Achille Tatius, Le roman de Leucippé et Clitophon, § 2-13- Texte et traduction Traduction : Du PERRON de CASTERA, Paris, Collection Antiqua, 1930

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Dossier élaboré par

Cécile Daude
Paulette Garret
Sylvie Pédroaréna
Brigitte Planty

Gilles Roussel

sous la direction de Sylvie David

 

Au début du roman d’Achille Tatius Leucippé et Clitophon, récit romanesque des amours de Clitophon et de sa cousine Leucippé, datant vraisemblablement du IIe s. après J.-C., le narrateur, qui vient d’échapper à un naufrage, se rend dans le sanctuaire d’Astarté pour la remercier d’avoir eu la vie sauve et il visite la ville. Il découvre alors un tableau représentant l’enlèvement d’Europe ; voici sa description (ce passage est ce qu’on appelle une ecphrasis, c’est-à-dire une description d’œuvre d’art) :

 

§ 2 Περιϊὼν οὖν καὶ τὴν ἄλλην πόλιν καὶ περισκοπῶν τὰ ἀναθήματα, ὁρῶ γραφὴν ἀνακειμένην γῆς ἅμα καὶ θαλάσσης. Εὐρώπης ἡ γραφή· Φοινίκων ἡ θάλασσα· Σιδῶνος ἡ γῆ. § 3 Ἐν τῇ γῇ λειμὼν καὶ χορὸς παρθένων. Ἐν τῇ θαλάττῃ ταῦρος ἐπενήχετο, καὶ τοῖς νώτοις καλὴ παρθένος ἐπεκάθητο, ἐπὶ Κρήτην τῷ ταύρῳ πλέουσα. Ἐκόμα πολλοῖς ἄνθεσιν ὁ λειμών· δένδρων αὐτοῖς ἀνεμέμικτο φάλαγξ καὶ φυτῶν· συνεχῆ τὰ δένδρα· συνηρεφῆ τὰ πέταλα· συνῆπτον οἱ πτόρθοι τὰ φύλλα, καὶ ἐγίνετο τοῖς ἄνθεσιν ὄροφος ἡ τῶν φύλλων συμπλοκή. § 4 Ἔγραψεν ὁ τεχνίτης ὑπὸ τὰ πέταλα καὶ τὴν σκιάν, καὶ ὁ ἥλιος ἠρέμα τοῦ λειμῶνος κάτω σποράδην διέρρει, ὅσον τὸ συνηρεφὲς τῆς τῶν φύλλων κόμης ἀνέῳξεν ὁ γραφεύς. § 5 Ὅλον ἐτείχιζε τὸν λειμῶνα περιβολή· εἴσω δὲ τοῦ τῶν ὀρόφων στεφανώματος ὁ λειμὼν ἐκάθητο. Αἱ δὲ πρασιαὶ τῶν ἀνθέων ὑπὸ τὰ πέταλα τῶν φυτῶν στοιχηδὸν ἐπεφύκεσαν, νάρκισσος καὶ ῥόδα καὶ μυρρίναι. Ὕδωρ κατὰ μέσον ἔρρει τοῦ λειμῶνος τῆς γραφῆς, τὸ μὲν ἀναβλύζον κάτωθεν ἀπὸ τῆς γῆς, τὸ δὲ τοῖς ἄνθεσι καὶ τοῖς φυτοῖς περιχεόμενον. § 6 Ὀχετηγός τις ἐγέγραπτο δίκελλαν κατέχων καὶ περὶ μίαν ἀμάραν κεκυφὼς καὶ ἀνοίγων τὴν ὁδὸν τῷ ῥεύματι. Ἐν δὲ τῷ τοῦ λειμῶνος τέλει πρὸς ταῖς ἐπὶ θάλατταν τῆς γῆς ἐκβολαῖς τὰς παρθένους ἔταξεν ὁ τεχνίτης. § 7 Τὸ σχῆμα ταῖς παρθένοις καὶ χαρᾶς καὶ φόβου. Στέφανοι περὶ τοῖς μετώποις δεδεμένοι· κόμαι κατὰ τῶν ὤμων λελυμέναι· τὸ σκέλος ἅπαν γεγυμνωμέναι, τὸ μὲν ἄνω τοῦ χιτῶνος, τὸ δὲ κάτω τοῦ πεδίλου· τὸ γὰρ ζῶσμα μέχρι γόνατος ἀνεῖλκε τὸν χιτῶνα. Τὸ πρόσωπον ὠχραί· σεσηρυῖαι τὰς παρειάς· τοὺς ὀφθαλμοὺς ἀνοίξασαι πρὸς τὴν θάλασσαν· μικρὸν ὑποκεχηνυῖαι τὸ στόμα, ὥσπερ ἀφήσειν ὑπὸ φόβου μέλλουσαι καὶ βοήν· τὰς χεῖρας ὡς ἐπὶ τὸν βοῦν ὤρεγον. § 8 Ἐπέβαινον ἄκρας τῆς θαλάττης, ὅσον ὑπεράνω μικρὸν τῶν ταρσῶν ὑπερέχειν τὸ κῦμα· ἐῴκεσαν δὲ βούλεσθαι μὲν ὡς ἐπὶ τὸν ταῦρον δραμεῖν, φοβεῖσθαι δὲ τῇ θαλάττῃ προσελθεῖν. Τῆς δὲ θαλάττης ἡ χροιὰ διπλῆ· τὸ μὲν γὰρ πρὸς τὴν γῆν ὑπέρυθρον· κυάνεον δὲ τὸ πρὸς τὸ πέλαγος. § 9 Ἀφρὸς ἐπεποίητο καὶ πέτραι καὶ κύματα· αἱ πέτραι τῆς γῆς ὑπερβεβλημέναι, ὁ ἀφρὸς περιλευκαίνων τὰς πέτρας, τὸ κῦμα κορυφούμενον καὶ περὶ τὰς πέτρας λυόμενον εἰς τοὺς ἀφρούς. Ταῦρος ἐν μέσῃ τῇ θαλάττῃ ἐγέγραπτο τοῖς κύμασιν ἐποχούμενος, ὡς ὄρους ἀναβαίνοντος τοῦ κύματος, ἔνθα καμπτόμενον τοῦ βοὸς κυρτοῦται τὸ σκέλος. § 10 παρθένος μέσοις ἐπεκάθητο τοῖς νώτοις τοῦ βοός, οὐ περιβάδην, ἀλλὰ κατὰ πλευράν, ἐπὶ δεξιὰ συμβᾶσα τὼ πόδε, τῇ λαιᾷ τοῦ κέρως ἐχομένη, ὥσπερ ἡνίοχος χαλινοῦ· καὶ γὰρ ὁ βοῦς ἐπέστραπτο ταύτῃ μᾶλλον πρὸς τὸ τῆς χειρὸς ἕλκον ἡνιοχούμενος. Χιτὼν ἀμφὶ τὰ στέρνα τῆς παρθένου μέχρις εἰς αἰδῶ· τοὐντεῦθεν ἐπεκάλυπτε χλαῖνα τὰ κάτω τοῦ σώματος· λευκὸς ὁ χιτών· ἡ χλαῖνα πορφυρᾶ· τὸ δὲ σῶμα διὰ τῆς ἐσθῆτος ὑπεφαίνετο. § 11 Βαθὺς ὀμφαλός· γαστὴρ τεταμένη· λαπάρα στενή· τὸ στενὸν εἰς ἰξὺν καταβαῖνον ηὐρύνετο. Μαζοὶ τῶν στέρνων ἠρέμα προκύπτοντες· ἡ συνάγουσα ζώνη τὸν χιτῶνα καὶ τοὺς μαζοὺς ἔκλειε, καὶ ἐγίνετο τοῦ σώματος κάτοπτρον ὁ χιτών. § 12 Αἱ χεῖρες ἄμφω διετέταντο, ἡ μὲν ἐπὶ κέρας, ἡ δὲ ἐπ' οὐράν· ἤρτητο δὲ ἀμφοῖν ἑκατέρωθεν ὑπὲρ τὴν κεφαλὴν ἡ καλύπτρα κύκλῳ τῶν νώτων ἐμπεπετασμένη· ὁ δὲ κόλπος τοῦ πέπλου πάντοθεν ἐτέτατο κυρτούμενος· καὶ ἦν οὗτος ἄνεμος τοῦ ζωγράφου. Ἡ δὲ δίκην ἐπεκάθητο τῷ ταύρῳ πλεούσης νηός, ὥσπερ ἱστίῳ τῷ πέπλῳ χρωμένη. § 13 Περὶ δὲ τὸν βοῦν ὠρχοῦντο δελφῖνες, ἔπαιζον Ἔρωτες· εἶπες ἂν αὐτῶν ἐγγεγράφθαι καὶ τὰ κινήματα. Ἔρως εἷλκε τὸν βοῦν· Ἔρως, μικρὸν παιδίον, ἡπλώκει τὸ πτερόν, ἤρτητο φαρέτραν, ἐκράτει τὸ πῦρ· μετέστραπτο δὲ ὡς ἐπὶ τὸν Δία καὶ ὑπεμειδία, ὥσπερ αὐτοῦ καταγελῶν, ὅτι δι' αὐτὸν γέγονε βοῦς.

 

Pour une traduction plus précise, se reporter à la traduction juxtalinéaire dans ce dossier. 

 

[1,1] Sur les côtes d'Assyrie s'élève la fameuse ville de Sidon, que les Phéniciens reconnaissent pour leur capitale, et d'où les Thébains tirent leur origine. Ses murs forment un croissant qui, dans son vaste sein, embrasse deux ports liés l'un à l'autre par une étroite embouchure, où l'eau s'insinue imperceptiblement. Dans celui qui s'avance le plus vers la mer, les vaisseaux trouvent en été un asile agréable ; le second leur ouvre un refuge assuré contre les orages qui, pendant l'hiver, règnent sur l'empire des ondes. La tempête m'avait jeté sur ces bords paisibles. Mon premier soin fut de me rendre au pied des autels de la puissante Astarté, qui est la déesse tutélaire des Phéniciens, et je lui offris le sacrifice que les voyageurs échappés du naufrage ont coutume de lui présenter. Ensuite je m'amusai à parcourir la ville. J'en examinais avec attention les raretés et les richesses ; rien ne se dérobait à mes regards curieux. Un jour que j'étais entré dans un temple magnifique, dont la voûte et les colonnes étaient parées de diverses offrandes, j'y remarquai un tableau qui représentait le territoire de Sidon, la mer phénicienne et la fable d'Europe. Dans ce tableau, la terre offrait aux yeux une prairie qui était ornée des plus agréables présents de Flore. L'art paraissait y seconder la nature ; le narcisse, la rose et le myrthe brillaient dans des plates-bandes dont l'arrangement n'ôtait rien aux charmes de la variété. D'espace en espace, l'oeil rencontrait des arbres qui, par leur entrelacement mutuel, formaient un dôme vert, où les fleurs étaient à l'abri des injures du temps. Le peintre avait poussé sa délicatesse et son exactitude jusqu'à répandre sous ces riants berceaux une ombre qui s'éclaircissait plus ou moins, suivant que les rayons du soleil pénétraient au travers des feuillages. Dans le lointain, on apercevait des roseaux qui bordaient la campagne et qui semblaient lui servir de couronne. Enfin il jaillissait de terre une fontaine d'eau vive et pure, qui, s'écartant de sa source par différents canaux, et se repliant plusieurs fois sur elle-même, arrosait de tous côtés cet aimable séjour. Loin de la mer, le pinceau avait représenté quelques jeunes filles qui folâtraient et qui erraient à l'aventure dans cette plaine délicieuse. Plusieurs autres s'étaient attroupées sur le rivage : celles-ci paraissaient accablées d'une profonde tristesse ; leurs têtes étaient couronnées de fleurs ; leurs cheveux, épars sur leurs épaules, voltigeaient au gré du vent ; elles avaient le visage pâle, les joues tant soit peu retirées par un mouvement d'effroi, les lèvres entr'ouvertes comme pour gémir, les mains et les yeux douloureusement tournés vers les flots, la robe retroussée jusqu'aux genoux, et les jambes toutes nues. On connaissait à leur attitude qu'elles s'étaient avancées vers le bord de l'eau pour courir après Jupiter, qui, sous la figure d'un taureau, enlevait la belle Europe ; mais leur front timide témoignait en même temps que, si elles chérissaient leur princesse, elles ne craignaient pas moins la mort : leur frayeur les arrêtait, et l'onde ne mouillait que leurs pieds. La mer était peinte de deux couleurs : vers le bord, la proximité du sable lui donnait un oeil jaunâtre ; dans l'éloignement, le ciel, qui s'y mirait sans nuages, la faisait paraître bleue. Les vagues se brisaient contre des rochers et couvraient d'écume leur cime orgueilleuse. Au milieu des flots nageait le taureau triomphant. Il tournait sa course vers l'île de Crète ; l'onde se soulevait à gros bouillons et s'entr'ouvrait pour lui livrer passage. L'aimable Europe était assise sur son dos, non pas comme on a coutume de se tenir à cheval, mais les deux jambes d'un même côté. Elle était habillée d'une étoffe fine, légère et transparente, qui ne donnait de plaisir aux yeux qu'autant qu'il en fallait pour ménager leur occupation. Les dauphins bondissaient autour du taureau ; un essaim de petits Amours l'accompagnait en folâtrant ; l'œil séduit par la douce imposture de l'art, suivait leurs mouvements et leur badinage. Cupidon, le carquois sur l'épaule, tenant d'une main son redoutable flambeau, et traînant de l'autre le ravisseur enchaîné, semblait exprimer sa joie par le battement de ses ailes ; il avait la tête tournée vers le dieu travesti et le regardait avec un sourire malin, comme s'applaudissant d'avoir contraint le maître du monde à rabaisser sa grandeur sous cette étrange métamorphose.

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