Crimes et châtiments au XVIe siècle  Mots châtiés et paroles assassines

Sous l’Ancien Régime, les usages sociaux, le code des valeurs, les modes de vie, le sens et les décisions de justice expliquent bien souvent des actes que notre société au droit sourcilleux réprime sévèrement. Mais au XVIe siècle, période de passions et de violences extrêmes qui culminent à la Saint-Barthélemy, crimes et châtiments sont exemplaires d’une société où faire justice soi-même, par légitime défense, par fanatisme, par vengeance ou par violence, est presque banal. Et on sait que, jusqu’au XIXe siècle, et en dépit de l’interdiction des duels, l’atteinte à l’honneur se lave dans le sang. La littérature fait état de la violence de ces mœurs qui nous a donné sans doute le chef d’œuvre de Corneille, au XVIIe siècle, mais aussi la problématique théâtrale de ce dramaturge et celle, dans une autre écriture, de Racine.

Mais ce sont tous les écrits, pratiquement, du XVIe siècle, mis à part les recueils poétiques de la Pléiade, qui sont empreints de passions violentes : on songe, bien sûr, aux Tragiques d’Agrippa d’Aubigné, au Discours sur les Misères de ce temps de Ronsard, aux pamphlets et histoires tragiques, aux Mémoires, comme ceux de Brantôme, mais on oublie souvent que l’Heptaméron de Marguerite de Navarre repose sur des nouvelles où crimes et châtiments sont les ressorts de l’action, que de nombreuses pages des Essais de Montaigne sont une réflexion sur la violence.

« Crime et Châtiment », au-delà de leurs résonances littéraires, désignent deux réalités que le discours social et moral associe inexorablement, la transgression des lois impliquant l’effacement par la réparation. Mais ce sont deux mots aussi qui font frémir puisque c’est l’intégrité même de l’individu et de l’ordre social qui est en cause. Rien d’étonnant alors à constater leur pouvoir dramatique et tragique en littérature et dans les arts.

 

Le mot « crime », apparu au XIIe siècle, est emprunté au latin crimen qui désigne d’abord une accusation, un grief avant de  signifier, à l’époque postclassique, des faits criminels, voire la culpabilité de quelqu’un; il est moins employé en ancien français que « mordre » ou « mordrie », devenu « meurtre » au XIVe siècle. C’est un dérivé du francique *murthjan «assassiner» tout comme le verbe « meurtrir » qui signifie encore «tuer» au XVIIIe siècle, sens conservé dans le substantif « meurtrier » mais qui s’est affaibli depuis, dans le verbe.

« Assassinat », emprunté à l’italien assassinato, n’est attesté qu’en 1547 et vient lui-même d’un mot pris à l’arabe, à l’époque des Croisades, hachîch, nom de sectaires syriens, qui assassinaient souvent des chefs chrétiens ou musulmans et dont on attribuait la férocité à l’influence du hachisch qu’ils buvaient. Mais on lui préfère assassinementz qui, à partir de la même racine, correspond mieux aux structures du français.

Son synonyme «homicide» est emprunté au latin homicida, homicidium, formé à partir de homo et de caedo, qui signifie « tueur d’hommes ». Il est bien attesté au XIIe siècle, notamment dans la Queste du Saint-Graal. Quant au mot « tueison », dérivé de « tuer » et du latin populaire *tutare : « éteindre », il désigne la même réalité, mais dans un sens plus large, celui de « tuerie, massacre ». Il s’agit, dans tous les cas, d’atteinte à la vie qui peut prendre des formes particulières, l’infanticide ou le suicide, par exemple. Le premier mot est attesté seulement au début du XVIIe siècle et emprunté au latin de basse époque infanticidium, meurtre de son propre enfant, alors que le second est attribué à l’abbé Desfontaines (1685-1745) et fait à partir du latin sui « de soi », sur le modèle d’homicide. Le dérivé « se suicider » n’est attesté qu’en 1795.

Ces crimes peuvent s’accompagner de diverses exactions : « desrobements, desroberies » (dérivés de « robe » et du germanique *rauba : « butin » avec le préfixe des- privatif), de « pilleries » (apparu en 1360 et dérivé de « piller », du latin pilleum : « chiffon »), de « ravissements » (dérivé de « ravi », issu du latin pop. *rapire : « entraîner avec soi, enlever de force »), c’est à dire de pillages, de vols ou de rapts, mots très en vogue depuis le commencement de la guerre de Cent Ans, grâce à la montée de vocables expressifs dans le domaine de la guerre. Ces faits constituent proprement des « délits » (mot du XIVe siècle et emprunté au latin delictum : « faute »), des « forfaits » (dérivé de « forfaire » à partir de « faire » et du préfixe « for » : « transgresser ») qui entrent dans ce que désigne, au XVIe siècle, le nouveau mot générique de « criminalité » (1539).

Des bandes de « soudards » (réfection péjorative de l’a.fr. « soudoier », dérivé de « sol », du latin solidus : « pièce d’or », usité jusqu’au XVe siècle : « homme d’arme, mercenaire ») « réformés » ou « déserteurs », les « bandouliers » (dérivé de bande : « troupe », issu de l’a. prov. « banda » du gothique bandwa : « signe ») ravagent les campagnes. Montaigne parle de « meschancetés » insignes dont il a été témoin : « Nous sommes tantost, par la longue licence de ces guerres civiles envieillis en une forme d’estat si desbordée [...] qu’à la verité c’est merveille qu’elle se puisse maintenir» (III, 9). Mais, aux méfaits des voleurs de grand chemin et des coupeurs de gorge qui se poursuivront jusqu’au Consulat, s’ajoutent les « voleries » des merciers et les exactions auxquelles se livrent, dans les villes importantes comme Paris ou Lyon, des bandes organisées qui, par prudence, emploient un jargon dont le vocabulaire instable a attiré l’attention des contemporains comme Henri Estienne. De cette forme d’argot, nous avons conservé bon nombre de vocables comme « filou », « duper », « grivois » (brave troupier), « gourer » (tromper). Ces « brigands », mot emprunté à l’italien brigante, « qui va en troupe », et qui a pris, dès le XVIe siècle, le sens actuel en raison des dommages causés par les soldats dans les campagnes, et ces « scélérats », mot tout nouveau attesté en 1536 et emprunté du latin sceleratus, sont parfois des « forcenés »  (dérivé de l’ancien verbe « forsener », XIIe s. : « être hors de sens », composé de la prép. « fors » et de l’ancien substantif « sen » : « sens ») sont au total des criminels, des assassins, des meurtriers, des tueurs et, en tout cas, des «méchants», mot qui a pris un sens quasiment moderne puisque, à époque ancienne, sa formation à partir de « cheoir » et du préfixe négatif « mes- » lui donnait le sens de malchanceux, le méchant étant un malheureux.

Ces criminels sont mus par des « impulsions » (mot emprunté au XIVe siècle du latin impulsio, issu de impelle : « pousser vers » mais rare jusqu’au XVIIIe siècle) ou des « passions » plus ou moins violentes. Ce terme, qui provient du latin de basse époque passio, issu lui-même de patere : « souffrir », apparaît au Xe siècle au sens de souffrance, notamment pour parler du supplice de Jésus-Christ, mais il a vu son sens évoluer au cours de l’histoire de la langue : de celui de souffrance physique, il passe à celui de maladie, de souffrance morale en moyen français et, en 1538, il est finalement attesté au sens de mouvements de l’âme, de sentiment et d’émotion forte. À partir du XVIIe siècle, il désignera, sauf dans l’expression consacrée « passion du Christ », les émotions violentes de l’âme.

À l’origine de ces passions, il y a, outre « l’aversion », mot apparu au XVIe s. mais plus usité au XVIIe siècle, emprunté au latin aversio qui a pris le sens actuel, outre « l’antipathie », mot nouveau, attesté en 1542 et qui est emprunté du latin antipathia (du grec antipatheia, de pathos : « passion »), souvent de la « rancœur », de la « rancune » ou du « ressentiment ». Continuant le latin rancor, proprement « rancidité », le mot « rancœur » apparaît chez saint Jérôme au IVe siècle avec le sens de « rancune » et en français au XIIe siècle. Il est senti comme un synonyme du mot « rancune », mais d’un meilleur niveau de langue. C’est ce que note plus tard, au XVIIIe siècle, Marmontel : « Rancune est populaire mais rancœur est plus noble et plus fort que ressentiment ». Littré tient pour vieilli ce mot qui signifie : « Haine cachée et invétérée qu’on garde dans le cœur ». Tout naturellement, il est rapproché de cœur et  l’expression courante « en avoir gros sur le cœur » lui donne une coloration affective plus accusée que celle de « rancune ». Ce dernier est le résultat de deux altérations du mot précédent. La première est d’époque latine : rancor a subi l’influence du mot cura « souci » d’où en latin populaire, la forme rancura, qui a donné en français « rancure », usuel au Moyen Age. Parallèlement l’ancien provençal et l’ancien italien ont la forme rancura. La seconde altération, au Moyen Age, a transformé, tout en coexistant avec elle, « rancure » en « rancune », sous l’influence du suffixe du mot « amertume ». «Rancune» apparaît déjà dans la Chanson de Roland : le héros « frappe dix coups de son épée, par douleur et par rancune » mais le mot semble avoir là le sens d’amertume. «Ressentiment» présente une curieuse spécialisation de sens. Correspondant à « ressentir » qui représente avec le préfixe re- une intériorisation du sens de sentir, le ressentiment, mot nouveau attesté en 1580 (antérieurement « ressentement » au XIVe siècle) a un sens ambivalent. Voiture, au XVIIe siècle, l’emploie comme synonyme de reconnaissance mais Corneille dans Sertorius, lui donne le sens de rancune et l’abbé d’Olivet, grammairien réputé, remarque : « ressentiment n’est plus employé que pour exprimer le souvenir des outrages et non celui des bienfaits ».

Mais ces états latents peuvent s’exacerber et devenir de la « haine », mot apparu au XIIe siècle et dérivé de « haïr », du francique *hatjan, de même sens, qui a supplanté le latin odire. D’autres verbes s’y sont ajoutés, comme « détester, exécrer et abhorrer », par exemple. Les deux premiers viennent de la langue religieuse des anciens. Le verbe latin à l’origine de « détester » est detestari, dérivé de testis « témoin ». Il signifie « écarter une menace en prenant les dieux à témoin », d’où « écarter en proférant des imprécations, maudire ». Il a été emprunté au XVe s. sous la forme « détester » qui prend au XVIIe s. le sens de « condamnation ». « Détester » s’étend au sentiment d’horreur que des personnes ou des choses peuvent inspirer. Il se rapproche par là de « haïr » mais il semble moins fort et surtout il peut se dire pour des choses de moindre importance. « Exécrer », emprunté à la fin du Moyen Age au latin exsecrari « charger de malédictions », a un sens plus fort et moins usuel que le précédent. « Abhorrer » a été emprunté au XVIe s. au latin abhorrere, formé du préfixe ab- marquant l’éloignement et du verbe horrere, « se hérisser, frissonner d’effroi ou d’horreur ». Il continue de se référer à la notion d’horreur.

 

Ces sentiments de haine peuvent se manifester par la « colère », mot nouveau qui fait son apparition au XVe et au XVIe siècles et va progressivement remplacer le mot « ire » (qui vient du latin ira et est usité dès le Moyen Age) pour concurrencer le mot « courroux », de même époque. Du verbe « courrecier » ou « courroucer » (issu du latin vulgaire corruptiare : « maltraiter, mettre en colère »), on a tiré le nom « courroux » tout en passant du sens physique au sens moral. Ces mots ne désignent pas seulement la colère mais aussi le chagrin. « Cholère », selon l’orthographe du XVIe siècle, est d’origine médicale et repose sur une confusion entre deux mots grecs : « kholè » qui désignait la bile et « choléra » qui dénommait la maladie du même nom. La colère était tenue pour une maladie de la bile et l’on sait quel usage Rabelais a fait du mot puisque Picrochole est le roi à la bile amère du Gargantua. La colère est également appelée « chaude chole » (bile chaude), expression qui s’est effacée rapidement. Dans la prose, « colère » est devenu assez vite le mot dominant mais dans les tragédies comme celles de Robert Garnier, les trois mots « ire, courroux et colère » sont employés de façon équivalente. Au XVIIe siècle, « ire » est rejeté de l’usage, sauf dans la langue religieuse, « courroux », réservé à la haute poésie et au style noble, « colère » devient le mot inévitable, mais il perd son h et tout rapport avec le choléra est ainsi écarté. Mais le lien entre le fait physiologique et le fait psychologique se maintient pourtant encore de nos jours puisqu’on parle d’accès de colère comme d’accès de fièvre. Colérique, dérivé de colère et employé jusqu’à la fin du XVIe siècle, a été remplacé par « coléreux », « se colérer » (se mettre en colère), a disparu après avoir été utilisé au XVIe et au XVIIe siècles, « décolérer » est d’emploi récent.

Mais la colère peut aller jusqu’à la « fureur » (mot emprunté au latin furor au Xe siècle), le coup de « folie » qui désigne au XVIe siècle un phénomène général dépourvu des signes cliniques actuels et peut se concrétiser par l’acte de « vengeance » (mot du XIe siècle, dérivé du verbe « venger », du latin vindicare « réclamer en justice, revendiquer »). Pour assouvir ses mauvais instincts, donner libre cours à sa soif de vengeance, le meurtrier peut avoir recours à de nombreux moyens. Pour « tuer » (du latin pop. *tutare, lat. class. tutari : « protéger, garantir de » qui a dû prendre, à basse époque, le sens d’éteindre mais aussi celui de tuer au XIIIe siècle), on peut « assommer » son adversaire, non pas au sens médiéval du terme qui signifiait endormir (dérivé de « somme » et du latin somnum : « sommeil »), mais au sens fort que le verbe possède actuellement. On peut aussi l’« estroer » (dérivé de « trou » du latin traucum) c’est-à-dire le « transpercer », l’« étrangler » (XIIe siècle, lat. strangulare), l’empoisonner et utiliser un « venin », du latin vulgaire venimen, par changement de suffixe (lat. classique venenum) qui s’est dit de tout poison jusqu’au XVIe siècle : Montaigne parle encore d’un venin préparé avec de la ciguë. Mais, de bonne heure, « venin » s’est dit plus spécialement des poisons secrétés par des animaux (des serpents ou des insectes...) et n’est plus usité qu’en ce sens. Le verbe « envenimer » a signifié « infecter avec du poison ». Au XVIe siècle, le chirurgien Ambroise Paré parle de flèches envenimées et le verbe est encore utilisé pour qualifier une blessure qui s’infecte, ou au figuré, une discussion qui tourne mal. Le concurrent qui a presque supplanté venin est « poison » issu du latin potio : « boisson ». Dès l’époque classique, le mot a pris le sens de « breuvage » et spécialement de « breuvage magique », « breuvage médicinal ». En ce sens habituel, au Moyen Age, il a été remplacé au XVIe siècle par « potion », emprunt savant, et le mot « poison » s’est alors spécialisé dans celui de toxique, sens devenu actuel. Issus de la même racine mais à des époques différentes, les deux mots se sont aussi différenciés par le genre puisque « poison » est devenu progressivement masculin au XVIe siècle et de façon inexplicable. Le verbe « empoisonner », qui en est dérivé, peut avoir pour objet aussi bien la matière où l’on mêle du poison que la personne qui est victime du poison.

Mais la cause de la mort peut être aussi le « duel », mot apparu en 1539 et emprunté au latin duellum, forme archaïque de bellum : « guerre » et qui a été faussement interprété comme un dérivé de duo : « deux ». Jusque vers 1550 subsiste le duel judiciaire, précédé par un défi ou gage de bataille, qui avait lieu en public ; un exemple en est donné par la célèbre rencontre où Jarnac porta à son adversaire en 1547, un coup demeuré fameux mais le duel privé qui s’autojustifiait par un sentiment exalté de l’honneur était fréquemment suscité par les motifs les plus futiles. Le duel est pratiqué par la noblesse mais aussi par le peuple et même les prêtres ; il n’était pas encore réglementé au XVIe siècle par des conventions très précises. Montaigne et La Noue se montrent très sévères pour l’habitude qui s’était établie de ne plus combattre tête-à-tête mais camp contre camp, le duelliste étant assisté de seconds ou de parrains, tiers et quarts. Montaigne fait allusion au duel à quatre, à la mode depuis Louis XII, et à ce que Noël du Fail appelle un combat en croix saint André (Œuvres, I, p. 194). Condamnée par le Concile de Trente en 1563 et par le parlement de Paris en 1599, la pratique du duel se poursuivra au XVIIe siècle. Les armes utilisées dans ces duels, ou différents meurtres ou crimes, sont l’« espée » qui comporte de nombreuses variétés parmi lesquelles l’« espée bastarde » ou « lansquenette » qui frappe d’estoc et de taille (expressions du XVe siècle), l’« estoc » désignant au XVIe siècle une épée longue, alors que le « bazelaire » ou « braquemart » est une épée courbe. Le « sabre », d’invention allemande, n’apparaît en France qu’en 1598 ; le terme de « poignard » remplace à cette époque celui de poingnal.

La victime menacée est alors en « dangier ». Ce mot, qui vient du latin pop. *dominarium : « domination, pouvoir », voit son sens évoluer : du point de vue de celui qui l’exerce on passe au point de vue de celui qui subit ce pouvoir et, dès le moyen français, « dangier » prend de plus en plus souvent le sens de péril. La victime peut crier « merci » (du latin mercedem : « salaire, récompense »), c’est-à-dire demander grâce à son bourreau et implorer sa miséricorde. Mais elle peut être aussi « navrée » (du latin naufragare : « naufrager » et plus tard « blesser »), mot qui est resté en usage au sens de blesser jusqu’à la fin du XVIe s. mais est concurrencé par « blesser » (qui vient du germanique blettjan : « contusionner » et s’imposera par la suite pour s’appliquer à toutes sortes de lésions externes). La plupart du temps, il y a mort d’homme et l’événement se termine tragiquement.

 

Le crime peut rester impuni, mais les textes ne manquent pas de décrire les « châtiments » (XIIe s ; dérivé du latin castigare « essayer de rendre pur ») infligés au coupable. Soumis en prison, dans leur geôle (qui signifie cage jusqu’au XVIe s.) à un régime très sévère, les condamnés à la peine de mort sont pendus, « ars » (brûlés) ou subissent des tortures diverses. « Gesne » et « gesner » ont conservé jusqu’au XVIIe s. les sens de « tourment » et « tourmenter ». Il est vrai que certains condamnés peuvent bénéficier de grâces imprévues, comme ce fut au XVe s. le cas de Villon, délivré en 1461 à l’occasion de l’avènement de Louis XI. La sévérité des peines s’accroît au XVIe siècle pour les procès criminels : rétablissement du supplice de la roue (1534) et de la question préalable (1539). Il s’agissait pour le législateur de lutter contre une criminalité croissante ; celle-ci se développera pourtant d’une manière inquiétante à partir des guerres de religion.

 

Mais la cruauté qui accompagne les châtiments fait l’objet de nombreuses mentions chez les observateurs du temps. La justice donne exemple en infligeant « supplices, torture, gesne, tourmens » d’une manière systématique. Considérés comme un spectacle attrayant, les exécutions capitales, le supplice de la roue, l’« escartelement » (terme qui n’est attesté qu’en 1611), l’« estrapade » (fin XVe s.) attirent des foules considérables comprenant même des enfants ; le public n’y joue pas un rôle passif : on applaudit ou on hue le condamné ; il est arrivé qu’on tue un bourreau maladroit. L’Estoile (juin 1610) regrette qu’on n’ait pas crevé les yeux à un enfant de 13 ou 14 ans condamné aux galères pour avoir eu l’intention d’utiliser un charme pour tuer le roi. Les animaux ne sont pas épargnés : on a organisé des spectacles au cours desquels des chats étaient brûlés vifs. Cruauté et agressivité ne sont pas moins fréquentes dans les milieux les plus élevés. Charles IX a fait preuve à plusieurs reprises d’un comportement sadique. Les rares protestations qui se font entendre sont dues à des humanistes : Rabelais et Montaigne manifestent comme les Pythagoriciens une grande horreur pour le sang versé ; le chapitre IX (livre II) des Essais consacré à la cruauté nous montre que celle-ci naît de la couardise et du mensonge. Les mentalités évoluent lentement : l’utilisation métaphorique de « tourment » et de « gesne » au début du XVIe siècle semble marquer un changement d’attitude.

 

Voici donc quelques voies sémantiques tracées dans les champs du crime et du châtiment qui  sont illustrées par les scènes de meurtres de la littérature de l’époque et permettent de mieux comprendre des actes souvent surprenants pour nous : crimes de roi ou de reine, crimes de femmes, infanticides mais aussi crimes d’amour, crimes d’honneur, crimes d’hérésie...

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