Emporion / Emporiae - Une cité ibérique au croisement des cultures grecque et latine Mare nostrum- Espagne

L’histoire de la cité

Lorsque les Phocéens grecs s’installent à Emporion, au VIè siècle avant J.-C., ils fondent un comptoir de commerce et non une colonie, ce qui explique que la naissance de la cité n'a rien à voir avec celle de Marseille, par exemple. Ni mythe de fondation ni fondateur ne sont connus ; l'établissement n'excède pas deux ou trois hectares et, même si Strabon affirme que la richesse de l’emplacement tient à la fertilité du sol, l'archéologie n'a pas pu reconnaître une production propre ; la redistribution commerciale est l'activité essentielle qui unit les Grecs sur la mer et les indigènes sur la terre. Ces deux peuples sont cependant séparés matériellement par une muraille surveillée par des gardes, ce qui traduit leur défiance et leur réciprocité mutuelle, même si, plus tard, des lois communes entre Grecs et indigènes seront établies, comme l’affirme Strabon. D'après les sources littéraires – Tite-Live et Strabon – il existe une ville indigène à côté de la colonie grecque. Malgré les nombreuses controverses à ce sujet, on peut affirmer aujourd’hui que la relation avec l’arrière-pays immédiat semble toujours avoir été un facteur essentiel pour générer des ressources nécessaires à sa subsistance et pour produire des céréales ensuite commercialisées par la mer.

Le développement du site d’Emporion-Emporiae se divise en trois périodes qui correspondent à trois étapes d’occupation du site :

1. La παλαιόπολις (Palaiopolis ou Paléopolis), cité des fondateurs, située sur une île proche de la côte, de dimensions modestes, facile à défendre, dominant une anse aménageable en port. Cette ville ancienne est un ancien îlot aujourd’hui rattaché au continent car le port antique a été recouvert. La vie de cette cité est mal connue car on y a fait que peu de fouilles en raison d’un habitat très dense ; on a cependant découvert quelques vestiges d’une enceinte grecque du IVè siècle avant J.-C. probablement, et quelques traces d’habitat romain. D’après les textes, la ville était connue pour un temple dédié à la célèbre déesse Artémis d'Éphèse, dont les vestiges n'ont pas encore été retrouvés.

2. La νεάπολις (Néapolis), nouvelle ville grecque, est fondée en 530 av. J.-C., à la suite de la prise de Phocée par le roi perse Cyrus II (546 avant J.-C.). La population de la cité augmente alors considérablement grâce à l'afflux de réfugiés phocéens qui s’installent en Méditerranée occidentale. Malgré la forte influence carthaginoise dans la région, la ville garde son caractère hellénique indépendant. Des accords politiques et commerciaux sont conclus avec la population indigène de la ville voisine d'Indika. Située sur la route commerciale côtière entre Massalia (Marseille) et Tartessos dans l'extrême Sud de l'Hispanie, la cité devient un grand centre économique et commercial ainsi que la plus grande colonie grecque de la Péninsule ibérique. L'un des principaux partenaires commerciaux est Carthage, ce qui explique la ressemblance entre leurs deux monnaies : d'un côté, on peut voir Perséphone tenant un épi de blé, de l'autre un cheval ailé. A cette époque, la cité contient deux sanctuaires : le premier se trouve probablement à l'extérieur des murs d'origine, ce qui le rend également accessible aux Indigètes, la population locale, mais il est mal connu car il est remplacé au IVè siècle par un autre temple ; le second, à l’intérieur des murailles, construit sur une haute terrasse, est certainement dédié à Asklépios, fils d’Apollon et dieu de la guérison, comme le prouve la statue retrouvée, certainement d’origine grecque et réalisée en marbres blancs du Pentélique et de Paros. Pour protéger la cité des Indigètes, on construit alors, entre les Vè et IVè siècles, une enceinte fortifiée de 200 x 130 m dont les vestiges sont encore visibles au Sud.

3. La ville romaine est située en hauteur : elle est établie sur le large plateau qui domine le port et les quartiers grecs. Elle est structurée en deux parties bien distinctes : le port où s’activent les artisans et le peuple ; le quartier des vastes et somptueuses domus où demeurent les riches négociants romains.

Après la Première Guerre Punique (264-241), la monnaie d’Emporiae change de visage : on remplace Perséphone par Arethusa de Syracuse, ce qui traduit une politique nettement anti-carthaginoise. De plus, pour se protéger de l’influence de Carthage, on reconstruit la muraille de la cité et on signe en 226 avant J.-C. le traité de l'Èbre, qui délimite les zones d’influences respectives de Rome et Carthage. Emporiae reste une cité-état indépendante mais sert de base alliée à Publius Cornelius Scipio, dit « Scipion l’Africain », qui lance la conquête de l'Hispanie en 218 avant J.-C. La domination d'Hannibal dans la Péninsule ibérique étant croissante, Rome décide de passer un accord avec la cité de Sagonte, située en zone d’influence carthaginoise et la déclare sous protectorat romain. Le traité étant violé, Hannibal assiège Sagonte : c’est le début de la Deuxième Guerre Punique (218-202).

En 197 avant J.-C., au terme du conflit entre Rome et Carthage, la création des provinces de Citérieure et d’Ultérieure marque le début de l’installation romaine à Emporiae.

Les tribus locales Indigètes se révoltent contre l’autorité romaine mais Marcus Porcius Cato est envoyé pour rétablir l’ordre : il y parvient en 195 avant J.-C. et installe, à l’Ouest de la ville grecque, une colonie militaire de 4000 soldats. La ville se développe : le port est agrandi ; une jetée est ajoutée à l’Est de la cité ; on reconstruit le temple d’Asklépios ; on construit un temple d'Isis et de Sérapis, une grande citerne publique, une usine de salaison et la place du forum.

Entre les IIè et Ier siècles avant J.-C., la base militaire est démantelée et une nouvelle ville civile, au plan rectangulaire et d’une superficie d’environ 22 hectares, est construite. Il se peut que la construction de cette ville ait fait partie d'un projet plus vaste, datant de 118 avant J.-C. et visant à développer la Via Domitia, située entre les embouchures de l'Èbre et du Rhône.

Plus tard, pendant la guerre civile entre Pompée et César, la cité prend parti pour Pompée et perd son autonomie : en 45 avant J.-C., les Romains y installent une colonie d'anciens combattants romains pour contrôler la région. La muraille de la cité est reconstruite. Le forum de la ville est réorganisé et de nouveaux temples sont ajoutés au sanctuaire principal, qui devient un sanctuaire dédié au culte impérial. C’est de cette époque aussi que datent les monuments suivants : amphithéâtre, palestre, thermes, demeures luxueuses aux splendides mosaïques.

A l’époque d’Auguste, après avoir existé indépendamment l’une de l’autre, les fondations grecque et romaine sont réunies par une nouvelle muraille commune en un municipium Emporiae (municipe, cité annexée par Rome et dont les habitants jouissent des droits civils, mais pas politiques ainsi que de la citoyenneté romaine).

La ville atteint son apogée aux Ier et IIè siècles après J.-C. Ensuite, Emporiae commence à décliner, obscurcie par la puissance de Tarraco (Tarragone) et Barcino (Barcelone). A la fin du IIIème s., elle devient l'une des premières villes d'Espagne à accueillir les Chrétiens. Au IVè siècle après J.-C., un petit sanctuaire chrétien est construit près du forum de la Néapolis ; c’est peut-être grâce à cette communauté que la statue d’Asklépios est conservée car on l’a retrouvée dans une citerne datant de cette époque. La cité est ensuite envahie par les Wisigoths puis par les Normands. La ville grecque est abandonnée tandis que la ville romaine survit.

En 718, les Musulmans s’installent dans la vieille ville puis les Francs l’occupent à leur tour jusqu'aux raids des Vikings au milieu du IXè siècle. L'endroit étant devenu peu à peu insalubre, les populations des alentours se regroupent pour fonder, à 15 km au Nord, la cité épiscopale de Castelló d'Empúries.

 

L’architecture de la cité

Plan

Carte du site archéologique d’Emporiae, © Wikimedia commons

 

La partie la plus ancienne de la ville est organisée autour du port, situé entre la Palaiopolis et la Néapolis. Aujourd’hui, il est entièrement ensablé mais, au bout de l’ancienne jetée, subsiste le môle antique, long de 80 mètres environ et constitué d’un parement double, en opus quadratum (grand appareil) rempli d’opus caementicium (mélange de mortier et de pierres). Parce que le port grec était difficilement accessible – seulement par le Nord-Est –, parce qu’il était de dimensions réduites, situé dans un environnement battu par les fortes vagues et constitué d’une faible hauteur d’eau, on peut supposer qu’il n’était pas un bassin protégé mais plutôt un port ouvert sur la mer, construit pour de petites embarcations, en taille et en nombre. Il traduit donc une petite activité commerciale de passage où les marins pouvaient tirer leurs embarcations sur la plage. Quant aux navires de commerce plus importants et aux petites embarcations nécessitant un stationnement prolongé, on suppose qu’elles utilisaient un port fluvial situé au Nord de Palaiapolis.

Au Sud de la Néapolis grecque, on a retrouvé, à l’extérieur des murs de la cité, deux temples, l’un dédié au dieu Asklépios, l’autre à Sérapis – ou peut-être Isis ? ainsi qu’une inscription bilingue en Latin-Grec qui témoigne du culte rendu à Sérapis. La présence à cet endroit d’un puits qui remonte au moins au IVè siècle avant J.-C. traduit peut-être les origines d’un culte chthonien ou curatif. Dans le puits, on a aussi retrouvé une statue d’Asklépios – ou peut-être de Sérapis ? – au pied de laquelle se trouve un serpent ; elle semble y avoir été mise à l’abri. Elle date du IIè siècle avant J.-C. et provient de la Méditerranée orientale. Strabon, quant à lui, nous apprend qu’Emporion a abrité le culte de l’Artémis d’Éphèse. L’introduction des cultes hellénistiques à Emporion s’explique grâce au commerce très actif avec l’Orient au IIè siècle avant J.-C.  Ainsi, ouvert sur la mer, sur la cité et sur son territoire, le sanctuaire suburbain constitue un lieu de rencontre idéal entre Grecs et Ibères.

À l’intérieur de la Néapolis, autour de l’agora (place publique), on a aussi retrouvé un atelier de salaison constitué de plusieurs dépendances destinées à l’élaboration de conserves de poissons et de sauces et à l’entrepôt des marchandises qui étaient ensuite transportées dans des amphores.

Dans le secteur Nord de la Néapolis, dans une habitation, on a retrouvé une lettre commerciale rectangulaire écrite en Grec sur plaque de plomb : il s’agit d’une lettre privée dans laquelle un commerçant ionien commande l’achat et le transport de marchandises.

À l’extérieur de la muraille romaine, se situent l’amphithéâtre et la palestre. L’amphithéâtre, qui date du milieu du Ier siècle après J.-C., est de taille modeste : 93 x 44 m avec une arène de 75 x 44 m et une capacité d’accueil de 3300 spectateurs. On suppose que la cité d’Emporiae a subi une crise et que le plan initial de l’amphithéâtre a été, dans la seconde moitié du Ier siècle, revu à la baisse. La palestre mesure, quant à elle, 111 x 68 m. Les deux édifices sont construits en petit appareil avec des renforts de pierre de taille. Ils ont certainement été abandonnés en même temps que le reste de la ville, dans la seconde moitié du IIIè siècle après J.-C.

On entre dans la ville par une porte de la nouvelle enceinte grecque, imposante, ponctuée de tours de guet. Cette muraille, plus symbolique que défensive, fut reconstruite à plusieurs reprises. À l’Est, la partie qui séparait la ville grecque de la ville romaine fut démolie peu après sa construction. La partie la mieux conservée de la muraille se situe au Sud de la ville, mesure 300 m de long et est percée de deux portes dont l’une ouvre sur le cardo maximus et l’autre sur se situe au Sud-Ouest ; sa structure est particulièrement impressionnante car elle est faite de murs dits « cyclopéens », comme à Mycènes par exemple, en grand appareil (avec d’énormes blocs de pierre) et surmontée d’une structure en béton creuse. Au Nord et à l’Ouest, il ne reste que des tronçons de l’enceinte.

La ville romaine est construite selon un plan rectangulaire, typique des camps militaires romains, structurée autour de deux routes principales se rencontrant au niveau du forum : le cardo (axe Nord-Sud) et le decumanus (axe Est-Ouest). On estime que la superficie de la ville romaine couvrait 105 hectares inscrits dans un rectangle de 750 x 350 m de côté et contenait, à l’intérieur de ses murs seulement, plus de 10000 habitants.

Le premier forum romain date de la fin de la République. Au Sud, s’élève un bâtiment à usage commercial. On suppose que s’y tenait un macellum (marché) formé d’un double alignement de tabernae (boutiques) de part et d’autre d’une section de rue, couverte ou non. À l’Est du forum, se trouve une basilique et une curie de l’époque d’Auguste dont il ne reste aujourd’hui que quelques fondations. Au Nord du forum, se trouve un temple dédié à la Triade Capitoline (Jupiter, Junon et Minerve), entouré d'une double colonnade s'élevant sur un cryptoportique, délimitant ainsi une aire sacrée entourée d’une muraille depuis l’époque d’Auguste. De cet ensemble, il ne subsiste plus aujourd'hui que les fondations du podium et du cryptoportique.

Comme dans toute cité romaine, on trouve à Emporiae, au Nord-Est du forum, des latrines et des thermes publics, datant du Ier et du IIè siècles après J.-C., parfaitement intégrés à l’espace urbain et alimentés par une série complexe de canalisations reliées à un aqueduc dont il ne subsiste aucune trace aujourd’hui.

Au Nord-Est du forum, trois domus luxueuses ont été retrouvées. Elles sont bâties sur le plan classique romain de la maison à atrium. L’architecture de l’une d’entre elles contient un trait archaïsant : elle est agrémentée de thermes contenant un balneum domestique qui peut servir de frigidarium, tepidarium ou caldarium selon les besoins, d’un péristylum (péristyle ou cour intérieure) et d’un hortus (jardin). Datant de l’époque républicaine, ces domus sont agrandies sous l’Empire, agrémentées de dépendances et décorées de riches fresques et mosaïques. Sur l’une d’elles, on peut voir représenté le sacrifice d’Iphigénie qui décorait la partie centrale du triclinium (salle à manger) de la maison. Formée de minuscules tesselles de couleur (opus vermiculatum), elle a été exécutée dans un atelier de la Méditerranée orientale et date du Ier siècle avant J.-C. environ. Elle reproduit une peinture grecque du IVè siècle avant J.-C., qui représente la mise en scène théâtrale du mythe du sacrifice d’Iphigénie. À l’entrée d’une autre maison, on peut voir une parole de bienvenue inscrite au sol : HΔY KOITOΣ (èdu koïtos), signifiant « Agréable repos ».

Au Sud et à l'Est de la Neapolis, se trouve une zone qui servait de nécropole. La nécropole grecque d'Emporiae date du VIIè siècle avant J.-C. : à cette époque, les Grecs pratiquent l’inhumation et un tiers des enterrements sont des crémations chez les Ibères. La nécropole continue à être utilisée pour les inhumations et les crémations aux IIème et Ier siècles avant J.-C. A partir d’Auguste et jusqu’au Ier siècle après J.-C., les sépultures de crémation prédominent à proximité de la ville romaine. À partir du IIè siècle après J.-C., la pratique de l’inhumation se généralise.

Emporiae Aujourd’hui ?

Si toute la cité grecque a bien été mise à jour, on ne connaît aujourd’hui que 20 % de la cité romaine. Le site archéologique est inscrit à la liste indicative du Patrimoine de l'Humanité de l'UNESCO, avant d’être reconnu un jour comme Patrimoine de l'Humanité.

Ce qu’en dit Strabon :

Καὶ ἡ σύμπασα δ' ἀπὸ Στηλῶν σπανίζεται λιμέσι μέχρι δεῦρο, ἐντεῦθεν δ' ἤδη τὰ ἑξῆς εὐλίμενα καὶ χώρα ἀγαθὴ τῶν τε Λεητανῶν καὶ Λαρτολαιητῶν καὶ ἄλλων τοιούτων μέχρι Ἐμπορίου. Αὐτὸ δ' ἐστὶ Μασσαλιωτῶν κτίσμα, ὅσον τετταράκοντα διέχον τῆς Πυρήνης σταδίους καὶ τῶν μεθορίων τῆς Ἰβηρίας πρὸς τὴν Κελτικήν· καὶ αὕτη δ' ἐστὶ πᾶσα ἀγαθὴ καὶ εὐλίμενος. Ἐνταῦθα δ' ἔστι καὶ ἡ Ῥόδη, πολίχνιο, Ἐμποριτῶν, τινὲς δὲ κτίσμα Ῥοδίων φασί· κἀνταῦθα δὲ καὶ ἐν τῷ Ἐμπορίῳ τὴν Ἄρτεμιν τὴν Ἐφεσίαν τιμῶσιν, ἐροῦμεν δὲ τὴν αἰτίαν ἐν τοῖς περὶ Μασσαλίαν. ᾬκουν δ' οἱ Ἐμπορῖται πρότερον νησίον τι προκείμενον, ὃ νῦν καλεῖται παλαιὰ πόλις, νῦν δ' οἰκοῦσιν ἐν τῇ ἠπείρῳ. Δίπολις δ' ἐστὶ, τείχει διωρισμένη, πρότερον τῶν Ἰνδικητῶν τινας προσοίκους ἔχουσα, οἳ, καίπερ ἰδίᾳ πολιτευόμενοι, κοινὸν ὅμως περίβολον ἔχειν ἐβούλοντο πρὸς τοὺς Ἕλληνας ἀσφαλείας χάριν, τῷ χρόνῳ δ' εἰς ταὐτὸ πολίτευμα συνῆλθον μικτόν τι ἔκ τε βαρβάρων καὶ Ἑλληνικῶν νομίμων, ὅπερ καὶ ἐπ' ἄλλων πολλῶν συνέβη. 

 

Généralement, depuis les Colonnes d'Hercule jusqu'ici, la côte n'offre qu'un très petit nombre de ports ; en revanche, de Tarraco à Emporium, les bons ports ne sont point rares. Le sol, qui plus est, dans cette partie du littoral, se fait remarquer par sa fertilité, notamment chez les Læétans, chez les Lartolaeètes etc. Emporium, colonie de Massalie, n'est qu'à 40 stades environ du Mont Pyréné et de la frontière de la Celtique ; tout son territoire, le long de la côte, est également riche, fertile et pourvu de bons ports. On y voit aussi Rhodé, petite place dont la population est emporite, mais qui, suivant certains auteurs, aurait été fondée par les Rhodiens. Diane d'Éphèse y est, ainsi qu'à Emporium, l'objet d'un culte particulier, nous en dirons la raison en parlant de Massalia. Dans le principe, les Emporites n'avaient occupé que cette petite île voisine de la côte, qu'on appelle aujourd'hui Palæopolis, la Vieille Ville, mais actuellement leur principal établissement est sur le continent, et comprend deux villes distinctes, séparées par une muraille, voici pourquoi : dans le voisinage immédiat du nouvel Emporium se trouvaient quelques tribus d'Indicètes, qui, tout en continuant à s'administrer elles-mêmes, voulurent, pour leur sûreté, avoir avec les Grecs une enceinte commune. Par le fait, l'enceinte fut double, puisqu'un mur transversal la divisa par le milieu. Mais, avec le temps, les deux villes se fondirent en une seule cité, dont la constitution se trouva être un mélange de lois grecques et de coutumes barbares, ce qui du reste s'est vu en beaucoup d'autres lieux.

Strabon, Géographie, trad. Amédée TARDIEU, 1887.

  • Le nom de la cité Emporiae vient du Grec Ἐμπόριον (Emporion) qui signifie « marché », « entrepôt », « comptoir ». Le mot emporiae est formé sur la racine latine per- qui implique la notion de traverser, de passer.
  • À l’origine, les emporiae sont des comptoirs de commerce côtiers. Ils sont souvent situés près des frontières car on y pratique du grand commerce avec les pays lointains. Les populations qui y circulent sont donc directement en contact avec les indigènes. A l’origine, il y avait de multiples emporiae tout autour du Bassin Méditerranéen : c’est le cas de Carthago (Carthage) ou Corinthus (Corinthe), par exemple. Cependant, on trouve, plus tard, des emporiae à l’intérieur des terres, près des voies d’eau : c’est le cas de Lugdunum (Lyon) ou Corduba (Cordoue), par exemple. Les premiers emporiae ne sont ni des πόλις (polis, cités) ni des ἀποικία (apoikia, colonies) mais nécessitent des habitants en nombre suffisant et la présence de temples.
  • Selon Strabon, la ville grecque originelle d’Emporion est fondée vers 575 avant J.-C. par des colons grecs venus de Phocée en Ionie (Asie Mineure), comme la cité de Massalia en Gaule ou celle d’Alalia en Corse actuelle. Lors de la Deuxième Guerre punique, après l'invasion de la Gaule depuis la Péninsule ibérique par le général carthaginois Hannibal en 218 avant J.-C., la ville est occupée par les Romains. La ville change de nom : elle prend le pluriel Emporiae car il y a désormais deux villes l'une à côté de l'autre.
  • L’emplacement de la cité est situé à l'embouchure de la rivière Fluvià, dans une région habitée par les Indigètes, peuple de l’Ibérie du Nord. C’est un emplacement idéal car il sert de porte d’entrée à la Péninsule ibérique et permet de relier la Mer Méditerranée à l’intérieur des terres.
  • Les fouilles de la cité d’Emporiae ont commencé en 1908 et seulement 1/5 de la superficie totale a été fouillée aujourd’hui. On peut donc imaginer que la cité, bien que modeste à ses débuts, s’est agrandie jusqu’à devenir un comptoir d’une importance capitale : on l’estime à 22 hectares environ à l’époque romaine.

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