IV- ORGANISATION ADMINISTRATIVE ET TERRITORIALE

L'organisation administrative et territoriale de l'Athènes démocratique remonte à la réforme de Clisthène, au début du V° siècle. Pour en finir avec les systèmes qui avaient précédé ou qui menaçaient de s'instaurer à Athènes à l'imitation des autres cités (tyrannie, oligarchie), le réformateur mit en place un système qui ne devait rien au passé tout en permettant de donner effectivement et durablement le pouvoir au plus grand nombre.

Les tribus, les dèmes et les trittyes

Aux quatre tribus originelles, structure clanique remontant aux origines de la cité, Clisthène substitue un ensemble de 10 tribus complètement nouvelles, reposant désormais sur une répartition territoriale, sans aucun rapport avec les origines familiales. Mais il fait aussi en sorte que la nouvelle tribu repose désormais sur une structure purement politique en supprimant également l'identité géographique. Pour cela, il conserve l'ancienne subdivision en trittyes (tiers) mais - c'est là sans doute le côté le plus original de sa réforme- chacune des trois trittyes appartient désormais à une région différente de l'Attique.

Les 3 régions :

  • la zone urbaine :τὸ ἄστυ (astu)
  • la zone rurale : ἡ μεσόγεια (χώρα) (mésogée)
  • la zone côtière : ἡ παράλια (χώρα) (paralia)

10 tribus, 100 dèmes, 10 mois de l'année voient se renouveler la présidence de la 500 bouleutes (50 par tribu), 6000 héliastes (600 par tribu : il ne fait aucun doute que, pour en finir avec le régime oligarchique, Clisthène met en place une organisation de type géométrique dont la logique se prête mieux à la représentation arithmétique des citoyens dans les rouages de l'état. Un tel bouleversement n'a pu être mis en œuvre que parce qu'il était accompagné d'une redifinition complète de la citoyenneté (accroisssement du nombre de citoyens, accès des plus pauvres à l'Assemblée, exercice des magistratures ...). Les révolutionnaires français de 1790 ne procéderont pas autrement en généralisant le système décimal, en substituant les communes aux paroisses, en créant les départements et en s'attachant à faire disparaître le rôle historique des provinces.
Dans la perspective démocratique qui est la nôtre, il peut être intéressant de comparer les deux périodes pour étudier l'influence durable d'une vision politique sur l'organisation administrative d'un territoire et la vie politique de ses citoyens.

Le Dème

Le dème constitue une entité démographique et géographique comparable à une paroisse ou à une commune. A l'origine de la cité, il regroupait une communauté de familles vivant sur le même territoire. Au début du V° siècle, en remodelant complètement l'espace civique, Clisthène en avait fait la première pierre de l'édifice administratif et politique qu'il construisait. Pendant toute la période démocratique, le dème fut l'unité administrative de base de la citoyenneté.

  • Chaque citoyen est enregistré et nommé en fonction de son dème et non plus seulement de son nom patronymique. Son nom de dème est le demotikon (τὸ δημοτικόν).
  • C'est dans le dème qu'est dressé et soigneusement tenu à jour le registre des citoyens (ὁ πίναξ ἐκκλησιαστικός, le pinax ecclesiastikos , "tableau des participants à l'assemblée") et à ce même niveau que sont déclarés et enregistrés les métèques. Les jeunes citoyens parvenus à leur majorité sont inscrits dans un registre spécifique : le ληξιαρχικὸν γραμματεῖον (lexiarchikon grammateion). Ces registres servent également à la levée des troupes en cas de mobilisation des citoyens-soldats.
  • Chaque dème est tenu de proposer ses représentants au Conseil des Cinq-Cents, en nombre variable selon leur importance. Les bouleutes étant au nombre de 50 par tribu, certains dèmes n'envoyent qu'un seul représentant et d'autres, plus peuplés, en ont plus d'une dizaine.
  • Le fonctionnement des institutions est assuré par un démarque (ὁ δήμαρχος), dont les prérogatives sont purement locales. Il est désigné tous les ans par l'assemblée des citoyens du dème, les démotes, (οἱ δημόται).

Le nombre des dèmes semble avoir varié de 100 à 139 pendant la période démocratique. Strabon en recense 174 au I° siècle, ce qui prouve que l'organisation a perduré, mais du V° au IV° siècle, l'évolution de la situation démographique eut une influence notable sur le fonctionnement des institutions. La zone urbaine accrut sans cesse sa population alors que les dèmes ruraux se dépeuplaient.
Dès le milieu du V° siècle et surtout au IV° siècle, la transmission de la citoyenneté étant héréditaire, de nombreux citoyens se trouvaient administrativement membres d'un dème dans lequel ils n'habitaient pas et même parfois où leur famille ne résidait plus depuis plusieurs générations.
Ces citoyens assistaient-ils à l'assemblée et participaient-ils à la vie politique de leur dème ? C'est peu probable. S'il était difficile à un habitant d'un dème rural de se rendre à l'Ecclesia, un habitant de la ville devait se sentir encore moins motivé pour aller assister à l'assemblée du dème de la Mésogée ou de la Paralia dans lequel il était inscrit. Il est vraisemblable, par contre, que les citoyens des dèmes ruraux résidant en ville étaient plus souvent désignés ou se portaient plus volontiers candidats à des charges politiques.

La trittye

L'importance politique de la trittye est difficile à cerner. Son nom la définit avant tout comme un "tiers" de la tribu. Structure intermédiaire, elle sert à rassembler les citoyens des différents dèmes et à répartir leurs représentants dans les divers organes de l'État. Elle ne fonctionne que dans ce cadre, associée à deux trittyes appartenant aux deux autres zones géographiques.

A l'échelon local, contrairement au dème, elle ne dispose d'aucun pouvoir local et n'a pas d'assemblée propre. Aucun registre n'est tenu à ce niveau. Il n'y a pas non plus de chef de trittye.
Les citoyens sont identifiés par leur appartenance à un dème et une tribu, mais pas à une trittye.

La trittye sert donc avant tout à regrouper des dèmes afin de les associer ensuite dans le cadre d'une tribu à des dèmes appartenant à une des deux autres régions.
Comment les trittyes se partageaient-elles les rôles à l'intérieur d'une tribu ?
Au Conseil des Cinq-Cents, chacune disposait de cinquante bouleutes. Ce nombre n'étant pas divisible par trois, il est probable que, dans les premiers temps du régime démocratique, deux trittyes disposaient de 17 représentants et la troisième de 16. Par la suite, il arriva qu'une trittye, regroupant des dèmes plus peuplés, fournisse à elle seule l'essentiel des bouletes de la tribu. La seule fonction spécifique connue du groupe de bouleutes appartenant à la même trittye était de veiller sur la tholos (ἡ θόλος) du Prytanée pendant la durée du mandat de l'épistate, soit une journée.

Les trittyes sont au nombre de trente. Chacune regroupe un nombre de dèmes qui peut être variable. Étant donné que 139 dèmes se répartissent en trente trittyes, la moyenne est de quatre à cinq dèmes par trittye mais sur la carte ci-contre, on voit que la situation est très variable. Il est presque certain qu' au départ la répartition des dèmes dans les trittyes avait été faite de telle sorte que celles-ci constituent des entités géographiques homogènes mais aussi afin qu'elles soient à peu près équivalentes en termes de population. De la réforme de Clisthène aux derniers jours du fonctionnement des institutions démocratiques, il y eut de temps à autre des ajustements et redistributions de dèmes à l'intérieur des trittyes, probablement dans un souci de rééquilibrage démographique. La carte montre que certains dèmes pouvaient même se trouver très isolés des autres dèmes de leur trittye à condition qu'ils figurent dans la même région géographique (zone urbaine, rurale ou côtière).

La Tribu

Depuis la réforme de Clisthène, l'Attique est divisée en dix tribus constituées de trois trittyes venant chacune d'une région différente : zone urbaine, rurale et côtière. Si le dème est la base de l'organisation administrative et territoriale, la tribu est essentielle à l'exercice effectif de la citoyenneté.

Le nom des tribus

L'abolition de l'ancienne structure clanique avait permis de définir une nouvelle citoyenneté mais privait également la cité d'une partie de ses origines mythiques. Pour redonner un fondement héroïque à la nouvelle organisation, on attribua à chaque nouvelle tribu un ancêtre fictif dit "éponyme" (ἐπώνυμος, celui qui donne son nom). Sur l'Agora un monument spécifique était dédié à ces "héros éponymes". Sa fonction était éminemment citoyenne puisque c'est là qu'on affichait les décrets et les convocations pour les sessions de l'Ecclesia.

La fonction des tribus

Chaque tribu est présidée par un triumvirat constitué a partir des trois trittyes qui la constituent. Sa fonction principale est, au cours d'une assemblée annuelle, de désigner les citoyens qui participent pour une année au gouvernement de la cité, sur les plans exécutif, législatif, judiciaire et militaire.

  • Au sein de chaque tribu sont désignés 50 bouleutes, venant des différents dèmes qui la constituent. C'est l'addition des bouleutes de ces 10 tribus qui constitue le Conseil des Cinq-Cents. Chaque tribu prend tour à tour en charge le fonctionnement du Conseil, pendant un mois en exerçant la prytanie. On l'appelle appelle alors φυλὴ πρυτανεύουσα (phulè prutaneousa)
  • Chaque tribu tire également au sort 600 citoyens qui constituent pendant un an un dixième du corps des héliastes. Ceux-ci participent ensuite à un tirage au sort quotidien et centralisé qui les répartit entre les différents tribunaux de l'Héliée.
  • C'est aussi au sein de la tribu que les citoyens se portent candidats à l'exercice d'une magistrature. Les volontaires retenus par leur tribu font ensuite l'objet d'un tirage au sort centralisé qui a lieu tous les ans sur l'Agora.
  • Enfin, le recrutement de l'armée s'effectue sur la même base. Les régiments sont au nombre de 10, soit un par tribu, qu'il s'agisse d'infanterie ou de cavalerie, chacun ayant à sa tête un commandant issu de la même tribu. Il semble cependant que la marine, composée uniquement des thètes, était recrutée de manière différente en s'appuyant davantage sur le système des trittyes et les anciennes naucraries.

Les dix tribus :

  • I. les Erechtéides (οἱ Ἑρεχθηΐδαι). Héros éponyme = Erechtée
  • II. les Egéides (οἱ Ἁιγείδαι). Héros éponyme = Égée
  • III. les Pandionides (οἱ Πανδιονίδαι). Héros éponyme = Pandion
  • IV. les Leontides (οἱ Λεοντίδαι).
  • V. les Akamantides (οἱ Ἀκαμαντίδαι.) Héros éponyme = Akamas
  • VI. les Oeneides (οἱ Οἰνείδαι). Héros éponyme = Oenée
  • VII. les Cécropides (οἱ Κεκροπίδαι). Héros éponyme = Cécrops
  • VIII. les Hippothoontides (οἱ Ἱπποθοωντίδαι). Héros éponyme = Hipoothoon
  • IX. les Aiantides (οἱ Ἀιαντίδαι).Héros éponyme = Aiantis
  • X. les Antiochides (οἱ Ἁντιοχίδαι). Héros éponyme = Antiochos

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