Jardins, parcs et céréales des champs Quelques champs sémantiques éclairés par l’histoire de la langue

Le mot jardin

Le mot « jardin » vient du francique *gart ou *gardo. Au Moyen-Âge, il a pris la forme « gart » ou « jart », dont « jardin » est un dérivé. Attesté en latin médiéval dès le Xè siècle (gardinium), il a été formé en gallo-roman, sans doute à partir d’un adjectif joint à hortus (*hortus gardinium : « jardin entouré d’une clôture », le mot gotique garda signifiant « clôture »). L’italien giardino et l’espagnol jardin sont des emprunts au français comme l’anglais garden, prolongement du normand gardin. Si les dérivés « jardinage » (1281), « jardiner » (XIVè siècle), « jardinet » (XIIIè siècle), « jardinier » (XIIè siècle) viennent directement de « jardin », garden party est un emprunt récent (1885) à l’anglais. Jardin potager et jardin d’agrément étaient confondus au Moyen-Âge et à la Renaissance : des carrés de légumes entourés de buis et ornés de fleurs étaient bordés par des allées étroites comme le montre la reconstitution des anciens jardins de Villandry. On le voit, le latin hortus n’apparaît plus en français que dans des dérivés savants comme « horticole » ou « horticulture ». Toutefois dans les parlers du Midi ou en Picardie, il subsiste sous une forme dialectale. Les « hortillons », par exemple, sont des maraîchers qui cultivent les jardins irrigués par les affluents de la Somme.

 

Le mot parc

Le mot « parc », qui désigne proprement un enclos, est attesté dès le VIIIè siècle dans la Loi Ripuaire sous la forme parricus, dérivée d’un pré-latin *parra « perche », conservé dans l’espagnol parra (« espalier ») et, avec une consonne sonore, dans le français « barre ». Cette racine est aussi à l’origine de mots de même sens, ou de sens voisin, en gascon, lombard, allemand, anglais, languedocien, gallois, irlandais, breton. Le français « parc » a signifié aussi « camp retranché » aux XIVè et XVè siècles, sens qu’il a cédé à « camp ». Mais un parc est toujours un espace entouré de murs ou de clôture. Au Moyen-Âge, les parcs des châteaux nourrissaient les bêtes sauvages destinées à être chassées. Le parc, à l’intérieur de limites fixées, s’opposait ainsi à la forêt (du latin foris : « en dehors »). Le mot a pu désigner l’enceinte d’un camp militaire ou l’espace limité par des filets destinés à retenir le gibier à chasser. À l’époque moderne, le parc, plus vaste que le jardin, sert à l’agrément mais continue à être clos. Le mot a toutefois des spécialisations d’usage : le parc à moutons est entouré de claies comme le parc à huîtres d’où son nom de clayères, les parcs de mer sont limités par des filets. Le mot peut encore désigner couramment le lieu clos où l’enfant s’ébat sans danger.

De nombreux dérivés ont été formés à partir de cette racine : « parquer » et « parquage » (XIVè siècle), « parquet » (1339), « parqueter » (1680), « parquetage » (1676), « parqueteur » (1691), « parqueterie » (1835). Diminutif de « parc », « parquet » a désigné un petit parc chez Buffon et dans les parlers du Centre mais a pris, dès le XIVè siècle, le sens de « partie d’une salle de justice où se tiennent les juges » à cause de la barre qui sépare cette partie du reste de la salle et, à la Bourse, la partie où se tiennent les agents de change. Autrefois, dans les théâtres, on appelait « parquet » les places situées entre les musiciens et le parterre (aujourd’hui les fauteuils d’orchestre). De l’emploi de « parquet », au sens de petit enclos planchéié ou de plancher du parquet du tribunal, dérive le sens actuel du mot « parquet » en menuiserie. Si ce dernier n’a plus la signification de « petit parc », le mot « parc », en revanche, a conservé une belle continuité de sens.

 

Les céréales des champs

L’été, c’est le temps des fruits mais aussi celui des céréales qui apportent, depuis bien des siècles, aux hommes et aux animaux, la nourriture essentielle de l’année. Aussi les mots qui les désignent ont-ils une histoire qui peut intéresser les curieux de la langue française.

L’origine du mot blé, céréale très anciennement cultivée en Europe, surprend : il ne vient pas du latin frumentum (qui a donné froment, mot littéraire ou plus précis qui désigne la meilleure qualité de blé) mais sans doute du germanique blad (produit d’un champ) qui a donné en ancien français blef et se trouve à l’origine d’emblaver et d’emblavure (ensemencement d’une terre). Du verbe déblayer, d’abord enlever le blé du champ, sont dérivés déblai, déblayement, et ensuite remblayer et remblai. Le mot blé a été associé à des qualificatifs ou des déterminants pour désigner le sarrazin (blé noir), le maïs (blé d’Espagne, blé de Turquie, blé d’Italie), céréales apparues seulement aux XVè et XVIè siècles.

Le sarrazin, sans doute à cause de son origine orientale, porte le nom donné au Moyen-Âge à tous les peuples d’Orient de religion musulmane. A l’origine, Sarraceni, devenu en français Sarrazin, désignait en latin un peuple d’Arabie.

Le maïs fait figure de nouvel arrivé puisqu’il a été importé d’Amérique au début du XVIè siècle sous le nom donné à cette céréale par un peuple de l’île de Haïti.

Le riz est mentionné dès le XIVè siècle, sous la forme ris, empruntée à l’italien riso, du latin oryza, lui-même emprunté d’un mot grec d’origine orientale. Le "z" a été conservé sans doute pour éviter la confusion avec le mot ris, déjà employé dans la langue (un ris, un ris de veau).

Mais les autres céréales sont plus anciennes et d’origine latine : le seigle, du latin secale (« ce que l’on coupe ») avec des formes seille ou soile attestées dialectalement ou en ancien français ; l’orge, du latin hordeum qui était neutre mais a donné un mot féminin sauf dans orge perlé et orge mondé ; l’avoine, du latin avena ; le mil, du latin milium, remplacé par le diminutif millet, et sans doute très répandu jusqu’au XVIIè siècle si l’on en juge par les allusions littéraires.

On le voit donc, les céréales, à l’exception du mot blé et des céréales exotiques, portent des noms d’origine latine et ont gardé jusqu’à nos jours les mêmes dénominations.

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