Aphrodite, est venue d’Orient en Grèce. Grande déesse de la fécondité et de l’amour chez les Babyloniens et chez les Phéniciens, elle devient chez les Grecs l’une des douze divinités olympiennes, la déesse de l’amour et de la beauté. Hérodote rapporte que son plus ancien sanctuaire est celui d’Aphrodite Ourania à Askalon (Histoires, 1, 105). À Rome elle est identifiée avec la déesse italique Vénus. Sa naissance fait l’objet de deux traditions distinctes : dans l’Iliade (V, 370-371), elle est fille de Zeus et de Dionè, fille elle-même d’Océan, alors que dans la Théogonie d’Hésiode, elle naît du sperme du sexe d’Ouranos, tranché et jeté à la mer par son fils Kronos.
Plus tardivement (Ve siècle après J.-C.), dans son Commentaire sur le Cratyle de Platon (406 c-d), Proclus évoquera aussi, d’après Orphée, la naissance mythique de deux Aphrodites, reliant cette naissance au mythe cosmique du Ciel et de la Terre :
"Ouranos crée alors Aphrodite du sperme de ses organes génitaux, jetés dans la mer, ainsi que dit Orphée : d'en haut ses testicules tombèrent dans la mer, et comme ceux-ci flottaient de tout côté il y eut un tourbillon de blanche écume ; puis dans les saisons cycliques, Année enfanta la vierge digne de vénération [...].
La seconde Aphrodite, est créée par Zeus [...] ; mais, dans cette tâche, Diônè lui prête main [...]. De celle-ci, voici ce que dit encore le théologien : le désir le saisit plus violemment, et du père tout-puissant la semence de l'écume jaillit de ses organes et la mer recueille la semence du grand Zeus. Et dans l'année accomplissant son cycle, lors de la belle saison des plantes nouvelles, il engendre Aphrodite née de l'écume, celle qui éveille le rire."
Ce texte fait écho au passage du Banquet (180 d-e,181 a-c) où Platon fait de l'une le symbole de l'amour intellectuel, (l'Aphrodite ouranienne, céleste) et de l'autre le symbole de l'amour sensuel (l'Aphrodite pandémienne, populaire).
Elle sort de l’écume de la mer, et poussée par le Zéphyr elle aborde d’abord à Cythère puis à Chypre, et sous ses pas, la terre fleurit. Elle est accueillie par les Saisons et conduite chez les Immortels qui s’enflamment d’emblée pour elle. Née de l’écume de la mer elle est naturellement favorable aux marins et apaise la mer agitée. Elle est ainsi la déesse "de la mer calme" (galènaiè). Les fêtes en son honneur, les Aphrodisies, sont fameuses et, notamment à Égine, célébrées au milieu d’une foule de réjouissances.
Mariée par Zeus à Héphaïstos, elle s’éprend d’Arès. Prévenu par Apollon, Héphaïstos fabrique un filet magique que lui seul peut manipuler. Une nuit que les deux amants sont unis dans le lit d’Aphrodite, Héphaïstos les saisit dans son filet et fait venir les dieux de l’Olympe qui tous sont pris d’un fou rire inextinguible à la vue de ce spectacle.
C’est aussi Adonis, recueilli tout jeune par Aphrodite, quand sa mère, Myrrha, fut changée en arbre à myrrhe, qui par sa beauté éveille vivement les désirs de la déesse, mais aussi ceux de Perséphone. Le débat entre les deux déesses est arbitré par Zeus et il est décidé qu'Adonis passera un tiers de l'année avec Aphrodite, un tiers avec Perséphone, et le dernier comme il voudra. Mais Adonis choisit de vivre les deux tiers de l'année avec Aphrodite. Avant de parvenir à l'âge adulte, il est tué par un sanglier qu'Artémis avait lancé contre lui. À l’initiative d’Aphrodite, est fondée en son honneur une fête funèbre, où chaque année, au printemps, les femmes plantent sur les toits des maisons d’Athènes, dans des vases ou caisses dits jardins d'Adonis, des graines qu'elles arrosent de manière à ce qu'elles poussent très vite ; mais ainsi forcées les plantes se fanent rapidement, symbolisant à leur manière le destin d'Adonis. Les femmes se livrent alors à des lamentations rituelles sur le sort du jeune homme (voir, pour la signification du mythe, M. Détienne, Les jardins d'Adonis, Paris, 1972).
Lors du jugement de Pâris où celui-ci doit désigner la plus belle des trois déesses, Héra, Athéna ou Aphrodite, c'est elle qui offre à Pâris comme récompense, s’il la désigne, la main d’Hélène. Aphrodite est ainsi pour une part à l’origine de la guerre de Troie où elle protégera les troyens. Elle est également la mère d'Énée qu’elle eut après s’être unie au berger Anchise, tandis qu’il gardait ses troupeaux sur le sommet de l’Ida. Elle obtient de Zeus le droit pour les survivants de Troie de connaître la fin de leurs épreuves du fait de leur piété. C’est avec sa protection qu’Anchise, son fils Énée et son petit-fils Ascagne emportant les Pénates de Troie réussissent à prendre la fuite, et, après de longs périples, à parvenir à Cumes (à l’ouest de Naples) puis à l’embouchure du Tibre qu’ils remontent jusqu’à la ville de Pallantée, où Rome s’édifiera par la suite. Virgile, dans l’Énéide, racontera ce long périple d’Énée pour trouver une nouvelle patrie. Et Jules César, dans la fabrique de sa propre mythologie, revendiquera la protection tutélaire de Vénus-Aphrodite, en mettant en avant "son ascendance directe" à Vénus-Aphrodite par Iule-Ascagne, fils d’Énée et petit-fils de la déesse. César développe ce culte quasi personnel notamment en dressant un temple dans le nouveau Forum pour Venus Genetrix. Mais surtout le lien direct avec Vénus-Aphrodite qu’il proclame permettra cette innovation, qui deviendra ensuite institutionnelle, de la divinisation de l’empereur défunt. Octave prendra ainsi l’appellation de Divi filius, fils de "celui qui a été divinisé".
Aphrodite est d’abord la déesse de la génération, et par la loi du désir, sa domination s'exerce sur tous. C’est Vénus-Aphrodite qu’invoque ainsi Lucrèce au début de son poème De la Nature (Livre 1) comme puissance fécondante universelle. Seules échappent à son pouvoir Artémis, Athéna et Hestia, qui demeurent vierges, comme l'indique l'Hymne homérique à Aphrodite. Elle est la beauté même, et si elle intervient dans le mariage et la procréation, elle n’est pas pour autant pleinement une déesse nuptiale comme Héra. Elle est d’abord celle qui enflamme de désir les cœurs de tous les êtres vivants. Lorsqu’elle se rend vers Anchise pour le séduire, l’hymne homérique (Hymne à Aphrodite, vers 69-74), la décrit marchant par la montagne avec des fauves qui s’avancent derrière elle, en la flattant : des loups gris, des lions au poil fauve et des panthères rapides. "Elle s’en réjouit et jette le désir dans leurs poitrines ; ils partent alors tous s’accoupler dans l’ombre des vallons."
Les Charites (assimilées aux Grâces par les Latins) l’accompagnent ainsi que Peitho, la Persuasion, et Pothos, le Désir. Le printemps est naturellement son grand moment. Élien rapporte un étrange phénomène (La personnalité des animaux, X, 50) : sur le mont Éryx nommé aujourd'hui monte San Giuliano, situé au nord-ouest de la Sicile, l’autel du grand temple qui lui est consacré, et sur lequel on lui fait de nombreux sacrifices, voit chaque matin disparaître toute trace de feu, et "lorsque pointe l’aube, l’autel ne présente ni charbons, ni cendres ni bouts de tisons à demi consumés, mais est entièrement recouvert de rosée et d’une herbe fraîche qui repousse toutes les nuits." (trad. A. Z.)
Ce qu'écrit Hésiode :
ἐκ δ' ἔβη αἰδοίη καλὴ θεός, ἀμφὶ δὲ ποίη
ποσσὶν ὑπὸ ῥαδινοῖσιν ἀέξετο· τὴν δ' Ἀφροδίτην
(ἀφρογενέα τε θεὰν καὶ ἐυστέφανον Κυθέρειαν)
κικλήσκουσι θεοί τε καὶ ἀνέρες, οὕνεκ' ἐν ἀφρῶι
θρέφθη·[...]
« C’est là qu’elle aborde, la belle et vénérée déesse, et l’herbe croît sous les pieds légers de celle que les dieux, comme les hommes, appellent Aphrodite, parce qu’elle a été formée de l’écume [...]. »
Hésiode, Théogonie (vers 194-198, trad. P.C.)