Un mot illustré : Note sur de la lumière aux couleurs Quelques champs sémantiques éclairés par l’histoire de la langue.

La lumière

Déjà, en latin, la notion de lumière était envisagée sous deux aspects : un aspect concret – et c’était le mot lumen (neutre) qui était employé pour désigner une réalité matérielle, la clarté du jour, par exemple – et un aspect plus immatériel – et c’était le mot lux (f.) qui était utilisé pour qualifier la lumière considérée comme une force. On peut noter que, de nos jours, ces deux mots, empruntés tels quels au latin désigne, l’un, lumen, une unité de flux lumineux et l’autre, lux, une unité d’éclairement. Si les deux mots ont subsisté en espagnol sous la forme luz (lumière) et lumbre (l’éclat), en général c’est lumen qui a survécu en ancien français (lum), en italien (lume) en provençal (lume) avec les deux sens.

Le français moderne s’est formé sur un dérivé neutre de l’adjectif latin luminaris : luminaria qui désignait en latin toute source lumineuse. Le mot est donc devenu un mot féminin, comme c’est souvent le cas pour ceux qui étaient terminés par – a. Le verbe « allumer » provient d’un verbe du latin vulgaire alluminare, fait sur lumen. Il a, en ancien français, souvent le sens d’éclairer mais l’emploi moderne apparaît dès la Chanson de Roland. On voit bien le rapprochement de sens qui s’est effectué entre « allumer une torche pour avoir de la lumière » et la clarté qui en résulte. « L’allumette », qui existe depuis le Moyen-Âge, était constituée d’un brin de bois ou de chanvre enduit de soufre à son extrémité.

Les autres mots de la famille de lumen sont des emprunts savants : « lumineux, luminaire », ce dernier s’étant d’abord répandu dans la langue religieuse. « Illuminer » est une transposition du latin illuminare et « enluminer », une adaptation de cette forme que l’on trouve déjà dans la Chanson de Roland et jusqu’au XVIe siècle avec le sens de colorier : La Boétie, par exemple, parle de livres illuminés. Au XVIIe siècle, les deux sens se sont spécialisés, l’un dans la lumière et l’autre dans la couleur. Mais on voit bien qu’« éclairer » est un concurrent sérieux du verbe « illuminer ». Formé sur l’adjectif « clair », il est aujourd’hui le verbe couramment utilisé, « illuminer » étant réservé à l’éclairage exceptionnel des jours de fête ou aux emplois figurés dans la langue religieuse. Mais un « illuminé » désigne de façon péjorative un visionnaire, une « illumination », un éclairage particulier ou une idée géniale, une « enluminure », une peinture à la main, minutieusement coloriée.

Mais si les dérivés ont connu des emplois spécialisés, le mot lumière est bien resté ambivalent pour désigner le résultat de l’éclairage et, comme l’expression « le siècle des Lumières » nous l’indique, pour désigner des idées fécondes ou des inspirations artistiques ou spirituelles.

Les couleurs

Les mots qui désignent les couleurs varient en fonction des peuples et des civilisations. Ainsi les grecs anciens, et même les Romains, étaient plus sensibles aux impressions lumineuses qu’aux couleurs. Aussi un certain nombre de termes ont-ils été remplacés par des emprunts.  Nous avons gardé néanmoins des racines latines : « vert » vient de viridis, « noir » de niger, « jaune » de galbinus (vert pâle plus que jaune). Le mot ruber (rouge) a été remplacé par des formes apparentées comme rubeus qui a donné « rouge » en français, russus qui désigne le roux des cheveux. Au Moyen-Âge, c’est vermiculus (petit ver) qui a donné le mot « vermillon » : on obtenait en effet le rouge en écrasant certaines espèces de vers. 

Plusieurs mots latins ont été remplacés par des emprunts germaniques qui ont donné « blanc » ou « bleu », par exemple. Le premier s’est imposé partout et il ne reste plus que des emplois spécifiques pour le mot « aube » (< albus : « l’aube du prêtre, l’aube du jour, l’aubépine ». Le second a prévalu sur caerelus (couleur du ciel). « Brun » est d’origine germanique et « gris » vient de l’allemand Greis (« vieillard ») qui a désigné d’abord la couleur des cheveux.

L’Orient a fourni des mots plus spécialisés : « azur » qui a d’abord qualifié le lapis-lazuli, « écarlate » qui désigne une étoffe de grand prix avant de prendre au Moyen-Âge le sens de « rouge ». « Cramoisi » vient de kermes : un insecte qu’on broyait pour obtenir du rouge. Le vocabulaire des couleurs s’est accru également d’un grand nombre de nuances venues des couleurs des fruits ou des fleurs : rose, violet, châtain, marron ou encore d’autres éléments de nature ou de civilisation : feu, aurore, gorge de pigeon, céladon, cognac, bordeaux…

La création des nuances est aussi le fait des artistes ou des publicitaires mais, luxuriantes, elles sont aussi parfois éphémères.

Dessiner et peindre

Le verbe latin designare, dérivé de signum (« marque, signe, signal, signature, enseigne ») a donné en italien le mot disegnare qui a été emprunté par le français, au XVIe siècle, sous la forme desseigner (d’où provient le substantif dessein : « intention » à partir de la fin du XVIIIe siècle), devenue dessigner sous l’influence de signe. La mouillure, représentée par la graphie -gn-, a été abandonnée au cours du XVIIe siècle, comme dans les mots digne, cygne qui riment régulièrement avec des mots en –ine. Dessin, d’après dessiner, a pris le sens très concret de « tracé » au cours du XVIIIe siècle.

À noter que croquer, « dessiner rapidement », est un synonyme figuré du verbe qui apparaît au XVIIe siècle, le dérivé croquis datant du XVIIIe siècle.

Peindre est issu du verbe latin pingere qui signifie : « dessiner et broder ». Les mots pinctor et pinctura, qui ont pris un n en latin populaire, ont donné les français peintre et peinture.

Le mot tableau est dérivé de table (latin tabula : plaque de bois), le mot esquisse a été emprunté à l’italien schizzo qui provient du latin schedium (« ouvrage improvisé », emprunté à l’adjectif grec skhedios : « improvisé »)…

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