecs  à Marathon en 490 et à Salamine en 480 ; autre victoire des Grecs en 480 : à Himère, dans la guerre contre les Carthaginois), Démocrite fut éduqué par des mages perses qui lui apprirent la théologie et l’astronomie (ce qui par la suite a pu paraître suspect aux Abdéritains), puis il fut le brillant disciple du philosophe Leucippe (soit à Abdère, soit à Milet), père, comme nous l’avons dit précédemment, de la théorie antique des atomes : l’univers physique et humain, l’âme même, sont faits d’atomes combinés les uns aux autres et en mouvement. Démocrite fit de nombreux voyages au cours desquels il apprit beaucoup mais aussi dépensa toute sa fortune, de sorte que ses concitoyens ou ses rivaux envieux le mirent en accusation devant le Sénat d’Abdère, en le taxant d’immoralité (et peut-être d’athéisme). Un autre chroniqueur nous rapporte que pour toute défense, il se contenta de lire les premières pages d’un Traité nommé Grand ordre du monde qu’il venait de finir. Les Juges l’applaudirent, le félicitèrent et lui attribuèrent 500 talents de dédommagement. Il vécut ensuite modestement, aidé par son frère Damaste.

La lettre des Abdéritains émane des autorités officielles de la cité ; voici son intitulé, selon la formule usuelle (qui se veut ici marque d’authenticité) : Ἀβδηριτῶν ἡ βουλὴ καὶ ὁ δῆμος Ἱπποκράτει χαίρειν, « le Sénat et le peuple d’Abdère, à Hippocrate, salut ». Ils sont présentés dans la lettre comme sollicitant l’aide d’Hippocrate pour soigner Démocrite, mais expriment pourtant clairement l’estime qu’ils portent au philosophe, et craignent le discrédit dans lequel tomberait la cité si Démocrite perdait vraiment la raison : ὑπὸ πολλῆς τῆς κατεχούσης αὐτὸν σοφίης νενόσηκεν, ὥστε φόβος οὐχ ὁ τυχὼν, ἂν φθαρῇ τὸν λογισμὸν Δημόκριτος, ὄντως δὴ τὴν πόλιν ἡμῶν Ἀβδηριτῶν καταλειφθήσεσθαι, « il est malade de l’excès de philosophie qui le possède, de sorte que ce n’est pas une crainte négligeable, si Démocrite était atteint dans sa raison, que notre cité d’Abdère s’en trouve en vérité complètement déconsidérée ». Il devait en fait y avoir des différences entre les rumeurs qui couraient sur le comportement de Démocrite, dans les conversations de l’agora, et l’idée que s’en faisait l’élite des notables de la cité : la lettre elle-même le dit, en concédant qu’il faut distinguer les préjugés propres aux ignorants (μείναντες ἐν ἀπαιδευσίῃ), de l’opinion éclairée des gens cultivés.

Selon une autre version rapportée par Élien (Claudius Aelianus, ou Élien le Sophiste, iiie siècle ap. J.-C., Varia historia, IV, 20), en fait de folie, c’est Démocrite qui tournait en dérision les occupations et les croyances des hommes et les traitait tous de pauvres fous (comme le fera plus tard Diogène le cynique) ; cela lui valut d’être surnommé « le Rieur », appellation qui, murmurée péjorativement, pouvait signifier « le Burlesque » ou même « le Bouffon ». Mais quand Hippocrate en personne rencontra Démocrite, après l’avoir effectivement cru fou, il reconnut en lui la vraie sagesse : « Les Abdéritains appelèrent Démocrite la Philosophie, comme ils appelèrent Protagoras (qui était d’Abdère lui aussi) le Discours. Démocrite traitait tous les hommes de fous ; ils étaient pour lui un objet continuel de risée : de là, il fut nommé par ses concitoyens Gelasinus (« le Rieur »). On raconte que la première fois qu’Hippocrate le rencontra, il le prit pour un insensé ; mais que dans la suite, ayant eu occasion de le voir souvent, il conçut pour lui la plus haute estime. On ajoute même que ce fut en l’honneur de Démocrite qu’Hippocrate, né Dorien, écrivit ses ouvrages en dialecte ionique ».

De la part de l’auteur de notre lettre fictive, qui, nous l’avons vu, s’est inspiré d’une tradition analogue, c’est donc un divertissement littéraire, en même temps qu’une allusion à un récit historiquement connu, que de montrer un Hippocrate préoccupé de soigner le Rire de Démocrite.

Question : Quels rapports pensez-vous que l’on peut établir entre l’excentricité, le rire et la folie ? Rabelais n’a-t-il pas écrit pourtant que « le rire est le propre de l’homme » ? Voir en annexe le document, à propos du rire de Démocrite, « Rire ou pleurer, de Rabelais à Montaigne ».

 

7) Quelles preuves contre Démocrite ?

Mais peut-on dire historiquement, en tout état de cause, en étudiant les œuvres de Démocrite, qu’il était effectivement fou ? Cela ne nous est guère possible, car contrairement au grand nombre des œuvres que nous possédons d’Hippocrate, celles de Démocrite lui-même (et celles de son disciple Épicure) ne nous sont parvenues que sous forme d’infimes fragments, et nous ne les connaissons guère (assez abondamment tout de même) que grâce aux citations de nombreux auteurs anciens, alors qu’on sait par ailleurs que leur œuvre était aussi abondante que celle de Platon.

C’est donc bien cette fois un conflit idéologique qui a ainsi trié au cours des siècles les écrits philosophiques (plus que tout autre écrit) qu’il était ou non recommandé de transmettre à la postérité. On peut constater d’ailleurs que dès l’Antiquité, Démocrite et son école ont été contestés : un chroniqueur nous rapporte que Platon, qui avait lu de lui de nombreux ouvrages (et qui, sans jamais le citer, fait allusion à ses théories en plusieurs endroits), avait décidé de brûler toutes les œuvres de Démocrite qu’il possédait. Il en fut empêché, dit-on, par des Pythagoriciens, plus tolérants, et qui objectèrent à Platon que de toute façon les exemplaires des œuvres de Démocrite étaient très répandus. Démocrite est d’ailleurs cité plus de quatre-vingts fois chez Aristote, en général pour critiquer ses théories ; il écarte par exemple sa conception de l’âme (voir plus haut), tout en reconnaissant que « Démocrite en a parlé plus subtilement que d’autres », Δημόκριτος δὲ καὶ γλαφυρωτέρως εἴρηκεν (De anima I, 2, 405a).

Au reste les Abdéritains eux-mêmes ne semblent pas convaincus de la folie intrinsèque de leur grand homme, et disent à Hippocrate à la fin de leur lettre supposée : εὖ ἴσθι, χαριεῖ καὶ τῷ μέλλοντι αἰῶνι μὴ προεκλιπὼν Δημόκριτον ἧς ἐλπίζει προτερήσειν ἀληθείης, « sache-le bien, c’est une faveur que tu feras à la postérité en ne laissant pas Démocrite privé de la vérité qu’il souhaite voir triompher ». Nous possédons heureusement un riche exposé des idées de Démocrite et d’Épicure dans le De natura rerum de Lucrèce, qui développe notamment la théorie des atomes, et qui réhabilite avec les plus beaux éloges les options rationalistes et matérialistes de ces philosophes, dans leurs conceptions de l’homme et de l’univers.

Question : De quelle nature sont les bibliothèques dans l’Antiquité et quel est leur rôle ? Quel rôle le christianisme a-t-il joué, depuis les Pères de l’Église et le règne de Constantin, pour une transmission sélective des écrits des philosophes païens ? Dans son roman Le Nom de la Rose, Umberto Eco fait reposer son intrigue policière sur le cas du livre II de la Poétique d’Aristote (interdit par l’Inquisition), qui concernait – justement – le Rire, et qui finit dans les flammes de l’incendie du monastère...

 

8) Le véritable auteur de la lettre

Qui donc enfin peut être l’auteur de cette Lettre apocryphe ? D’abord, constatons que tout en se fondant sur l’épisode de la folie, l’auteur de la lettre ne paraît pas hostile aux idées de Démocrite, dont il dit « qu’il pèse autant qu’une ville entière », ἐπ' ἄνδρα ὅλῃ πόλει ἰσοστάσιον. Il ne le croit pas vraiment fou ; il déclare sur ce point à Cratevas, qu’il appelle amicalement (à la manière de Socrate dans les dialogues platoniciens) ὦ ἑταῖρε, « l’ami » : ἔλπομαι μὲν οὖν ὑγιέα εἶναι τὸν Δημόκριτον καὶ δίχα ἰήσιος, « je m’attends à ce que Démocrite soit sain d’esprit, même sans traitement ».

En outre, il ne parle pas des dieux ni du scepticisme éventuel de Démocrite en matière de religion : il évoque au contraire l’idée de la Terre sacrée, mère de toutes choses, et il admire avec Cratevas toute forme de reconnaissance de la puissance de la nature : τὸ δὲ χρῆμα τῶν βοτανῶν παρὰ σοὶ πολλάκις ἐθαύμασα, ὡς καὶ τὴν τῶν ὅλων φύσιν τε καὶ διάταξιν καὶ τὸ ἱερώτατον γῆς ἵδρυμα, « j’ai bien des fois admiré auprès de toi la vertu des plantes, ainsi que la nature et l’arrangement de toute chose, et le sol très sacré de la terre » ; l’expression « le sol très sacré de la terre », est d’autant plus frappante que ἵδρυμα, « fondement », veut aussi dire « temple » : la terre et les plantes qu’elle porte sont le Temple de la nature. Plutôt qu’un aperçu théorique ou philosophique sur les rapports entre la médecine et les plantes, c’est là une sorte de vision poétique du monde, qui fait penser au prologue de Lucrèce adressé à la déesse Vénus nourricière : [...] Per te quoniam genus omne animantum / Concipitur, visitque exortum lumina solis, « puisque c’est grâce à toi que toute espèce vivante est conçue et voit, une fois née, les rayons du soleil » (on pense aux ξύσματα cités par Aristote...). Figure sacrée dont on peut retrouver le souvenir chez Baudelaire : « La Nature est un temple où de vivants piliers / Laissent parfois sortir de confuses paroles ; / L’homme y passe à travers des forêts de symboles / Qui l’observent avec des regards familiers. » Cela n’empêche pas le botaniste dans l’âme qu’est lui aussi l’auteur de la lettre, de décrire soigneusement les vertus des plantes en fonction du lieu où elles poussent et de la terre qui les a nourries, comme dans le très moderne et authentique traité d’Hippocrate Des airs, des eaux et des lieux, où il est question aussi de la qualité des sols comme élément concret d’une vie saine.

L’auteur de la lettre s’est visiblement efforcé de penser comme Hippocrate, il paraphrase le plus fameux de ses Aphorismes : ὁ βίος βραχὺς, ἡ δὲ τέχνη μακρὴ, ὁ δὲ καιρὸς ὀξύς, « la vie est courte, l’art est long, et l’opportunité pressante », avait écrit Hippocrate ; l’auteur de la lettre insiste sur ce dernier aspect : τέχνης δὲ πάσης μὲν ἀλλότριον ἀναβολὴ, ἰητρικῆς δὲ καὶ πάνυ, ἐν ᾗ ψυχῆς κίνδυνος ἡ ὑπέρθεσις· ψυχαὶ δὲ τῶν θεραπειῶν οἱ καιροὶ, ὧν ἡ παραφυλακὴ τὸ τέλος, « tout art est ennemi du délai, surtout la médecine pour qui retarder est compromettre la vie ; les opportunités sont les âmes du traitement, et les observer en est le but ». Il imite la prudence et la modestie du vrai savant et reconnaît sagement que « bien des choses nous échappent, à nous mortels, qui n’avons pas une bien grande force de certitude », πολλὰ γὰρ ἡμέας θνητοὺς ἐόντας λάθοι, ἅτε μὴ πάγχυ δι' ἀτρεκίης εὐτονέοντας. On lit par comparaison, dans le traité hippocratique De l’ancienne médecine (section 12) : χαλεπὸν, μὴ τοιαύτης ἀκριβίης ἐούσης περὶ τὴν τέχνην, τυγχάνειν αἰεὶ τοῦ ἀτρεκεστάτου, « il est difficile, cet art ne possédant pas toute l’exactitude requise, de rencontrer toujours une certitude absolue ». C’est pourquoi aussi il loue chez Cratevas non seulement la fidélité à son grand-père, apparemment déjà botaniste, mais aussi son ἄσκησις (« ascèse » ou « exercice »), c’est-à-dire son expérience, ses connaissances, sa pratique personnelles.

L’auteur de la lettre est aussi un moraliste en matière sociale, dont nous voyons clairement exprimée la préoccupation essentielle : Cratevas le « coupeur de racines » devrait « extirper la racine amère » de la cupidité, τῆς φιλαργυρίης τὴν πικρὴν ῥίζην ἐκκόψαι, des âmes humaines, jeu de mots tout à la fois élégant et réfléchi : εὖ ἴσθι ὡς ἐκαθήραμεν ἂν τῶν ἀνθρώπων μετὰ τῶν σωμάτων καὶ τὰς ψυχὰς νοσεούσας, « nous purgerions, sache-le bien, avec les corps, les âmes malades des hommes ». Et il représente Hippocrate négligeant, comme un appât indigne de lui (ἐδελέαζον, verbe formé sur δέλεαρ) la riche rémunération proposée par les Abdéritains, car il ne veut pas être un μισθωτός, un « mercenaire ». Dans la lettre n° 11 (censée être la réponse d’Hippocrate aux Abdéritains), il fait justement dire au médecin : oἱ δὲ μισθαρνεῦντες δουλεύειν ἀναγκάζουσι τὰς ἐπιστήμας, ὥσπερ ἐξανδραποδίζοντες αὐτὰς ἐκ τῆς προτέρης παῤῥησίης, « ceux qui se font payer contraignent la science à l’esclavage, en lui confisquant pour ainsi dire son originelle liberté de parole ».

Il faut remarquer enfin que, loin de s’associer à l’opinion confusément favorable ou défavorable véhiculée par la tradition quant à la « folie » de Démocrite, il emploie pour décrire celle-ci l’expression précise ἐντὸς μανίης ἐόντα, « étant dans la folie », qui s’oppose grammaticalement et lexicalement, comme un antonyme, à ἐκτὸς μανίης ἐόντα « étant hors de la folie ». Cela implique dans son esprit que Démocrite n’est pas « fou » en permanence, mais qu’il est peut-être momentanément en proie à un « accès » de folie. C’est pourquoi l’accent est mis sur l’urgence présente d’éventuels médicaments : νῦν οὖν, εἰ καί ποτε ἄλλοτε, βοτανολόγησον ὁκόσα τε καὶ ὁκοῖα δύνασαι, ἀναγκαίη γὰρ ἐπείγει, ὁκόσα τε καὶ ὁκοῖα δύνασαι, ἀναγκαίη γὰρ ἐπείγει, « recueille donc, car c’est le cas ou jamais et la nécessité presse, recueille en fait de plantes ce que tu pourras de mieux, et envoie-les moi » ; et plus bas : ἡ ἀνάγκη τῆς λεγομένης μανίης ἐπείγει , « la nécessité de cette folie prétendue est urgente ».

De plus, en grec, comme le signifie d’ailleurs par allusion la tournure ἡ λεγομένη μανία, le mot μανία désigne aussi l’élan d’inspiration passionnée des poètes, la possession divine par les Muses comme dans l’Ion de Platon et dans le Phèdre (245a). Démocrite est donc présentement en proie à un accès d’imagination créatrice, par « excès de philosophie », disaient déjà les Abdéritains dans leur lettre. C’est pourquoi Hippocrate, au début de la lettre à Cratevas, pense que le philosophe n’aura pas besoin de médicaments : μὴ χρησαίμεθα μέντοι τοῖσι φαρμάκοισιν, ὥσπερ καὶ πέπεισμαι, « nous n’aurons pas besoin, j’en ai la confiance, de médicaments » ; il pense cependant à se munir rapidement de toutes sortes de plantes bienfaisantes pour rendre son calme au prétendu malade. C’est pourquoi aussi, en terminant la lettre, l’auteur montre Hippocrate espérant qu’à la fin, cet accès de « folie » se changera spontanément en science et sagesse, sans qu’il soit besoin de toute cette pharmacopée : ἀλλὰ γένοιτο ἐκείνῳ τῶν δραστικωτάτων καὶ ἰητρικωτάτων φαρμάκων σοφίη τέλος, « que chez lui la sagesse soit le terme des remèdes les plus médicaux et les plus efficaces ».

Or, un exemple intéressant d’accès de μανία scientifique et philosophique nous est fourni par Plutarque, évoquant Archimède (Vie de Marcellus, XVII, 12) : « se trouvant constamment, dit-on, sous le charme d’une sorte de sirène familière qui l’habitait, il en oubliait complètement même la nourriture, il négligeait le soin de son corps, et souvent, traîné de force à l’onction d’huile et au bain, il traçait des figures géométriques dans les cendres du foyer, et le corps tout enduit, allongeait des lignes avec son doigt, possédé qu’il était d’un plaisir extrême et véritablement inspiré des Muses ».

Démocrite ne se négligeait peut-être pas comme Archimède, mais habité par une autre sorte de sirène, il se promenait tout seul en chantant dans la nuit et écoutait les oiseaux, qui sans doute lui inspiraient des réflexions originales sur la vie et sur la nature. Et parfois, absorbé dans ses réflexions, ou éclatant de rire au souvenir de quelque sottise, il paraissait étranger à la condition humaine ordinaire.

 

L’auteur de la lettre nous laisse donc entrevoir un Démocrite vivant, remuant, en proie au délire de la découverte, suscitant par là même un intérêt nouveau, comparable à celui que peuvent éveiller, à la Renaissance et à l’époque moderne, un Montaigne mettant en scène le rire de Démocrite pour l’opposer à la tristesse d’Héraclite (Essais, I, 50), un Rabelais faisant à Montpellier des cours sur les Aphorismes d’Hippocrate et sur les idées de Démocrite exprimées dans son traité De la nature (œuvre perdue dont nous possédons seulement des résumés), un Gassendi, qui en 1645 enseignait l’atomisme d’Épicure et de Lucrèce au Collège royal, un Newton avec sa célèbre pomme, un Planck ou un Einstein. Voir aussi en annexe la très belle fable de La Fontaine, Démocrite et les Abdéritains, qui connaît à l’évidence les textes dont nous avons parlé, et qui place plutôt la folie du côté de ces derniers, ou plus généralement, du côté des opinions vulgaires. La fable date quant à elle des années 1660, au cours desquelles La Fontaine avait entendu parler de la théorie atomique dans le salon de madame de la Sablière (édition des Fables par R. Radouant, Hachette, 1929, p. 329, note 3). On mesure ainsi l’immensité de la perte que représentent la censure et la disparition des œuvres complètes d’Épicure et de Démocrite. L’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie (autre mystère de l’histoire) a-t-il lui aussi été sélectif ?

Une lecture complémentaire, celle de la lettre 12, censée être adressée par Hippocrate à son hôte et ami Philopœmen à Abdère, achève de lever les doutes qui pourraient subsister. L’auteur y décrit en détail les symptômes sur lesquels se fondent les Abdéritains pour douter de la santé mentale de Démocrite : goût de la solitude dans la nature, mépris des occupations et des intérêts terre-à-terre du commun des mortels, esprit souvent enclin à se laisser complètement absorber par la réflexion et l’invention, attitudes parfois bizarres et singulières (verbe ἰδιάζειν). Se souvenant certainement d’Aristote, ce nouvel Hippocrate n’hésite pas dans son diagnostic : συμβαίνει μὲν οὖν τὰ πολλὰ τοῖσι μελαγχολῶσι τὰ τοιαῦτα, « de tels comportements surviennent le plus souvent chez les mélancoliques ». Il faut se référer alors (outre de très nombreux autres passages) au célèbre chapitre 1 du Problème XXX, consacré à l’étude de la mélancolie, dans lequel Aristote explique qu’elle est par excellence la « maladie » propre à « tous ceux qui ont été des hommes d’exception (περιττοί) en ce qui regarde la philosophie, la science de l’État, la poésie ou les arts » (Présentation, texte et traduction de J. Pigeaud, sous le titre L’homme de génie et la mélancolie, Paris, Rivages Poche, 1988).

 

L’auteur de cette lettre fictive est un élégant styliste, un esprit ouvert et sans préjugés, un savant botaniste, excellent connaisseur d’Hippocrate et de son œuvre, sans doute médecin, écrivain et philosophe lui-même ; en résumé, un homme de cœur. On pense spontanément qu’il pourrait s’agir de Galien en personne, si celui-ci n’avait pas la réputation d’écrire souvent dans un style dur et abrupt, ce qui ne correspond pas à ce que nous lisons dans la Lettre à Cratevas.

 

Et c’est ainsi que de siècle en siècle, aux yeux de la postérité, des plantes bien choisies ont pu guérir Démocrite de sa « folie ».

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Dossier élaboré par :

Cécile Daude

Paulette Garret

Sylvie Pédroaréna

Brigitte Planty

sous la direction de Sylvie David

Programmes

Enseignement optionnel (lycée)

  • programme de la classe Terminale
    • objet d'étude : comprendre le monde. Interrogations sur le corps humain (médecine, théorie des humeurs, pharmacopée)

 

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