Le culte de Mithra dans l’Antiquité

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Statue de Mithra

Mithra tauroctone, en marbre, Louvre, © Wikimedia commons

L’intérêt pour Mithra prend notamment son origine dans la prise de conscience que nous avons du fait que, à côté du panthéon bien établi et du culte impérial, d’autres divinités étaient célébrées par les Romains. Cependant, de nombreux éléments restent à découvrir au sujet de cette divinité et c’est bien à juste titre que l’on peut parler du « mystérieux Mithra ».

D’où vient Mithra ?

Le nom  « Mithra » apparaît dans le Veda, un ensemble de textes rédigés en sanskrit archaïque écrits entre le XVIIe et le VIIe siècle avant J.-C. À partir du XIVe siècle avant J.-C., il apparaît également en Asie Mineure, par exemple sur une tablette qui présente un traité de paix et mentionne une liste des dieux indo-aryens.

Au Ier millénaire avant J.-C., ce nom apparaît en Perse dans plusieurs documents avec les autres dieux du panthéon zoroastrien car il sert à garantir la souveraineté royale et les contrats. Puis, alors que les anciens dieux sont délaissés, Mithra continue à être célébré en tant que protecteur des troupeaux et des soldats. D’après des sources grecques, Cyrus le Grand et Artaxerxès II prêtaient ainsi serment par Mithra. Entre le IIe et le Ve siècles, assimilé à Hélios, il se retrouve sur des monnaies (parfois en or) d’Asie centrale.

Aux IIe et Ier siècles avant J.-C., Mithra est vénéré dans les royaumes du Pont, d’Arménie et de Commagène ainsi que chez les Parthes. De nombreux souverains se nomment Mithridate (« Celui que Mithra a donné »), preuve de la présence de cette divinité, toujours en lien avec la souveraineté royale. Il a pu être rapproché d’Hélios et d’Apollon.

Des traces du culte de Mithra se retrouvent dans l’Empire romain à partir de la fin de l’époque flavienne (environ 80 après J.-C.). Plutarque évoque à cette époque dans la Vie de Pompée le fait que des pirates ciliciens aient contribué à la diffusion du culte. Vraisemblablement, ce culte n’est pas né en Perse mais il a pu émerger en Asie Mineure ou directement dans l’Empire, en utilisant des « éléments orientaux » importés. Cependant, de nombreux scientifiques s’interrogent sur la manière précise dont ce culte s’est diffusé à Rome et dans l’Empire.

Quoi qu'il en soit, c’est à partir du dernier tiers du Ier siècle après J.-C. que le culte de Mithra semble s’être diffusé, tout d’abord en Italie et en Pannonie, puis, dans la seconde moitié du IIe siècle il semble avoir connu une grande expansion et ce, probablement grâce aux fonctionnaires, militaires et commerçants qui parcouraient l’Empire.

Les origines du culte de Mithra sont donc variées, et c’est cette richesse qui rend si intéressantes l’étude et l’analyse des textes (très peu nombreux et souvent difficiles à analyser) et des documents iconographiques et épigraphiques qui y ont trait. Très régulièrement, des mithréums sont mis au jour, qui enrichissent et parfois modifient les connaissances que nous avons sur Mithra et son culte ; ainsi, depuis les années 1970-1980, plusieurs scientifiques ont remis en cause le fait que le culte de Mithra soit propre aux militaires. Dans le contexte de la pax deorum, le panthéon était régulièrement agrandi et chacun pouvait dans le cadre privé pratiquer le(s) culte(s) qu’il souhaitait.

Comment reconnaître Mithra ?

Mithra est relativement facile à identifier : plusieurs des œuvres qui le représentent offrent des inscriptions à déchiffrer ; surtout, il porte des signes distinctifs tels que le bonnet phrygien d’origine centre-asiatique, le visage imberbe, la chevelure bouclée, et souvent une cape, un pantalon, une tunique et des bottines ou des petites sandales ouvertes dans le monde romain. Lorsqu’il s’agit d’une tauroctonie, d’une main il tient le taureau par les naseaux, et, de l’autre, il tient un glaive. Dans ce type de scène, il est fréquemment entouré de Cautès et Cautopatès, les deux dadophores (porteurs de torche), le premier tenant sa torche vers le haut, le second, vers le bas.

Quelle est la légende qui lui est associée ?

La légende de Mithra n’est pas solidement établie ; voici des éléments qui y participent.

Mithra naît d’un rocher (c’est la pétrogenèse) ; il va en faire sortir miraculeusement une source. Puis, en suivant l’ordre de Sol qui lui a envoyé un corbeau messager, il va capturer et égorger avec son glaive un taureau dans une grotte (c’est la tauroctonie). Autour de ce taureau ou sur ce dernier, sont souvent représentés un chien et un serpent qui s’abreuvent du sang de l’animal, et un scorpion qui mord ses parties génitales. Cela peut être compris dans le sens d’une régénération du monde. Pour célébrer cette victoire, Sol et Mithra sont parfois représentés dans des scènes de banquet, Sol apparaissant dans certaines représentations sur un char solaire.

Une précision au sujet de la tauroctonie (voir les textes I et III) ; il s’agit d’un motif bien connu : selon certains scientifiques, ce motif peut se retrouver aussi bien en Grèce (Nikè bouthutousa – la Victoire tauroctone – sculpté au Ve siècle avant J.-C. sur le temple d’Athéna Nikè sur l’Acropole d’Athènes) que dans de nombreuses transcriptions romaines de cette représentation (comme le monnayage impérial augustine de 19 avant J.-C. qui célébrait la prise de l’Arménie).

Que sait-on du culte qui lui était rendu ?

Le culte de Mithra n’était pas rendu en extérieur mais dans un espace souterrain, le mithreum. Celui-ci se trouvait dans des espaces privés, comme des maisons, et souvent dans des espaces annexes de bâtiments publics (comme à Ostie) ou dans des locaux artisanaux, commerciaux. Sa forme est récurrente : la pièce centrale est le plus souvent voûtée (et parfois décorée à l’image de la voûte céleste) – parfois cependant, le plafond est plat avec des solives –, sur le mur du fond se trouve une tauroctonie ; parfois d’autres statues (Cautès, Cautopatès ou la pétrogénèse par exemple) sont présentes : de chaque côté de la pièce des banquettes sont prévues pour permettre à un nombre restreint (moins d’une cinquantaine) de fidèles de se réunir. Les ablutions et les fumigations devaient avoir un rôle important tout comme les repas pris probablement sous forme de banquet. En 2022, on dénombre 127 sanctuaires de Mithra dans le monde. Si l’on considère que le culte était rendu sous forme théâtralisée, il apparaît clairement que, comme dans d’autres rites et cultes, différents sens (vue, odorat, goût et ouïe) étaient sollicités, ce qui a pu également participer au succès de ce culte auprès des fidèles.

Les adeptes de Mithra appartenaient probablement selon leur degré d’initiation à différents grades pour lesquels nous n’avons que peu de connaissances assurées. Nous pensons actuellement que seuls les hommes participaient à l’encadrement du culte de Mithra et certains considèrent que ce culte était uniquement masculin car nous n’avons aucun nom féminin sur les inscriptions. Mais les preuves effectives de cette affirmation semblent cependant manquer. Les différents grades des adeptes du culte de Mithra sont au nombre de sept ; les voici avec les attributs qui peut être retrouvés grâce à l’analyse de la célèbre mosaïque du mithreum de Felicissimus à Ostie.

  • Corbeau Corax : c’est probablement le plus modeste des grades du culte mithriaque.
  • Nymphée Nymphius (fiancé ou jeune marié) ; attributs : le diadème et la lampe de Vénus.
  • Soldat Miles ; attributs : la couronne et l’épée.
  • Lion Leo ; attributs : la pelle, le sistre, la foudre ; le Leo s’assurait probablement durant les cérémonies de la purification de l’espace par le feu et l’encens ; peut-être était-il en charge de la cuisson des aliments.
  • Perse Perses ; attributs : l’épée recourbée, le croissant de lune, l’étoile.
  • Héliodrome Heliodromus (courrier / coureur ? du soleil) ; attributs : la torche, le fouet et la couronne solaire.
  • Père Pater ; attributs : le bonnet phrygien, la faucille, le bâton de commandement et l’anneau ; c’est lui qui organisait les cérémonies mithriaques ; il s’agit probablement du plus élevé des grades du culte mithriaque.

Pourquoi ce culte a-t-il rencontré autant de succès ?

Il semble établi que dans le culte qui lui est rendu, les fidèles mettent en avant le fait que Mithra contribue au salut et à la régénération du monde et qu’il participe d’une lutte entre le bien et le mal ; c’est du moins ce qui est souvent avancé par les scientifiques. Il est possible que les allures « exotiques » du dieu et du culte y aient également contribué de même que l’organisation particulière des communautés en fraternité.

De plus, la présence de l’astrologie dans le culte de Mithra a pu amener certains chercheurs à admettre une dimension sotériologique et eschatologique ; pour d’autres, Mithra est en lien avec la fertilité des cultures ; enfin, l’idée de salut est analysée tantôt comme touchant la communauté, tantôt comme touchant l’individu.

Pour quelles raisons ce culte a-t-il pu être condamné ?

Pour les chrétiens, le culte de Mithra appartient au groupe des « mystères païens » aux pratiques immorales ; il imiterait (comme d’autres cultes du monde romain), avec une intention diabolique, le culte chrétien. Il est présenté par les auteurs chrétiens de manière peu objective, que leur point de vue soit biaisé, ou que les sources dont ils disposaient n’aient pas été de première valeur.

Pour quelles raisons ce culte a-t-il disparu ?

Des sanctuaires ont parfois été abandonnés sans que nous sachions pour quelle raison dans la période d’expansion du culte. La place grandissante du christianisme, l’édit impérial de 391 après J.-C. qui demande la destruction ou la transformation des temples non-chrétiens en églises, des destructions volontaires de mithreums ou l’abandon de ces lieux suite au départ d’adeptes font que peu à peu ce culte n’est plus pratiqué ; il faut nuancer l’idée selon laquelle il se serait soudainement effondré à la fin de l’Antiquité.

De nombreuses découvertes ont encore lieu et nul doute qu’au fil des années, notre connaissance du culte de Mithra deviendra de plus en plus précise.

Quelques œuvres significatives

Vous trouverez ci-dessous six œuvres accompagnées d’une description détaillée. Elles ont été choisies pour leur caractère remarquable quant au culte de Mithra. Vous trouverez également des liens vers des articles qui vous permettront, si vous le souhaitez, d’aller plus loin avec vos élèves :

1. Mithra tauroctone

 

Mythra

© Wikimedia commons

Il s’agit du Mithra tauroctone. Elle est conservée au musée du Louvre. Voici ses caractéristiques techniques : H. 74,5 cm x L. 88,5 cm x 27 cm ; son poids est compris entre 100 et 150 kg ; elle est en marbre.

C’est la beauté-même de la sculpture qui est marquante ici. En effet, il existe de nombreuses statues de Mithra tauroctone (qui tue un taureau) mais celle-ci est particulièrement esthétique.

Vous pourrez retrouver les éléments d’identification de Mithra l’oriental : le bonnet, la cape, les petites chaussures et la fibule.

Contextualisation :

Ce Mithra tauroctone appartient à un groupe de neuf pièces. Les circonstances dans lesquelles ce groupe a été amené en France à la fin du XIXe siècle sont particulières. En effet, Edmond Durighello n’a pas révélé l’emplacement précis de sa découverte mais a seulement indiqué qu’il se trouvait dans un mithreum situé à Sidon (l’actuelle Saïda au Liban).

Analyse de l’inscription :

Sur la base de cette tauroctonie, vous pouvez déchiffrer l’inscription suivante (coupée suite à un accident) :

Φλ. Γερόντιος πατὴρ νόμιμος τῶν τελετῶν τοῦ θεοῦ εὐχαριστῶν ἀφιερῶσα τῷ φʹ ἔτει.

On peut traduire ainsi : Flavios Gerontios, pater nomimos des rites d’initiation du dieu, en remerciement, j’ai consacré [cette statue] en l’an 500.

Nous n’avons que très peu d’informations sur Flavios Gerontios : il a également offert deux autres statues dont la Divinité à tête de lion ; ce nom semble répandu à la fin de l’Antiquité, il est donc difficile d’identifier précisément ce personnage.

Le titre de pater nomimos interroge également ; il faut sans doute le rapprocher du titre de Pater, le plus élevé de la hiérarchie des initiés au culte mithriaque.

L’année 500 s’explique si l’on considère que cela correspond à l’ère de Sidon (cette cité avait en effet institué une ère autonome pour compter les années) soit en 390.

Description de la tauroctonie :

Elle reprend des caractéristiques présentes dans d’autres tauroctonies ; voici plusieurs détails sur lesquels il peut être intéressant cependant de s’attarder :

  • le visage de Mithra : ses yeux semblent pensifs ; les mèches de ses cheveux sont enroulées autour d’un trou au trépan.
  • la tenue de Mithra : il ne porte pas de grandes bottes (ce n’est jamais le cas dans les représentations issues du monde romain) mais de petites chaussures ; il est revêtu d’un pantalon large (ou anaxyride) et d’une tunique. Sur son bonnet, vous pourrez remarquer une étoile et un croissant.
  • les animaux présents : au centre se trouve le taureau à bosse et à courtes cornes ; sa queue relevée rejoint la cape de Mithra. Le dieu le maintient par les naseaux. On retrouve de manière attendue le chien et le serpent qui lèchent le sang qui coule de la blessure faite par le glaive du dieu dans le cou du taureau. Le scorpion pique les parties génitales du taureau.

Bibliographie complémentaire :

  • E. Will, “La date du mithreum de Sidon”, Syria (1950), p. 261-269.
  • D. Braunstein, “L’emploi du trépan dans la sculpture archaïque : la technique du trépan courant”, Bulletin de Correspondance Hellénique (2010), pp. 71-96.
  • Et surtout : F. Baratte, “Le mithreum de Sidon : certitudes et questions”, Topoi, volume 1/11, 2001, pp. 205-227.

 

2. Le Mercure assis 

 

Mercure assis

© Wikimedia commons

Il s’agit du Mercure assis. Elle est conservée au musée d’art romain de Mérida, capitale de l’Estrémadure en Espagne. Voici ses caractéristiques techniques : H. 151 cm, L. 84 cm x Pr. 66 cm ; elle est en marbre d’Estremoz (Lusitanie).

Cette œuvre reprend un thème, celui de l’Hermès assis, et une esthétique hellénistique (proche du sculpteur Lysippe), mais il convient de noter qu’elle porte une dédicace à Mithra. Elle s’inspire très probablement d’une œuvre de grand format aujourd’hui perdue de ce sculpteur du IVe siècle avant J-C.

Contextualisation :

Plusieurs statues relevant du culte de Mithra et représentant Mercure ont été mises à jour (en Germanie supérieure et Gaule Narbonnaise par exemple). Cette statue a été découverte lors de la construction des arènes de Mérida, qui se nommait Augusta Emerita et qui était la capitale de la province impériale de Lusitanie.

Analyse de l’inscription :

Sur la carapace de tortue qui forme le corps de la lyre, vous pouvez déchiffrer l’inscription suivante :

Ann(o) Col(oniae) CLXXX. /Inuicto deo Mithrae/ sacr(um)./ G(aius) Accius Hedychrus/ pater/ a(nimo) l(ibens) p(osuit).

L’an 180 de la colonie. Consacré à l’invincible dieu Mithra. Gaius Accius Hedychrus, Père, de bon cœur, de bon gré, a déposé. (Traduction de L. Bricault et P. Roy)

Gaius Accius Hedychrus était un citoyen romain, probablement un affranchi de la gens Acia, qui était Père de la communauté en 155. Il était donc au niveau d’initiation le plus élevé du culte de Mithra. Son nom est inscrit sur trois autres sculptures trouvées également à Mérida ; sur l’une d’elles, la Statue d’Océan ou du fleuve Anas, il est qualifié de pater patrum (Père des Pères). Au regard de la qualité des sculptures qu’il consacre à Mithra, il est permis de penser qu’il devait être particulièrement riche.

Description de la statue :

Plusieurs éléments permettent d’identifier Mercure nu assis sur un rocher ; on pourra ainsi repérer la lyre, les ailerons des sandales (même s’ils sont en partie cassés). La main droite tenait probablement un caducée (aujourd’hui disparu). À noter, son vêtement, une chlamyde (un manteau militaire), recouvre en partie le rocher. Une partie de sa jambe est cassée, tout comme d’autres éléments de son corps.

La dédicace à Mithra, placée sur le corps de la lyre, est mise en avant : elle permet de montrer que le lien entre Hermès et Mithra était important pour le commanditaire de l'œuvre. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce lien : Mercure était le dieu tutélaire des corbeaux, grade auquel appartenait de nombreux dédicants ; il est dit que de nombreux adeptes de Mithra étaient commerçants ; plus encore, Mercure étant très présent dans la vie quotidienne, certains ont pu vouloir le lier à Mithra.

Bibliographie complémentaire :

3. Un autel votif avec la naissance de Mithra :

Cette œuvre se nomme Autel votif avec la naissance de Mithra. Elle est conservée à l’Archäologisches Museum de Francfort-sur-le-Main, en Allemagne. Voici ses caractéristiques techniques : H. 92 cm x L. 30 cm x Pr. 22 cm ; son poids est d’environ 160 kilos ; elle est en basalte.

Ce qui est important ici est que cette œuvre appartient à l’iconographie de la naissance de Mithra.

Contextualisation :

Cet autel a été découvert à la fin du XIXe siècle dans un mithreum de Nida, actuellement Heddernheim, ville de la banlieue de Francfort-sur-le-Main en Allemagne.

Analyse des inscriptions :

Sur trois des faces de cet autel, vous pourrez déchiffrer les inscriptions suivantes :

Face principale :

Deo in(uicto) M(ithrae) // P(etram) genetricem // Senilius Car/antinus / c(iuis) Medio/ m(atricus) u(otum) s(oluit) l(ibens) l(aetus) m(erito) // siue Cracissius.

Face gauche :

Caute // C(a)elum.

Face droite :

Cau(o)p(ate) // Oceanum.

Que l’on peut traduire ainsi : Au dieu invincible Mithra, Senilius Carantinus, aussi nommé Cracissius, citoyen médiomatrique, a dédié à la suite d’un vœu, de bon gré, avec joie et à juste titre, l’image de Cautès, de la pierre génitrice, de Cautopatès, du Ciel et d’Océan. (Traduction de L. Bricault et P. Roy)

C’est donc ici Cracissius (nom d'origine celte), un citoyen (ciuis), qui est le commanditaire de cet autel ; il appartenait à la Cité des Mediomatrici, un peuple de la Gaule Belgique, territoire correspondant à la Moselle actuelle ; la capitale en était l’actuelle Metz.

Description de la statue :

Cet autel rectangulaire présente des inscriptions sur trois faces (voir ci-dessus) ; le sommet de l’autel est constitué de quatre frontons qui se rejoignent pour former un toit recouvert de tuiles. Dans chacun des angles du toit se trouvait une tête des quatre vents (Borée, le vent du nord, Eurus, le vent de l’est, Zéphyr, le vent d’ouest, et Notos, le vent du sud) : une seule est encore visible. Vous pouvez retrouver les vents sur la Stèle biface avec l’histoire de Mithra et le mythe de Phaéton de Dieburg, situé à proximité de l’autel.

Sur la face principale, Mithra pétrogène apparaît nu dans un temple à deux colonnes en façade (distyle) ; ses cheveux sont longs et ondulés. Il tient un couteau (celui qui lui sert à tuer le taureau) et une torche.

autel votif détail

© Wikimedia commons

Sur la face latérale gauche, Cautès apparaît également dans un temple distyle. Ses jambes sont croisées, il tient une torche à la main comme cela est traditionnellement le cas ; il symbolise le soleil levant. Sous ce personnage se trouve un aigle tenant un foudre entre ses serres, figuration de Jupiter. Il est sur une représentation du globe céleste (présence de sept étoiles). Le texte de cette face est bien en lien avec l’iconographie : Caute//C(a)elum.

Sur la face latérale droite, Cautopatès, qui apparaît aussi dans un temple distyle, a également les jambes croisées mais il tient une torche baissée comme cela est le cas dans les autres représentations de ce personnage ; cela symbolise le soleil couchant. Sous ce personnage se trouve Océan nu. Le dieu est ici barbu et chevelu ; il est à demi étendu sur un rocher. Sa main droite tient un maillet, sa main gauche un torque : ces deux objets d’origine celtique sont ici remarquables car peu présents dans les œuvres consacrées à Mithra. À nouveau, le texte de cette face est bien en lien avec l’iconographie : Cau(o)p(ate) // Oceanum.

Cet autel place donc la naissance de Mithra pétrogène entre le ciel (comme le montrent le décor de la face latérale gauche et la présence de Jupiter et Cautès) et la mer (comme le montrent le décor de la face latérale droite et la présence d’Oceanus).

4. La Divinité à tête de lion.

Statue léontocéphale

© Wikimedia commons

Elle est conservée au Louvre. Voici ses caractéristiques techniques : H. 110 cm x l. 32 cm x 30 cm ; son poids est compris entre environ 100 et 150 kg ; elle est en marbre à grain très fin.

Outre la qualité esthétique même de cette sculpture, ce qui importe ici est son originalité. En effet, ce personnage est dit “léontocéphale” car il a une tête de lion, ce qui lui donnait sûrement une place particulière dans le culte de Mithra.

Contextualisation :

Cette Divinité à tête de lion appartient à un groupe de neuf pièces. Les circonstances dans lesquelles ce groupe a été amené en France à la fin du XIXe sont particulières. En effet, Edmond Durighello n’a pas révélé l’emplacement précis de sa découverte mais a seulement indiqué qu’il se trouvait dans un mithreum situé à Sidon (l’actuelle Saïda au Liban).

Analyse de l’inscription :

Sur la base de cette statue, vous pouvez déchiffrer l’inscription suivante :

Φλ. Γερόντιος πατὴρ νόμιμος, ἀνεθέμην τῷ φʹ ἔτει.

On peut traduire ainsi : Flavios Gerontios, pater nomimos j’ai consacré (cette statue) en l’an 500.

Nous n’avons que très peu d’informations sur Flavios Gerontios, dont le nom semble assez répandu à la fin de l’Antiquité : il a également offert deux autres statues dont Mithra taurochtone.
Le titre de pater nomimos doit sans doute être rapproché du titre de Pater, le plus élevé de la hiérarchie des initiés au culte mithriaque.
L’année 500 s’explique si l’on considère que cela correspond à l’ère de Sidon (cette cité avait en effet institué une ère autonome pour compter les années) soit en 390 avant J.-C.

Description de la statue :

Ce personnage masculin est nu, adossé à un tronc d’arbre, ses pieds sont joints et ses bras collés contre ses cuisses. Il porte quatre ailes dans le dos. Dans la main gauche il tient un objet qui a pu être rapproché de l’ankh égyptien ; dans la main droite, il s’agit d’une sorte de boucle. Un serpent dont les écailles sont finement ciselées est enroulé autour de son corps, sa tête arrivant sous la gueule du lion. Le lion est particulièrement travaillé ; sa gueule est ouverte et l’on peut voir ses crocs ainsi que sa langue qui est tirée. Les cheveux représentent ceux d’un humain et non la crinière d’un lion.

Un trou que l’on discerne particulièrement bien à l’arrière du crâne trouve sa sortie dans la gueule de l’animal. Une hypothèse est que ce trou pouvait contribuer à envoyer de l’air pour allumer le feu d’un foyer suspendu ou placé sur un support devant la statue.

L’identification de cette statue est très hypothétique.
Ce personnage léontocéphale a pu être nommé A(h)riman mais il faut être attentif au fait qu’il n’avait pas pour autant la portée attribuée au dieu Ahriman dans le zoroastrisme (religion apparue vers le deuxième millénaire avant J.-C., qui tire son nom de son prophète né en Iran oriental, Zarathoustra, transcrit en Zoroastre par les Grecs). A(h)riman est une divinité maléfique mais dans le contexte des communautés mithriaques, sa personnalité apparaît bien différente ; il s'agirait plutôt ici d’une divinité cosmique. En effet, il peut être interprété comme une représentation personnifiée du Temps, des cycles solaires et saisonniers (en lien direct avec l’histoire de Mithra donc), les cycles solaires et terrestres étant symbolisés par les anneaux du serpent.

D’autres chercheurs associent ce personnage léontocéphale à un dieu de la cosmogonie orphique : Aiôn-Chronos car il possède certains éléments présents sur d’autres statues de ce type, à savoir la tête de lion, les ailes et le serpent ; aussi, il tient un sceptre et des clefs qui sont les attributs d’Aiôn, mais à nouveau, rien n’est assuré.

Il faut ici se souvenir que ce sont sans doute des soldats et des marchands qui sont allés en Orient et qui ont repris des éléments du zoroastrisme dans le culte de Mithra. Cependant, ils les ont réorganisés : ainsi, des noms peuvent avoir été conservés mais pas les concepts qui leur étaient associés.

Bibliographie complémentaire :

  • E. Will, “La date du mithreum de Sidon”, Syria (1950), p. 261-269.
  • D. Braunstein, “L’emploi du trépan dans la sculpture archaïque : la technique du trépan courant”, Bulletin de Correspondance Hellénique (2010), pp. 71-96.
  • Et surtout : F. Baratte, “Le mithreum de Sidon : certitudes et questions”, Topoi, volume 1/11, 2001, pp. 205-227.

5. Vase à décor mithriaque et le Poinçon matrice à décor mithriaque

 

Vase

© wikimedia commons

Voici le Vase à décor mithriaque et le Poinçon matrice à décor mithriaque. Ils sont tous les deux conservés au musée de Lezoux (Puy-de-Dôme). Voici leurs caractéristiques techniques : pour le vase : H. 25,7 cm x D. panse 23 cm ; pour le poinçon : H. 3,8 cm x L. 8,9 cm x l. 8,4 cm ; ils sont en terre cuite.

Ce qui est remarquable ici, c’est l’iconographie mithriaque présente sur un support particulièrement répandu durant l’antiquité (la sigillée).

Contextualisation :

Ces œuvres ont été trouvées au cours de fouilles dans le uicus (quartier) de potiers de Lezoux dans le Puy-de-Dôme. Ce uicus était un important centre de production de sigillée. À ce jour, aucun élément ne permet d’affirmer qu’il y ait eu un lieu de culte consacré à Mithra à proximité de Lezoux. Ce vase fabriqué à Lezoux était destiné à être exporté ; il y a donc une diffusion de l'iconographie mithriaque hors des sanctuaires consacrés à Mithra.

Le poinçon a servi à décorer ce vase : ces objets partagent donc la même thématique mithriaque, et il faut attribuer les différences de détails entre le Vase et le Poinçon au fait que le poinçon était appliqué sur de l’argile humide. Lezoux était un centre important de production de céramique sigillée et la présence de ces objets permet d’avancer que ce sont sûrement de très nombreux vases à reliefs mithriaques qui ont été produits à cet endroit.

Description :

La forme du vase est classique ; elle permettait de mélanger ou de contenir du vin et de l’eau. La finition n’est pas toujours soignée et a pu effacer certains détails.

Le personnage féminin (Abondance ou Fortune) tient une grande corne d’abondance, qui est un motif à la fois traditionnel et mithriaque (même si ce dernier apparaît peu). Elle porte une longue robe avec une ceinture à la taille. Un personnage nu aux jambes de bouc joue de la syrinx (flûte de Pan) : il s’agit du dieu Pan. Un petit personnage est debout, les jambes croisées ; il tient une torche vers le haut : c’est le dadophore Cautès. On retrouve également un chien (mais le décor est abîmé), animal présent dans d’autres œuvres (voir le Mithra tauroctone par exemple). Mithra est représenté en train de poignarder un taureau, il est assis sur l’animal qu’il tient par ses naseaux. On peut le reconnaître grâce à son bonnet phrygien. Un arbre à trois branches avec de nombreuses feuilles parcourt le motif. La symbolique de l’abondance, du renouveau, est bien présente ici.

Des éléments habituellement présents dans d’autres œuvres mithriaques manquent ; ainsi, il n’y a pas le second dadophore Cautopatès qui tient sa torche vers le bas, le serpent, le scorpion, le soleil, etc. Par contre, d’autres éléments qui ne sont pas habituellement présents se retrouvent ici comme le personnage féminin qui tient une corne d’abondance et le dieu Pan. Pour cette raison, certains chercheurs ont considéré que ces deux œuvres montraient une adaptation des décors mithriaques traditionnels selon les goûts des commanditaires et des fabricants, et peut-être aussi du fait des possibilités offertes par ce contexte de production ; il serait ainsi possible que ce décor mêle des motifs mithriaques à des représentations plus locales de la divinité des récoltes, motif particulièrement répandu dans un territoire aussi agricole que celui de Lezoux.

Bibliographie complémentaire :

  • H. Vertet, “Quel sens donner au vase mithriaque fabriqué dans l’atelier de potier de Lezoux ?”, Hommages à Lucien Lerat - Annales littéraires de l’Université de Besançon (1984), p. 849-862.
  • J.-M. Demarolle, “Les décors de la sigillée ornée du Haut-Empire en Gaule : essai de synthèse sur un type de discours iconographique”, Revue des Études Anciennes (1996), pp. 389-412.
  • J. Brodeur et M. Mortreau, “Le culte de Mithra à Angers”, Rapport d’activités 2010, Paris, Inrap, pp. 22-23.

 

6. Un Autel dédié au dieu “Arimanius” par un lion et d’un Autel offert par un corbeau.

autel lion

© wikimedia commons

autel corbeau

© wikimedia commons

 

Il s’agit d’un Autel dédié au dieu “Arimanius” par un lion et d’un Autel offert par un corbeau. Le premier est conservé au musée de Budapest (Hongrie) et le second au Speyer Historisches Museum der Pfalz (situé à Spire en Allemagne). Voici leurs caractéristiques techniques : pour le premier : H. 80 cm x L. 50 cm ; pour le second : H. 105 cm x L. 67 cm x P. 39 cm, poids : environ 300 kg. Les deux sont en calcaire.

Ces objets sont intéressants car ils montrent différents grades et prouvent que différents statuts ont pu dédicacer des stèles à Mithra.

Autel dédié au dieu “Arimanius” par un lion :

Contextualisation :

Cette inscription autrefois peinte en rouge vient de la cité d’Aquincum, près de Budapest. Ici, c’est Libella, sans doute un esclave, qui avait le grade de Leo, grade au centre de l’échelle des grades des adeptes de Mithra, qui a dédicacé cette stèle. Le Leo s’assurait durant les cérémonies de la purification de l’espace par le feu et l’encens ; peut-être était-il en charge de la cuisson des aliments.

Analyse de l’inscription :

Voici l’inscription que vous pouvez déchiffrer sur cette statue :

Deo Arimanio Libella leo fratribus uoto dic(auit)

Que l’on peut traduire ainsi : Au dieu Arimanius, Libella, (du grade du) Lion, a dédié [ce monument] pour ses frères, après un vœu.

Précisions :

A(h)riman est un nom qui appartient au zoroastrisme (religion apparue vers le deuxième millénaire avant J.-C., qui tire son nom de son prophète né au Nord-Est de l’Iran, Zarathoustra transcrit en Zoroastre par les Grecs). C’est l’esprit du Mal, il est opposé à Ahura-Mazda, le dieu du Bien. Selon cette tradition, A(h)riman a tué le taureau créé par l’esprit du Bien Ahura- Mazdâ et, par ce meurtre, il a fait naître les animaux et les végétaux. Il existe peu d’inscriptions avec la mention du dieu A(h)riman et c’est toujours en lien avec le culte de Mithra.

Autel offert par un corbeau

Contextualisation :

Cet autel (l’un des autels mithriaques occidentaux les plus tardifs) a pu être daté du début du IVe siècle ; il a été découvert dans une riche villa au cœur de la campagne du sud-ouest de l’Allemagne à Gimmeldingen. Son écriture semble maladroite : les lignes ne sont pas régulières et droites.

Analyse de l’inscription :

Voici l’inscription que vous pouvez déchiffrer sur cette statue (attention, plusieurs mots semblent comporter des fautes : inuihto pour inuicto ; Fautinus pour Faustinus et carx pour corax). Il est probable que celui qui a gravé l’inscription (le lapicide) ne connaissait pas bien le latin.

In h(onorem) d(omus) d(iuinae) / Deo / inuihto / Materninius / Fautinus carx / in suo posuit /l(ibens) l(aetus) m(erito).

Que l’on peut traduire ainsi : En l’honneur de la maison divine, au dieu invincible, Materninius Faustinus (du grade du) Corbeau, sur son terrain, a déposé [cet autel], de bon gré, avec joie et à juste titre.

Précisions :

Les lettres INHDD présentes sur la première ligne de l’inscription montrent que Materninius Faustinus, qui était probablement d’origine germanique ou gauloise, a fait préparer cette inscription en l’honneur de la maison divine, soit ici en l’honneur de l’empereur Constantin qui était pourtant chrétien. C’est ici un propriétaire terrien qui a effectué cette commande. Le grade du Corax était le plus modeste des grades du culte mithriaque.

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Le Musée Saint-Raymond, musée d’archéologie de Toulouse, a proposé en 2022 une exposition consacrée au culte de Mithra : Le Mystère Mithra, plongée au cœur d’un culte romain. Les documents ci-après sont issus du livret pédagogique associé à cette exposition.

Liens avec les programmes

COLLÈGE

Programme de l'enseignement de complément

  • Classes de 5e et 4e : la religion romaine, divinités, rites et fêtes
  • Classe de 3e : polythéisme et monothéisme 

LYCÉE

Programme de l'enseignement optionnel

  • Classe de seconde : l'homme et l'animal (amis ou ennemis ?), Méditerranée (une mosaïque de peuples)
  • Classe de première : les dieux dans la cité (les cultes et les dieux étrangers dans la cité)

Programme de l'enseignement de spécialité LLCA : 

  • Classe de première : Méditerranées (d'une rive à l'autre, échanges culturels, influences réciproques)
  • Classe terminale : croire, savoir, douter (polythéismes et monothéismes)

CLASSES MARE NOSTRUM 

  • Les échanges autour de la Méditerranée
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